Skolkovo, ou le pari russe sur la recherche et l'innovation

Par Jean-Pierre Thomas, chargé de mission auprès de l'Elysée pour le développement de la coopération économique franco-russe.
Copyright Reuters

Force est de constater que l'Europe, pourtant richement dotée en chercheurs et en entrepreneurs, n'a pour lors pas d'équivalent d'un Google ou de Facebook, sociétés symboles de la modernité technologique. Au risque de bousculer quelques idées reçues, il faut pourtant noter que ce sont bien deux sociétés de l'ère Internet qui sont au nombre des plus importantes introductions en Bourse sur le continent européen au cours des douze derniers mois : il s'agit de Yandex, le moteur de recherche russe et de son compatriote Mail.ru, qui combine e-mail et réseau social.

Comme en écho à ces nouveaux géants, à 15 kilomètres au sud-ouest de Moscou, la Russie a lancé un pari un peu fou sur l'innovation, mais dont l'ambition est indéniable. La France appuie cette initiative au coeur de notre partenariat stratégique réaffirmé par le président Nicolas Sarkozy et le président Dmitri Medvedev au forum économique de Saint-Pétersbourg. Le Premier ministre, Vladimir Poutine, appuie cette initiative, et en mars 2010 un patron en vue, Viktor Vekselberg, a été nommé à la tête de la Fondation Skolkovo. Sur un site dont la conception a été remportée par des Français (le bureau d'études et d'architecture Arep de Jean-Marie Duthilleul et d'Étienne Tricaud), cinq pôles de compétitivité viendront s'assembler en 2015 : efficacité énergétique, biomédecine, télécoms et aéronautique, technologies de l'information et enfin nucléaire. Skolkovo sera tout à la fois un campus universitaire, une pépinière de start-up et l'assemblage de laboratoires de recherche publique et privée.

Pour sortir de terre, cette ville durable encore virtuelle de 389 hectares s'est déjà dotée d'une fondation qui rassemble des partenaires internationaux de premier plan, Skolkovo offrant, outre des conditions fiscales attractives (exemption de TVA et d'impôt sur le revenu pour les entreprises représentant moins de 30 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel), une protection des brevets aux normes des pays de l'OCDE. Au nombre des entreprises ayant répondu à l'appel, on relève ainsi la présence des américains Google, Intel, Cisco, mais surtout des européens Alstom, EADS, Nokia, Ericsson ou Siemens. Son conseil scientifique compte trois Prix Nobel, dont le Français Jean-Marie Lehn. Le 23 mars dernier, Skolkovo ouvrait un bureau de représentation dans la Silicon Valley.

L'histoire de Skolkovo est déjà un peu franco-russe, puisque des architectes français assurent la conception d'ensemble du site (des confrères prestigieux, dont trois titulaires du prix Pritzker, sont associés au projet : Rem Koolhaas, Kazuyo Sejima, Pierre de Meuron, David Chipperfield et, autre Français, Jean Pistre). Le monde de l'entreprise n'est pas non plus en reste, Alstom et EADS ayant signé un accord dès le 2 mars avec la Fondation Skolkovo, sans oublier la présence au conseil d'administration de la Fondation Skolkovo de Martin Bouygues qui explique la tenue d'une séance dudit conseil à Paris ce 3 octobre.

Reste à transformer l'essai. Les premiers signes encourageants se manifestent, avec des entreprises comme Datadvance, coentreprise d'EADS, et d'investisseurs russes, qui a reçu en juin dernier une subvention de 1,2 million d'euros de la part de la Fondation Skol-kovo. Cette start-up pourra ainsi poursuivre le développement de la technologie Macros, un environnement logiciel de modélisation prévisionnelle. Cet environnement permet des simulations basées sur le traitement de données et d'optimisation pluridisciplinaire, visant à réduire le temps de conception et les coûts des produits d'ingénierie complexes. Conçu à l'origine pour l'industrie aéronautique et spatiale, Macros peut être déployé au-delà, dans l'automobile, la construction navale, les services financiers et les biotechnologies. Le partenaire stratégique de Datadvance est l'Institut de résolution des problèmes de transmission d'information (IITP) de l'Académie russe des sciences, centre mathématique de renommée mondiale, qui compte trois lauréats de la médaille Fields.

Les Européens et, en particulier, les Français doivent participer, s'investir davantage dans ce grand projet, au coeur de notre partenariat stratégique. C'est ainsi que nous devons travailler à l'aboutissement de cette belle idée, la création d'une zone de libre-échange : une zone économique euro-russe.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.