Chronique de François Clemenceau : un Noël de larmes pour le Pape François

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT - Entre les guerres en Ukraine, Israël et le Hamas, le Pape François cherche « par tous les moyens à être juste, à tenir compte de la souffrance de tout le monde ».
François Clemenceau
Le monde à l'endroit, chronique de François Clemenceau.
Le monde à l'endroit, chronique de François Clemenceau. (Crédits : © DR)

Bethléem sans pèlerins pour célébrer la naissance de Jésus est une souffrance. La décision de n'organiser aucune festivité sur place pendant les fêtes de Noël a été prise par le conseil des églises locales par « solidarité » avec la population de Gaza. Quelle abnégation alors que le gouvernorat de Bethléem vit du tourisme ! Quel sacrifice pour une Cisjordanie déjà suffisamment affectée par une crise économique qui doit beaucoup à l'étranglement du territoire palestinien par la colonisation israélienne ! Quel courage aussi pour les chrétiens de Bethléem, dont la démographie est passée d'environ 80 % de la population dans les années 1950 à moins de 10 % aujourd'hui ! De Rome, le pape François commente semaine après semaine depuis le 7 octobre le calvaire des populations civiles palestiniennes. Il supplie les grandes puissances d'user de leur influence afin de mettre un terme aux hostilités qui endeuillent cette terre sainte, où il s'est rendu pour la dernière fois en 2014 dès les débuts de son pontificat.

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À l'époque, il avait bien pris soin de se rendre à Yad Vashem, le mémorial de l'Holocauste, mais également de rendre visite au grand mufti de Jérusalem, et de s'adresser aux jeunes du camp de réfugiés de Dheisheh, au sud de Bethléem. Six semaines plus tard éclatait une autre guerre entre Israël et le Hamas déjà. Mais les bombardements que subit la bande de Gaza depuis le 7 octobre sont aujourd'hui sans commune mesure avec les représailles israéliennes d'il y a neuf ans. Dimanche dernier, lors de l'angélus, François s'est insurgé contre les tirs dont ont été victimes la veille deux femmes chrétiennes réfugiées dans l'église de la Sainte-Famille, au cœur de la ville de Gaza. Depuis la prise de contrôle de l'enclave par les islamistes il y a seize ans, les catholiques palestiniens n'y sont plus qu'un petit millier, trois fois moins qu'à l'époque.

Le pape est à la fois chef d'état et chef spirituel. À la tête du Vatican, il est l'homme le mieux renseigné du monde par le réseau des milliers d'églises et de missions catholiques sur la surface du globe. Il inspire ainsi, notamment grâce à la remarquable communauté de Sant'Egidio, une diplomatie des plus discrètes visant à apaiser les conflits ou à promouvoir des relations de respect mutuel. Mais il est aussi le guide d'une communauté chrétienne pour qui la charité et le pardon sont deux vertus intrinsèques d'une foi en pratique. Dans ce cadre, une victime dans un camp ne sera jamais supérieure à une autre. Le 6 novembre, en recevant des rabbins venus de toute l'Europe, il exprimait ainsi ses sentiments : « Encore une fois, la violence et la guerre ont resurgi sur cette terre bénie par le Tout-Puissant, comme si elle était constamment assaillie par l'infamie de la haine et le choix meurtrier des armes. Ce ne sont pas les armes, ni le terrorisme, ni la guerre, mais la compassion, la justice et le dialogue qui sont les meilleurs outils pour bâtir la paix. » Comme le rapporte l'agence I.Media, spécialisée dans l'actualité vaticane, l'association des rabbins italiens est alors montée au créneau, reprochant au souverain pontife « une acrobatie diplomatique » et critiquant l'« équidistance glaciale » de l'Église catholique. Selon l'agence, le secrétaire d'État Pietro Parolin, chef de la diplomatie vaticane, a défendu la ligne du pape, expliquant que « le Saint-Siège cherch[ait] par tous les moyens à être juste, à tenir compte de la souffrance de tout le monde ». Angélisme de politique étrangère, vœu pieux d'un humanisme du réel, vérité du christianisme ?

Depuis vingt-deux mois que dure la guerre d'agression russe en Ukraine, François a également essuyé quelques flèches empoisonnées par cette confusion des genres entre temporel et spirituel. En tant que chef de l'Église catholique, il rêve d'une réconciliation pleine et profonde avec le monde orthodoxe et donc, en partie, avec l'Église orthodoxe de Russie. Dans le même temps, l'homme d'État en lui est à l'évidence impressionné par le courage résilient des Ukrainiens qui se battent pour leur survie identitaire et leur avenir européen. Malgré le concept de guerre « juste » validé par la doctrine de l'Église, il ne peut être qu'au chevet des victimes. Solidaire du président Zelensky, qu'il a reçu en audience au Vatican au mois de mai, il estime être mal compris trois mois plus tard lorsqu'il loue, à l'attention d'un public de jeunes catholiques russes, la « grandeur » du tsar Pierre le Grand et de Catherine II. Ce n'est pas le jésuite qui parle, mais le pasteur sincère. Quitte à être malhabile au cœur des affrontements les plus barbares.

Angélisme de politique étrangère, vœu pieux d'un humanisme du réel, vérité du christianisme ?

François Clemenceau

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Commentaire 1
à écrit le 24/12/2023 à 13:13
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par ordre il y a la defense des catholiques puis les chrétiens et puis le monde mais avec ce pape c'est tout le contraire et dans sa vision les derniers son la france et l'italie non il n'est pas decaler mais c'est bien la destruction de son eglise...

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