Amis de droite : le 7 mai, aucune hésitation !

Jean-Charles Simon, économiste et entrepreneur, a été trader puis directeur des études du RPR à la fin des années 90, avant d’occuper plus de 10 ans des responsabilités dans les organisations patronales : à la Fédération française des sociétés d’assurances, comme directeur de l’Afep (Association française des entreprises privées) et ensuite à la direction générale du Medef. De 2010 à 2013, il a été chef économiste et directeur des affaires publiques et de la communication du groupe SCOR. Il appelle ici ses "amis" de droite à voter pour Emmanuel Macron.

Vous êtes très nombreux, je le sais, à vous sentir meurtris, frustrés, dupés par cette campagne présidentielle. Vous êtes de droite, souvent depuis toujours. C'est en elle que vous vous reconnaissez sans l'ombre d'un doute, même quand ses querelles ou ses guerres des chefs vous exaspèrent. Que vous ayez été dans le passé chiraquiens, giscardiens, barristes, balladuriens, séguinistes, juppéistes ou sarkozystes, vous avez été bluffés par la très large victoire de François Fillon à la primaire de novembre dernier, et il est devenu naturellement votre candidat, s'il ne l'était pas déjà depuis longtemps. Pour vous, il incarnait cette promesse d'alternance qui allait se concrétiser dans cette campagne présidentielle, et qui allait ramener la droite au pouvoir dans toute ses composantes en mai 2017.

Patatras : quand « l'affaire » est arrivée, vous avez senti que le sol se dérobait sous les pieds de votre candidat. Vous avez assisté, souvent écœurés, à trois mois d'une campagne impossible, tiraillés entre les tactiques à adopter, les mérites discutables d'un « plan B », le ressentiment à l'égard de la presse, de la justice et du pouvoir, les déchirements de votre camp, les espoirs parfois retrouvés, la douleur de voir l'échec arriver. Sans surprise, c'est bien ce dernier qui fut au rendez-vous le 23 avril.

Certains d'entre vous ne le digèrent pas. Ils vivent la perspective d'une victoire d'Emmanuel Macron comme une imposture ou un hold-up. Ils y voient un coup de Jarnac réussi par celui qu'ils maudissent plus que tout, parfois jusqu'à la déraison : François Hollande. Celui qui deviendrait président dans quelques jours à 39 ans, alors qu'il était un inconnu dans les rouages du hollandisme il y a encore trois ans, leur apparaît comme un pur coup de com' sans l'ombre d'une légitimité.

Alors, malgré la position courageuse et limpide de François Fillon dès le soir de l'élection, celles de même nature d'Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy, vous ne voulez pas en être le 7 mai. Ne pas donner votre soutien ou même du crédit à ce que vous vivez comme une trahison et une injustice. Ne pas conforter celui dont vous avez pu voir s'étaler le triomphe et parfois l'arrogance au soir du premier tour. C'est au-dessus de vos forces.

Si cette réaction presque épidermique peut se comprendre, il faut vous ressaisir. Car vous ne devriez avoir, en toute rationalité, aucune espèce d'hésitation le 7 mai prochain. Et donc naturellement aller voter, et évidemment voter pour Emmanuel Macron.

Je m'adresse à vous spécifiquement et non à l'autre grand camp des déçus du premier tour, ceux de la « France insoumise ». Contrairement à nombre de ces militants et à leur leader, vous n'avez jamais été des haineux et des jaloux. Au contraire, vous chérissez le mérite et vous saluez la réussite. Vous êtes des supporters de la libre entreprise, et le travail est pour vous une vertu cardinale. Vous êtes des républicains attachés au respect du droit et aux libertés publiques. Vous rejetez, tous, les appels à la rue pour faire vaciller les institutions, même quand vous n'aimez pas ses dirigeants. Vous êtes rationnels, vous savez que les réalités économiques, l'Europe ou la mondialisation sont là et qu'il faut faire avec. Sur tout ça, donc le plus essentiel, vous êtes finalement très proches d'Emmanuel Macron. Ou même de François Hollande, si vous continuez - à tort - à les assimiler. C'est d'ailleurs pour ça que les oppositions entre partis de gouvernement restent circonscrites : parce qu'il s'agit de désaccords exprimés dans une même langue, celle de la démocratie, et non d'échanges de sourds comme avec les extrêmes. Pour les mêmes raisons, vous n'avez rien de commun avec Mme Le Pen et son parti : ils peuvent peut-être séduire les extrêmes de l'autre bord, mais donc justement pas vous, si vous en faites l'honnête examen.

Vous n'avez pas davantage à considérer que tout ceci se fera sans vous, au prétexte par exemple qu'Emmanuel Macron n'a qu'à se débrouiller tout seul ou parce qu'il serait favori. Et qu'il n'y aurait finalement pas péril, puisqu'il devrait gagner. Avouez que le 21 avril 2002, si vous en étiez, vous n'avez pu réprouver au moins intérieurement une double satisfaction : la gauche était éliminée, alors qu'elle était bien placée pour rester au pouvoir ; et vous étiez convaincus que ses électeurs « feraient le job » pour venir voter Chirac et repousser Le Pen. Vous êtes aujourd'hui à la place de ces électeurs de Lionel Jospin en 2002 : à votre tour de « faire le job » comme ils l'ont fait alors, à votre grand soulagement.

Si aucune des raisons précédentes ne vous suffit, soyez au moins calculateurs, et votez donc Macron le 7 mai. L'intérêt bien compris de la droite républicaine, c'est en effet que Le Pen soit battue, et même que son score soit le plus faible possible au second tour. Plus elle sera proche des 50%, plus son parti fera mal à la droite aux législatives, plus elle s'installera comme la seule opposition crédible à Macron s'il est élu. Et si elle gagnait, la droite se casserait immanquablement en plusieurs morceaux. Elle a déjà récupéré Dupont-Aignan, elle en ferait de même avec une partie des Républicains, et vous assisteriez impuissants à la dislocation de votre camp, écarté du pouvoir pour longtemps. Soyez tactiques : plus Le Pen sera faible au second tour, plus la droite pourra retrouver sa place aux législatives du mois de juin, revendiquer une opposition résolue à Macron une fois le danger frontiste repoussé, et pourquoi pas envisager une majorité à l'Assemblée nationale, donc la conquête du véritable pouvoir.

Comme d'autres ont pu le dire, il faut distinguer adversaires et ennemis. Un peu partout, dans les autres grandes démocraties, et en France lors des cohabitations, les compromis s'imposent entre gauche et droite raisonnables quand un seul camp n'a pas tous les leviers du pouvoir. Pas plus loin qu'en Allemagne, une grande coalition dirige le pays depuis plusieurs années, et ça ne semble pas être un drame. Les partis extrémistes sont en revanche tenus à l'écart, parce qu'ils ne sont pas des adversaires avec lesquels on est parfois contraints de s'entendre : ils sont les ennemis de tout ce qui fait notre modèle de société. Le 7 mai, il n'y a aucune alternative raisonnable et responsable au vote Macron.


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Commentaire 1
à écrit le 02/05/2017 à 14:29
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Bravo pour votre démonstration, votre rhétorique est bien structurée avec des accents "pascaliens":faites le pari Emmanuel Macron, vous n'avez rien à perdre, tout à gagner. Nous nous retrouvons devant le même dilemme qu'en 2002...en pire, car le dan...

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