La formation professionnelle, une priorité pour réduire le chômage des jeunes en EuroMed

Pendant que la rive Sud de la Méditerranée est particulièrement touchée par le chômage des jeunes, de nombreux pays européens ont également de grandes difficultés à insérer leur jeunesse. D'où l'idée ambitieuse de la Présidence Luxembourgeoise de l'UE de lancer une initiative relative à la lutte contre ce fléau. L'Institut de la Méditerranée (IM) est à l'origine de la note stratégique pour cette initiative, présentée le 7 Novembre aux Rendez-Vous Economiques de la Méditerranée à Marseille, à la Villa Méditerranée. Par Constantin Tsakas, Délégué général de l'Institut de la Méditerranée (Marseille), Secrétaire général du Femise (Forum euroméditerranéen des Instituts de sciences économiques, 99 entités membres).
Constantin Tsakas, Délégué général de l'Institut de la Méditerranée (Marseille), Secrétaire général du Femise

Une situation de l'emploi des jeunes qui s'est sensiblement détériorée

Sur les deux rives de la Méditerranée, le manque d'inclusivité pour certaines parties de la population et la persistance et l'aggravation des difficultés d'insertion des jeunes sur le marché de l'emploi génèrent un malaise.

Parmi les pays du Sud, les pays riverains de la Méditerranée, en particulier ceux du Maghreb, sont particulièrement touchés par le chômage des jeunes, avec des taux qui avoisinent parfois les 50 %. Un jeune sur deux ne fait pas partie de la population active, du fait de l'inactivité des femmes et de la place du travail informel, il s'agit du taux de participation de la jeunesse à l'activité le plus bas du monde. Les jeunes diplômés sont les plus affectés par ce fléau, renforçant ainsi le constat que la formation n'offre plus les compétences sollicitées par les entreprises.

Par ailleurs, de nombreux pays européens ont également de grandes difficultés à insérer leur jeunesse. En France près de 2 millions de jeunes sont actuellement sans diplôme, sans formation et sans emploi. Ils font partie de cette population qui a été baptisée « Neet », pour « not in education, employment or training ». Au niveau des régions, l'Espagne, la Grèce et l'Italie regroupent à eux seuls les 29 régions qui dépassent le taux de chômage de 20,2%, soit le double de la moyenne européenne.

Le rôle déterminant que peut jouer la formation professionnelle

Dans le monde globalisé qui est le nôtre, où de nouveaux métiers ne cessent d'émerger, où l'organisation du travail connaît de fréquentes mutations et où les compétences deviennent très vite désuètes, la formation professionnelle est un outil qui favorise l'acquisition de compétences en lien avec les réalités économiques.

A l'Institut de la Méditerranée (IM), nous pensons qu'il s'agit d'un enjeu stratégique de taille pour les demandeurs d'emploi de tout âge, qualification et secteur. La formation professionnelle est également capitale pour la compétitivité des entreprises et des territoires; en favorisant l'accès des salariés à des formations qualifiantes, les employeurs peuvent compter sur eux pour développer de nouveaux champs de compétence et de nouveaux piliers de compétitivité.

De nombreux pays développés investissent massivement dans la formation professionnelle. Des agences assistent la Commission européenne dans son action en faveur de la formation professionnelle tels que le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) et la Fondation européenne pour la formation (FEF). La France a saisi l'importance du besoin de réformes qui répondent aux enjeux économiques actuels et à l'évolution des métiers et des compétences. Par ailleurs, les pays du Maghreb ont résolument choisi de placer l'économie de la connaissance au cœur de leur processus de développement et, de ce fait, considèrent que la formation professionnelle doit être une priorité. Il s'agit donc de relever un double défi : accompagner le développement économique et social en incluant une population jeune de plus en plus nombreuse fortement impactée par le chômage, et former une main d'œuvre capable de s'intégrer avec succès à la concurrence européenne et mondiale.

À la suite des Printemps arabes, la donne en Méditerranée a changé et il est temps d'ancrer dans le réel les nouvelles perspectives. La formation professionnelle peut et doit aussi pouvoir se développer dans le cadre de l'EuroMed, dans un écosystème de formation partagé entre les deux rives, permettant la prise en compte d'une grande diversité de situations et de transferts de bonnes pratiques.

L'Institut de la Méditerranée au service de la formation professionnelle

Dans ce contexte, le Ministère du Travail, de l'Emploi et de l'Economie Sociale et Solidaire du Luxembourg a demandé à l'Institut de la Méditerranée d'offrir son appui au projet d'initiative relative à la lutte contre le chômage des jeunes au Maghreb. Ce projet d'initiative a été présenté sous la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l'Union européenne (Luxembourg, le 16 juillet 2015) et a été largement salué par les ministres du Travail et des Affaires sociales de l'UE et du Maghreb.

L'Institut de la Méditerranée, fervent défenseur de la région méditerranéenne, a acquis une compétence reconnue dans les divers travaux réalisés pour ses commanditaires sur la région méditerranéenne où sont régulièrement traitées des questions qui touchent à l'éducation-formation et à l'installation d'une économie fondée sur la connaissance. L'équipe l'IM, convaincue du rôle de rapprochement et développement économique et social que peut jouer la formation professionnelle, a contribué à la conception de ce projet d'initiative en se focalisant sur l'Algérie, le Maroc et la Tunisie. Il a été question de réfléchir sur les cibles de qualifications/métiers sur lesquelles il est possible d'agir, privilégier certaines formations, mais aussi inviter les acteurs de la coopération internationale à mettre en place des mécanismes d'appui et de financement. L'enjeu est qu'un programme de ce type puisse être financé par une action régionale sur les trois prochaines années.

Dans la note stratégique « Pour une initiative sur la formation professionnelle de la Présidence luxembourgeoise de l'UE pour l'emploi des jeunes au Maghreb », nous soulignons que la clé d'un succès durable de toutes politiques actives pour le marché du travail est finalement la qualité de la ressource humaine qui peut être mobilisée. Sans qualification reconnue aux différents niveaux, sans dynamisme entrepreneurial, toutes les politiques incitatives seront des solutions provisoires, n'offrant aucune véritable amélioration du paysage de l'emploi et de la jeunesse en Méditerranée.

Les principales orientations possibles

Afin d'améliorer les résultats de la formation professionnelle, tenant compte du contexte spécifique des pays du Maghreb, plusieurs orientations nous paraissent importantes. On notera, entre autres, qu'il nous semble opportun de :

> Renforcer l'adéquation entre l'offre de formation et les besoins des entreprises. Les programmes de formation emploi pourraient songer à incorporer davantage l'apprentissage du code informatique car il s'agit d'un savoir-faire recherché, phénomène qui ne fera que s'accentuer. Le développement de la collaboration virtuelle et les nouveaux outils technologiques (ex. DropBox, GoogleDrive) permettant de travailler à distance devront être également maitrisés. Le rôle des entreprises sera ici de mettre en œuvre des formations situées sur les pôles de compétitivité auxquelles elles appartiennent et définir les formations menant aux compétences dont elles ont réellement besoin.

> Développer les formations « vertes » : Le secteur de l'économie verte et du développement durable est un secteur au fort potentiel de création de nouveaux emplois. En outre, ce secteur peut permettre de résoudre de nombreux problèmes que les économies du Maghreb ont à affronter comme la gestion de l'eau et l'adaptation aux changements climatiques. Des nouveaux métiers apparaissent, en même temps que l'exigence de développement durable devient transversale à toutes les activités. La mise en place de formations communes accréditées sur certains de ces métiers donnerait un élan immédiat au programme proposé, en même temps qu'il répondrait au manque de main d'œuvre qualifiée dans ces domaines au Nord comme au Sud.

> Se servir d'exemples réussis en les adaptant au contexte méditerranéen : Ici, certains enseignements pourraient être tirés de l'expérience d'autres pays. A titre d'exemple les évaluations des programmes de formation des jeunes en Amérique latine indiquent que ceux qui sont menés par la demande, qui offrent une formation sur le tas, qui mettent l'accent sur la formation aux compétences dites «dures» ainsi qu'au « soft-skills », ont un impact positif et significatif sur l'emploi. On trouve déjà des exemples qui ont été transposés efficacement dans les pays du Maghreb. A titre d'exemple, en collaboration avec des partenaires Allemands, certains pays méditerranéens ont su développer des compétences spécifiques en communication et en « branding » permettant ainsi de mieux « véhiculer une image de marque ».

> Généraliser les systèmes de certificats de compétences : Pour cela il nous semble nécessaire d'avoir des dispositifs d'apprentissage très spécialisés offrant un savoir faire précis et permettant de valider ces compétences, ouverts à tous sans condition de diplôme. Le choix des branches sélectionnées peut être décidé en partenariat avec les entreprises en tenant compte des spécialités régionales.

À présent, nous avons le grand honneur de compter parmi nos membres le Gouvernement du Grand-Duché du Luxembourg qui a intégré l'IM avec le statut de membre associé.

Les 11èmes Rendez-vous Economiques de la Méditerranée*, organisés par l'Institut de la Méditerranée/Femise et le Cercle des économistes (à la Villa Méditerranée, le samedi 7 novembre 2015), appuieront l'initiative de la présidence luxembourgeoise de l'Union Européenne et auront pour ambition de formuler des propositions opérationnelles issues des débats.

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* Devant le succès de cette manifestation se sont joints aux collectivités initiatrices -  Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Ville de Marseille - la Banque Mondiale via le Centre pour l'Intégration en Méditerranée (CMI), installé à Marseille, l'Office de Coopération Economique pour la Méditerranée et l'Orient (Ocemo), la Banque Européenne d'Investissement (BEI) et divers organismes particulièrement orientés vers la région euro-méditerranéenne, en particulier, le groupe interministériel 5+5 auprès du Premier Ministre français, le Secrétariat Général de l'Union Pour la Méditerranée, etc.

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