Arrêtons de tricher avec les taux !

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction
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Peu s'en souviennent. En novembre 1995, deux grands patrons, Henri Lachmann (Strafor-Facom) et Jean-Marie Messier (Générale des eaux), cosignaient une longue chronique en une du « Monde », sous le titre « Cessons de tricher avec les taux ! ». Le patronat de l'époque ne mégotait pas avec la provocation. Cette attaque en règle contre Jean-Claude Trichet, alors gouverneur de la Banque de France, avait fait grand bruit. Tous les politiques, de Chirac à Sarkozy, en passant par Jospin, ont, à un moment ou à un autre, dénoncé l'intransigeance de « l'homme du franc fort ». Ce qui ne les a pas empêchés de soutenir sa candidature à la tête de la BCE, pour que celle-ci revienne à la France. Seize ans plus tard, à la veille de son départ, c'est au tour d'un financier, Édouard Carmignac, de se livrer au « Trichet bashing », à coups de pages de pub dans la presse internationale : « Adieu, nous ne vous regretterons pas ! », écrit-il dans une lettre au président de la BCE, dénonçant en Trichet le fossoyeur de l'industrie et une action trop timorée pour sauver l'euro. Le procédé est peu élégant, mais le procès est-il injuste ? Force est de constater que les deux dernières hausses des taux de la BCE, en juillet 2008 et en juillet 2011, ont été suivies d'une crise économique gravissime en Europe. Bien sûr, Trichet n'est responsable ni des subprimes américains, ni des mensonges de la Grèce sur ses déficits. Mais alors que les prix du pétrole retombent, comment croire à un véritable risque inflationniste dans une Europe menacée de récession ? Trichet a peut-être eu l'habileté de laisser à son successeur, l'Italien Mario Draghi, le soin de convaincre les Allemands de baisser les taux. Mais on ne peut s'empêcher de voir dans son départ prochain le symbole de la fin du credo monétariste et donc le présage d'une bonne nouvelle : le retour d'un peu plus d'inflation. Et de croissance.

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