Est-il encore temps de sauver l'industrie française ?

Il n'y a pas de pays fort sans une industrie forte. Or le pacte de responsabilité est à côté de la plaque, s'agissant de l’industrie. Par Les Arvernes

 Il n'y a pas de pays fort sans une industrie forte. Quoiqu'en disent les tenants d'une économie de purs services et sans usines, les Français l'ont compris et déplorent avec colère les effets dramatiques de la désindustrialisation qui a touché notre pays depuis une quinzaine d'années. Un million d'emplois industriels perdus, un déficit commercial chronique, des champions nationaux qui passent sous contrôle étranger, des pans entiers du territoire dévitalisés... Nul doute que le déclassement industriel pèse sur le sentiment de déclin ressenti par bon nombre d'électeurs et que l'incapacité des pouvoirs publics à y remédier suscite leur colère.

En septembre, François Hollande s'est félicité de son « bon bilan » en matière de compétitivité. Comme sur le front du chômage, une stabilisation de la dégradation peut être observée depuis quelques mois sur le front du commerce extérieur et des marges, mais une franche amélioration n'est pas pour demain. Comme l'explique P. Artus, notre tissu productif est durablement affaibli, incapable de concourir sur le marché européen et mondial face aux produits de qualité que nos voisins Allemands proposent, où aux produits de gamme inférieure offerts à bas coûts par les pays d'Europe du sud et par la Chine.

L'erreur du pacte de responsabilité

Le « pacte de responsabilité » (40 milliards d'euros par an de baisses de prélèvements sur les entreprises), très mal ciblé, a peu profité à l'industrie exportatrice et a raffermi les marges des entreprises de services qui étaient déjà profitables. En renforçant encore le secteur protégé de la concurrence extérieure, il affaiblit l'industrie, incapable d'offrir les mêmes salaires que dans les services pour attirer les talents.

En 2017, tout restera encore à faire pour espérer enclencher un renouveau industriel français. Mais n'est-il pas trop tard ?

La concomitance de l'entrée de la France dans l'euro et du début de la chute vertigineuse de notre industrie n'a rien d'un hasard. A l'orée des années 2000, les gouvernements successifs ont réuni avec méthode toutes les conditions pour un effondrement. Avec l'euro, la France s'est privée de l'arme de la dévaluation qui, malgré tout, avait contribué depuis l'Après-Guerre à préserver la compétitivité de notre appareil industriel face à une industrie allemande structurellement plus puissante. Certes, l'Allemagne a elle aussi dû composer avec une monnaie forte. Mais, contrairement à la France, elle a su depuis longtemps se donner les moyens d'une montée en gamme inéluctable, dont notre industrie s'est crue exonérée. Pire, les 35 heures (2002) se sont traduites par une hausse massive du coût du travail (alignement des SMIC) alors même que l'Allemagne s'engageait au même moment dans une politique incroyablement agressive de gel salarial qui a duré toute une décennie. Etouffée sur le territoire national, nos grands groupes industriels n'ont trouvé leur salut que dans une relocalisation de nombre leurs sites de production vers les pays à bas coûts.

Face à l'industrie allemande, un monstre d'efficacité

Rétablir une monnaie nationale est devenu impossible. Les coûts potentiellement dévastateurs d'une sortie unilatérale de l'euro, qui dépassent d'ailleurs le champ strictement économique, sont tels qu'il est à l'évidence déraisonnable de prétendre en prendre le risque. Reste donc à prendre l'exacte mesure des efforts considérables que nous devons entreprendre pour espérer redresser l'industrie française tout en gardant l'euro.

En prenant part à l'euro, la France a fait le choix d'exposer ses entreprises à l'appareil industriel le plus compétitif du monde. L'industrie allemande n'est pas un compétiteur comme les autres, elle est un monstre d'efficacité. Complètement réorganisée aux lendemains de la réunification, assise sur une chaîne de sous-traitance à l'échelle du continent et forte d'une décennie de gel salarial qui a rétabli les coûts à un niveau très compétitif, bénéficiant d'un euro sous-évalué pour elle (de 20% selon le FMI) elle est en mesure aujourd'hui de rivaliser avec l'industrie chinoise à la première place des exportations mondiales ! Prétendre « copier » l'Allemagne, comme le font bon nombre de responsables politiques qui ne prennent qu'insuffisamment la mesure des efforts titanesques à produire, a donc quelque chose d'un peu ridicule. Et pourtant, c'est le défi qui nous est lancé.

Aller bien au delà du CICE

Pour réindustrialiser la France, il faut aller bien au-delà de l'usine à gaz technocratique du CICE. C'est une véritable révolution économique qu'il convient de mener pour remettre nos entreprises à l'offensive. Il nous faut, sans complexe, adapter le modèle allemand à notre économie : mettre la formation professionnelle au cœur du système éducatif, constituer un réseau dense de solidarités territoriales tout entier destiné à souvenir les industries régionales, recréer un lien fort et durable entre les banques et les grosses PME, faire du dialogue social un instrument de modération salariale favorable à la compétitivité, structurer les filières industrielles pour établir des relations saines entre grands groupes et sous-traitants et maîtriser les couts non-salariaux. Ce dernier point est central et est trop souvent ignoré. Les coûts cachés pour l'industrie liés au manque de compétition dans les services et l'énergie peuvent être réduits par une politique volontariste de libéralisation. Les coûts fonciers et immobiliers appellent   une remise à plat générale de la fiscalité du secteur.

L'amélioration des perspectives pour l'industrie française depuis 2012 n'est pas suffisante pour impulser une vraie dynamique de ré-industrialisation. En adoptant l'euro en 1999, la France s'est privée de l'instrument d'ajustement qui lui permettait de faire face à la concurrence allemande en Europe tout en préservant son modèle social.

Il faut enfin prendre conscience de ce défi redoutable. Peut-il être relevé ? Il faut au moins essayer de nous en donner vraiment les moyens. A défaut, la France disparaîtra de la carte des puissances industrielles, mise en orbite dans la chaîne de sous-traitance allemande. Il faut dire cette vérité aux Français.

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d'essayistes et d'entrepreneurs

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Commentaires 13
à écrit le 30/09/2016 à 12:20
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Je lisais un article ces derniers jours sur ce même site concernant cette entreprise qui fabrique des robots pour les chirurgiens . Lorsqu'elle a lancé une augmentation de capital les fonds d'investissement français n'ont répondu qu'à hauteur de 25...

à écrit le 29/09/2016 à 0:59
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Qu est ce qui nous différencie des autres animaux si ce n est ce que nous fabriquons ? Bien sûr que ne plus rien construire ni fabriquer nous rends moins heureux. Pourquoi vivons nous cette crise depuis une trentaine d années ? Parce que nous ne créo...

à écrit le 27/09/2016 à 18:00
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Non c'est trop tard pour sauver notre industrie. C'est comme le réchauffement climatique;

le 01/10/2016 à 8:42
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L'industrie et le climat, c'est le même combat lié à l'énergie. Il faut basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité énergétique. Mais qui peut le comprendre?

à écrit le 24/09/2016 à 14:53
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Vraiment, on finit par ne plus comprendre !!! On dit que l'industrie ne représente plus que 11% de l'économie, mais 11% de quoi exactement ? De la valeur ajoutée ? Non, la Banque Mondiale (2015) donne 19,5% (1,7% agri. 78% services), 11% du PIB ? Non...

à écrit le 24/09/2016 à 11:58
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S'il s'agit de sauver la "vieille industrie", y a t'on réellement intérêt ? Par contre ce qui est inadmissible c'est de laissé passer les opportunités de développement dans de nouvelles technologies, les énergies renouvelables, les systèmes de stoc...

le 28/09/2016 à 23:51
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Je suis d accord avec vous. Il faut massivement investir dans la robotique, qui est l avenir du genre humain pour au moins les 10 000 prochaines années avant de découvrir une technolgie scientifique supérieure. Investir dans la R&D : développement de...

à écrit le 24/09/2016 à 0:49
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Les propos sont plutôt de bon sens, mais l’aspect technologique est complètement ignoré, tandis qu’il est primordial. Il est bien connu que la France a un nombre des robots industriels bien plus faible par rapport aux autres pays industriels européen...

à écrit le 23/09/2016 à 16:40
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La solution consiste à réduire le cout du travail en augmentant le prix de l'énergie, comme le propose la note n°6 du CAE. Mais les Français refusent d'étudier cette solution. Pourquoi? Alors, adieu Air France, adieu Alstom, adieu toute notre indust...

à écrit le 23/09/2016 à 16:40
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La solution consiste à réduire le cout du travail en augmentant le prix de l'énergie, comme le propose la note n°6 du CAE. Mais les Français refusent d'étudier cette solution. Pourquoi? Alors, adieu Air France, adieu Alstom, adieu toute notre indust...

à écrit le 23/09/2016 à 16:21
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L'Euro n'étant que la continuité du Mark il était évident que l'UE profite d'abord et avant tout à l'Allemagne. Convenons quand même que l'ancienne allemagne de l'est est un atout majeur dans cette prédominance allemande, une main d’œuvre déstabi...

à écrit le 23/09/2016 à 12:39
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petit rappel il faut juger ceux qui ont detruis c'est emploi a savoir vge et mitterand qui une fois ua pouvoir ont eu une peur bleu des ouvriers la peur de 1968 se reproduise. ils ont tout mis en place pour detruire les revendications salariale...

le 23/09/2016 à 17:32
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Sans oublier les personnages à la tête de ces industries, Kron a un sacré passé, il a déjà mouillé dans des affaires louches, enfaite, rare sont ceux qui sont propres et qui n'ont pas trahis leurs boites.

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