Le Macron nouveau est-il arrivé ?

6 mois, deux ans, dix ans, tels sont les horizons du « nouveau chemin » tracé par Emmanuel Macron. Pour espérer l'emporter en 2022, le président veut agir vite et fort, pour protéger les Français de la crise à venir et relancer l'industrie par l'écologie, tout en les incitant à voir « grand et loin » et penser long terme, avec lui..., dans le monde d'après 2022.
Philippe Mabille
(Crédits : POOL New)

Un nouveau chemin, un calendrier, une méthode. Emmanuel Macron a plutôt réussi sa première interview télévisée du 14 juillet. Un exercice traditionnel sous la Vème République qu'il dit ne pas forcément vouloir rééditer chaque Fête nationale. Et pourtant, il a bien tort de s'en priver car il est bien meilleur dans cet exercice de questions-réponses que lors de ses (souvent trop) longues interventions solitaires où il apparaît plus empesé. Ce 14 juillet 2020, qui n'était pas comme les autres puisqu'il s'agissait aussi de rendre hommage aux soldats de la « guerre » sanitaire et aux victimes de la pandémie de Covid qui n'a toujours pas fini sa course mortelle, Emmanuel Macron a été plutôt à son meilleur.

Port du masque obligatoire dans les lieux publics clos, préparation du pays à une possible seconde vague, le chef de l'Etat a été concret dans un registre plus humble et n'a pas oublié de faire son mea culpa désormais de tradition quand il s'adresse aux Français. Comme pour effacer Jupiter et se faire pardonner ses écarts de langage et ses maladresses, une pratique du pouvoir trop verticale, qui l'ont rendu très impopulaire.

Emmanuel Macron le sait bien : le temps lui est compté, à peine 600 jours avant la prochaine élection présidentielle. Et même s'il jure ne pas faire de (petits) « calculs », tout laissait entendre en ce mardi 14 juillet qu'il ne pense qu'à cela et que sous Macron 2020 perce déjà Macron 2022. Il a tracé une feuille de route précise pour son nouveau gouvernement « de combat » à qui il a fixé une nouvelle méthode : le dialogue, le dialogue, le dialogue.

Le nouveau Premier ministre, Jean Castex, qui doit mettre en musique ce « Macron nouveau », donnera les détails de l'action à venir dans son discours de politique générale ce mercredi devant les parlementaires. Il s'inscrira dans le cadre du « nouveau chemin » fixé par le président de la République qui, s'il ne renie en rien celui de 2017 - il fallait mener avec Edouard Philippe « tambour battant » les réformes qui ont redoré la crédibilité du pays-, veut désormais regarder plus loin, à dix ans, afin d'encourager les Français à « voir loin et à voir grand ».

Pour cela, un plan de relance de 100 milliards d'euros sera mis sur la table, ce qui n'est pas rien en plus des 460 milliards déjà engagés depuis mars, pour sauvegarder les emplois et les compétences et engager une relance industrielle et écologique. La probable nomination d'un Haut Commissaire au Plan, sorte de « Premier ministre du long terme », qui pourrait être confié à François Bayrou, conforterait cette vision. Car pour Emmanuel Macron, « le moment dans lequel nous sommes peut être une opportunité économique ». Il en a tracé les grandes lignes en fixant les priorités autour de trois calendriers.

Six mois pour « protéger » les Français des dégâts économiques d'une crise sociale inévitable, deux ans pour relancer l'activité en l'orientant vers la transition écologique et... dix ans pour faire renouer la France avec son destin de grand pays industriel. Une façon pour le chef de l'Etat de se porter candidat au monde d'après 2022. Pour les Français, c'est cependant surtout le court terme qui prime, et c'est là qu'Emmanuel Macron est avant tout attendu, alors qu'il a dû reconnaître la perspective de 800.000 à 1 million de chômeurs de plus au second semestre. Dur pour celui qui voulait vaincre ce « mal français » du chômage de masse et était convaincu d'y avoir concouru par ses réformes.

Six mois donc pour mettre en place des digues et insérer les 700.000 et quelques jeunes qui vont arriver sur le marché du travail, priorité numéro 1, avec un catalogue de mesures inédites : 300.000 contrats d'insertion, un encouragement massif à l'apprentissage et aux contrats d'alternance, une amplification du service civique, et surtout, mesure longtemps prônée par François Bayrou, des exonérations de charges pour toute embauche d'un jeune jusqu'à un salaire de 1,6 Smic, pour un an voire deux. Autre priorité : l'emploi et les compétences avec des accords d'activité partielle de longue durée que les entreprises les plus en difficultés négocient, avec le risque réel de « chantage à l'emploi » pour obtenir baisse des salaires et/ou augmentation de la durée du travail. Le chef de l'Etat a haussé le ton : il faudra des contreparties en termes de formations, mais aussi de participation au capital ou d'intéressement, et des actionnaires moins gourmands en dividendes.

Ce Macron « de gauche » adresse aussi des signaux à la droite droite avec la volonté, contre tous les bons conseils y compris de ses « amis » du Medef, de maintenir au moins la perspective de la grande réforme des retraite qu'il a promis de faire. Selon le président, elle reste indispensable, à la fois par son volet structurel, le régime par points, « une réforme juste » car elle s'adresse en priorité « à la première ligne » des travailleurs les plus précaires, et par son volet financier car le pays ne peut laisser une dette de 30 milliards d'euros annuels à sa jeunesse pour financer la retraite de leurs parents. Ce sera à Jean Castex de trouver par la concertation, avec une première réunion dès ce vendredi avec les partenaires sociaux, le chemin, plutôt la voie de passage étroit, pour que cette promesse de 2017 trouve une traduction avant 2022. Mais ce n'est plus une priorité et le président de la République a sagement ouvert la porte à une extension du calendrier pour ne pas braquer les syndicats qui réclament une pause.

Emmanuel Macron d'ailleurs ne lâche rien des convictions d'Emmanuel Macron : ni sur l'ISF, ni sur l'impôt sur le revenu, il ne veut pas toucher à la taxation des "riches", au nom de la stabilité fiscale et du combat pour « l'attractivité » sur lequel il estime que la France avait marqué des points avant la crise sanitaire. Seule concession, dans l'air du temps depuis un moment en réalité, la fin de la suppression de la taxe d'habitation qui  attendra un peu pour les 20% des plus aisés, ce qui sera pour eux un moindre mal.

Reste le long terme, avec "la relance industrielle, écologique, sociale, éducative et culturelle" du pays. "En dix ans, on peut bâtir un pays différent" et "plus fort". L'écologie est l'un des leviers de cette relance économique, par le développement de nouvelles filières comme l'hydrogène, l'indépendance alimentaire, les transports propres. Le chef de l'Etat a cité le développement du fret ferroviaire, des trains de nuit et des petites lignes, limitation des vols intérieurs aux distances supérieures à deux heures de train, sans y renoncer sur les trajets les plus longs, accélération de l'électrification du parc automobile, aides à la rénovation thermique des bâtiments notamment des écoles et des Ephad, le président de la République affiche qu'il croit « à l'écologie du mieux, pas à celle du moins ». En dix ans, la France peut redevenir « une grande nation industrielle », par l'écologie et le numérique, par le dialogue entre les parties prenantes de la société, partenaires sociaux et élus locaux, bref en mettant de côté nos divisions pour retrouver la « confiance » en l'avenir. Tel est le chemin tracé par le Macron réinventé, dont les ailes poussent à la mesure de la facilité apparente créée par la situation exceptionnelle actuelle, qui permet de s'endetter pour pas cher et de dépenser plus avec la perspective de cantonner aussi longtemps que nécessaire ce qu'Emmanuel Macron a appelé "la dette Covid". Pouvoir dépenser sans compter, voilà un luxe dont beaucoup d'ex-présidents auraient bien rêvé. Il est encore tôt pour savoir si Emmanuel Macron s'est réinventé, mais sa formule "quoi qu'il en coûte" énoncée le jour même du confinement est de nature à lui faciliter la tâche y compris de lui permettre de se représenter en 2022 au suffrage des Français.

Philippe Mabille

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Commentaires 19
à écrit le 16/07/2020 à 15:49
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Rien à en attendre. Il a tout fait "mieux" que ses prédecesseurs. E il fait son "come back" avec un nouveau "one man show"

à écrit le 16/07/2020 à 9:41
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Micron, c'est comme les macarons. La couleur change mais le gout est trjrs le meme. Les francais vont se regaler.

à écrit le 15/07/2020 à 22:01
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C'est fou comme ces enarques manquent d'imagination et de créativité. Le macronisme, c'est le conservatisme bourgeois, une politique en faveur des notables de province.

à écrit le 15/07/2020 à 17:09
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Il y a un adage lapin qui dit que c'est quand il est imbu qu'il faut le tirer, ou un truc a peu près comme ça; me souviens plus, je viens de me taper deux discours et j'ai mal a la tête.

à écrit le 15/07/2020 à 16:59
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En résumé, Macron défausse la responsabilité de l’État sur les territoires sans le moindre financement, tout en centralisant l'emprunt nécessaire a l'administration de l'UE de Bruxelles! Un seul but la disparition de la France!

à écrit le 15/07/2020 à 15:10
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"il dit ne pas forcément vouloir rééditer chaque Fête nationale". Si je ne trompe, il ne lui en reste plus qu'une sauf, bien sûr, s'il se voit déjà réélu en 2022!

à écrit le 15/07/2020 à 13:44
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Comme un vin nouveau c'est une bibine . Le problème c'est que même après plusieurs années en fut il reste imbuvable . Qu'il aIlle en cours de réthorique avec sa maîtresse mais laisse la France bâtir avec ses bras .

à écrit le 15/07/2020 à 13:27
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Le nouveau MARCRON vient de vous déclarer à la TV que vous êtes RICHE à partir de 2500 euros mensuels de salaire (puis vous ne serez pas exonérer de la taxe d'habitation). On va finir par regretter HOLLANDE pour lequel être riche c'était de gagner 4...

à écrit le 15/07/2020 à 11:51
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"Agir vite et fort".. ce n'est pas mon sentiment, suite à l'écoute de son interview.. On a plutôt l'impression d'un retrait, calculé, qui conduira à son programme de réélection ("votez pour moi, je ferai enfin la réforme des retraites..."). Je crains...

le 16/07/2020 à 9:48
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C'est precisement son calcul. Etre reelu avec moins de 20%. Les francais s'ils veulent sortir ce benet, doivent a tout prix se bouger au bureau de vote. RN, insoumis, royalistes, aucune importance, bougez-vous le moment venu. Apres si 60% des vot...

à écrit le 15/07/2020 à 11:26
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Déjà que le beaujolais nouveau n'a guère la cote, le MACRON nouveau ou millésimé est carrément imbuvable. Du reste seuls 38% le trouvent encore "consommable" donc la grande majorité des Français ne veulent plus en entendre parler .... comme hier pour...

à écrit le 15/07/2020 à 11:23
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Pffft ! La République, Oui ! La République des petits camarades : Macron énarque, Castex énarque, Le Maire énarque... Augmentation des rémunérations des fonctionnaires Police, CHU, enseignants du public, Gardien Prison, Pompier professionnel, honorai...

le 15/07/2020 à 17:54
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"Pour les salariés du privé pain sec et serrés votre ceinture" Normal :Le secteur privé correspond au secteur d'activité de l'économie où l'État n'intervient pas ou du moins peu. Il s'agit principalement des entreprises privées n'appartenant pas à...

le 16/07/2020 à 11:15
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@réponse de la chose : la richesse est produite par le secteur marchand (salariés / entreprises ) qui paye malheureusement pour des administrations publiques sans utilités ou en doublon et de nombreux fonctionnaires sans tâches de travail d'une réell...

à écrit le 15/07/2020 à 11:00
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Balivernes médiatiques. Le nouveau Macron se serait plus inféodé aux GOPE ou feuille de route de Bruxelles qui détruisent ce pays ? UPR, Frexit vite ..

à écrit le 15/07/2020 à 10:47
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"Le Macron nouveau est-il arrivé ?" De la piquette comme le beaujolais

à écrit le 15/07/2020 à 10:42
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Rien de nouveau, tenir la fuite en avant perpétuelle, protéger les privilégiés, saupoudrer d'écologie cyclable et pour le reste, faire durer, durer, durer..... 2 degrés ?

à écrit le 15/07/2020 à 10:28
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Franchement, c'est le la fin du système! Maintenant je ne le décrit pas, mais je regarde donc cela avec intérêt du fait même du truchement d'éléments aléatoire et interopérable. Ce qui est certain, c'est que nouveau ou pas il mène une politique...

à écrit le 15/07/2020 à 9:07
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Bref ça commence à être sérieusement compliqué pour lui sachant qu'en plus l'oligarchie a un remplaçant tout trouvé en la personne de Édouard Philippe. Non Marine Le Pen ne sera jamais présidente, le front national n'étant pas là pour gagner mais...

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