Savoir ou savoir être, telle est la question

Par Philip McLaughlin, directeur de BEM (Bordeaux Ecole de Management).
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Quelles compétences attendons-nous d'un manager : qualités techniques ou qualités comportementales ? Question cruciale pour notre société, pour l'entreprise et pour l'école qui les forment. À en croire les DRH, les critères comportementaux de savoir être l'emportent aujourd'hui largement sur les critères techniques liés au savoir dans l'énoncé des profils de poste. Dans tous les cas, les "hard skills" et "soft skills" - compétences techniques et compétences comportementales - se conjuguent comme la nécessité d'une combinaison optimale. On le voit bien quand on interroge un DRH sur sa façon de concevoir sa gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences ou de construire ses plans de succession. La détection des "hauts potentiels" et l'anticipation de leur trajectoire professionnelle reposent davantage sur leur personnalité et sur leur capacité à la développer encore en acquérant, s'il le faut, des compétences complémentaires.

Car, ne nous y trompons pas, ce qui compte pour l'identification, la sélection et la promotion des "managers d'avenir" prime dès l'embauche. C'est bien le "vivre ensemble" qui est en jeu dès lors que nous sommes conscients que n'importe lequel d'entre nous passe plus de temps avec ses collègues de bureau qu'avec sa famille.

De quels outils les écoles de management disposent-elles pour doter leurs étudiants de ces compétences nécessaires avant de les plonger dans "le monde réel" ? L'enseignement, en premier lieu, qui leur apporte la possession de savoirs, de techniques et de codes, leur donne ce minimum d'assurance pour commencer à échanger entre professionnels. Les stages bien sûr figurent en second lieu. Ce qui est regrettable, c'est qu'ils restent encore trop souvent de l'ordre des figures imposées, trop éloignés de ce regard à 360°, propre à l'étonnement. Nous n'oublions pas non plus la vie associative comme lieu d'apprentissage du savoir-être.

Il serait plus formateur d'élargir le travail en stage à une réflexion critique sur les méthodes observées, sur la culture de l'entreprise et ses pratiques, sur son enracinement territorial, sur les structures sociologiques de son personnel. Mais l'étudiant devrait aussi effectuer un véritable retour sur lui-même, sur la révélation de qualités qu'il ne soupçonnait pas posséder, sur la détection d'insuffisances à combler... Si cette réflexion doit permettre à l'étudiant de mieux se connaître, elle ne sera vraiment aboutie qu'à la condition de se questionner sur sa relation à l'autre dans un cadre professionnel.

Nous appelons nos étudiants à assumer leurs choix, à prendre leurs responsabilités en main, à affirmer leur identité... à écrire leur histoire. Mais on n'écrit jamais son histoire seul, sans se soucier de son environnement et des conséquences de ses actes et de son comportement sur les autres. Le stage doit être un moyen d'apprendre à travailler en groupe et pas simplement un véhicule pour affirmer sa différence. S'imposer dans une équipe, non pas nécessairement et d'emblée comme un leader, mais déjà simplement comme un "équipier" dont on reconnaît la compétence et le droit à la parole est une expérience du management, exercé ou subi. Nombre d'enseignants prêchent pour une restauration de la primauté des "hard skills". Comment accepter la responsabilité de plonger dans le monde du travail des jeunes gens ou des jeunes filles auxquels nos écoles n'auraient pas garanti la possession du meilleur bagage technique qui en sera leur unique clé d'entrée ? Et pourtant, tous s'entendent pour redire que leur mission est de faire émerger cet "honnête homme en gestion".

Selon les enseignants, leur rôle est de "donner une colonne vertébrale, apprendre à réfléchir... ". Ils dessinent ainsi le portrait d'un enseignant, moins professeur que tuteur, moins pourvoyeur de connaissances que guide sur le chemin du savoir. "Hard skills" ou "soft skills" ? On sent bien que ce n'est pas une question de primauté mais de curseur. Une certaine logique pourrait vouloir que l'acquisition et le développement des qualités comportementales en viennent à constituer le socle commun de nos formations. L'acquisition des compétences techniques serait alors modulée en fonction de la formulation des projets professionnels, sous réserve d'en vérifier la cohérence. L'enjeu pour le XXIe siècle réside davantage dans notre capacité à transmettre les bonnes compétences où le savoir-être, complémentaire d'un savoir, demeure le reflet d'une attitude loyale et sincère empreinte d'authenticité dans les relations professionnelles.

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