Macron se réveille, à fond la caisse sur le périph' des réformes

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. De la polémique entre la macronie et Anne Hidalgo à propos des 50 km/h sur le périphérique parisien à l'accélération des réformes économiques et sociales sur la route du plein emploi, la France se prépare à entrer en 2024 les cheveux au vent... L'heure des grandes décisions arrive.
Philippe Mabille

Fini le bon vieux temps où l'on pouvait rouler tranquille à 90 km/h sur le périph' en R5 diesel une clope au bec ! C'était il y a trente ans, en 1993, et depuis, alors que le nombre de voitures n'a fait qu'augmenter (1,2 million par jour en moyenne), la limitation de vitesse n'a fait que baisser sur l'anneau circulaire de 35 km qui encercle -qui enferme- Paris. Actuellement de 70 km/h, vitesse franchement quasi impossible à atteindre aux heures de pointe, elle passerait à 50 km/h par tous temps à l'occasion de la création d'une voie réservée au covoiturage pour les JO de 2024. De quoi faire se dresser les cheveux sur la tête à tous les adeptes de l'autosolisme.

Cette voie réservée serait l'un des héritages des JO et fait partie du plan climat de la ville qui sera adopté cette semaine au Conseil de Paris. La réduction de la vitesse à 50 km/h en découlerait logiquement selon les études d'impact, et le plan prévoit même de réduire la vitesse à 30 km/h en cas de pic de pollution. A l'annonce du projet, le sang est monté à la tête de la droite parisienne ou à la région, présidée par Valérie Pécresse, où l'on dénonce, pas à tort, une nouvelle décision prise sans concertation qui pénalise les habitants de banlieue circulant tard le soir ou tôt le matin. Plus surprenant, c'est de la Macronie que les critiques les plus vives sont venues : le ministre des Transports, Clément Beaune, probable candidat aux Municipales à Paris en 2026, a assuré que l'Etat ne validera pas ce projet, ce à quoi les proches de la Maire répondent que l'accord de l'Etat n'est pas nécessaire s'agissant des mesures de circulation prises pour préserver la sécurité ou l'environnement. Et de Dubaï, en pleine négociation sur la sortie des énergies fossiles, la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a dénoncé « de l'écologie à la petite semaine », car les embouteillages que cela pourrait engendrer aggraveraient selon elle, au lieu de les réduire, les émissions de CO2.

A chacun son opinion sur la légitimité de cette proposition d'Anne Hidalgo dont on doit cependant reconnaître la constance dans la capacité à prendre envers et contre tous des mesures à l'encontre des automobilistes, de la suppression des voies sur berge le long de la Seine à la proposition esquissée pendant la présidentielle de 2022 de réduire de 130 à 110 km/h la vitesse sur les autoroutes. Une idée à peu près aussi impopulaire que les 80 km/h sur les nationales sur lesquels s'était fracassé Edouard Philippe Premier ministre, mesure qui a figuré parmi les « irritants » à l'origine de la révolte des Gilets jaunes avec la taxe carbone. Pompidou, dont on célébrera l'an prochain, le 2 avril, le cinquantenaire de la mort, a lancé un jour, selon des propos rapportés par Jacques Chirac : « Mais arrêtez donc d'emmerder les Français ». La formule est visiblement toujours aussi d'actualité. Au nom du climat, la fabrique à racketter les automobilistes tourne à fond la caisse, et ce n'est que le début.

En faux plat depuis la réforme des retraites, Emmanuel Macron aimerait bien lui-aussi enclencher la seconde sur le périphérique des réformes. Il en a assez que cela tourne en rond, que cela bouchonne et n'avance guère. « Réveillez-vous ! » a lancé le président le 21 novembre dernier lors de la présentation à des patrons de PME d'un plan pour les faire grandir nommé ÉTIncelles, dont l'objectif est de créer 1000 ETI supplémentaires. Sans doute s'adressait-il autant aux Français qu'à lui-même... Emmanuel Macron leur a promis de redoubler d'efforts pour relancer le chemin du plein-emploi, avec des mesures ambitieuses. « Je vous le dis en toute sincérité. On est à 7% de taux de chômage. Quiconque pense que le temps est au repos, qui pense qu'on pourrait nous ralentir, on ne vit pas dans le même monde ».

Avec un taux de chômage qui remonte, l'objectif des 5% à la fin du quinquennat s'éloigne. Un peu comme Hollande avec son inversion de la courbe, Macron se retrouve à son tour pris en défaut sur la principale promesse faite aux Français... Panique et mobilisation générale de Matignon à Bercy. Et c'est la foire aux idées. Certaines sont bonnes, notamment celles pour la formation et l'emploi des jeunes. Mais n'auront pas d'effet rapide. D'autres sont plus controversées. La proposition de Bruno Le Maire de réduire la durée d'indemnisation des seniors au chômage, à contre-cycle, sonne comme un coup de tonnerre dans le ciel syndical.

Après avoir été adepte de la flexisécurité à la danoise, alliant plus de souplesse sur le marché du travail à plus de protection pour les chômeurs, Emmanuel Macron a-t-il complètement viré de bord ? Pour l'heure, il laisse son ministre de l'Économie en première ligne. En proposant une loi Pacte 2, Bruno Le Maire, en course pour Matignon, copie la méthode d'Emmanuel Macron à Bercy. En 2016, le jeune ministre de l'économie de François Hollande a tenté une OPA sur le ministère de l'Emploi, en proposant une « loi Macron 2 » dans laquelle il proposait une batterie de mesures de déréglementation du marché du travail, des règles de recours aux Prud'hommes au plafonnement des indemnités de licenciement. Mais à l'époque, le futur président équilibrait ces mesures libérales par un renforcement de la protection des chômeurs.

La flexisécurité à la danoise semble passer de mode, et ne reste plus que le premier terme de l'équation, la flexibilité. L'idée de Bruno Le Maire pourrait fonctionner si les entreprises étaient réellement incitées à garder les seniors dans l'emploi, mais franchement, qui croit cette fable ? Sauf à prendre des mesures contraignantes comme un index senior assorti de sanctions, comme pour la parité homme-femme. Le Medef ne semble pas emballé par la proposition, qui risque de sérieusement perturber la négociation sociale sur les seniors en 2024, au risque de remettre les Français dans la rue, un an après les retraites et à quelques mois des JO.

Pas sûr qu'Emmanuel Macron tente l'excès de vitesse avec cette réforme-là. Dans son entretien au Figaro jeudi, Elisabeth Borne, qui représente l'aile gauche de la majorité relative présidentielle, a botté en touche : « ma première préoccupation est que les seniors restent en emploi. C'est un des objectifs de la réforme des retraites. En facilitant la retraite progressive, nous permettons aux seniors de gérer le passage de l'activité à la retraite. Nous pourrions par exemple étendre ce dispositif. Les partenaires sociaux pourront en discuter dans le cadre de leur négociation ». Pas vraiment un franc soutien à la ligne BLM (Bruno Le Maire) parti tout feu tout flamme. En attendant, pour attiser sa soif de réformes, le ministre de l'Economie prend une mesure populaire : la fin de l'obligation de coller la carte verte d'assurance automobile sur les pare-brises, une simplification parmi d'autres sur la route de celle promise par le gouvernement. Et qui fera économiser, selon Bercy, 1200 tonnes d'équivalent carbone par an.

Sur le chemin des réformes, on peut donc s'attendre à une légère accélération du rythme en 2024. Après la création d'un « conseil présidentiel de la science », une nouvelle commission Théodule censée transformer la recherche, Emmanuel Macron sera lundi à Toulouse pour annoncer de nouvelles mesures sur la réindustrialisation. Le président, qui fera avec Bruno Bonnell le bilan des deux ans de France 2030, qui gère la manne des 54 milliards d'euros des investissements d'avenir, veut accélérer sur le sujet de l'industrie verte et sur celui de la souveraineté dans la production de semi-conducteurs dédiés à l'intelligence artificielle. A fond la caisse, le président qui dit « aimer les bagnoles »veut appuyer sur le champignon en 2024. Au risque de la sortie de route ?

Philippe Mabille

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Commentaires 10
à écrit le 10/12/2023 à 0:42
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À force de ralentir, les voitures reculeront. Faut penser à mettre des panneaux de signalisations dans l'autre sens et à l'envers pour être lu dans les glaces des rétroviseurs. Dans les cartons, il y a un projet de réduire la vitesse de moitié d'Aria...

à écrit le 09/12/2023 à 18:23
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Bon pas de panique, quelques milliers de radiations et une remise en forme des chiffres inverseront la courbe du chomedu.

à écrit le 09/12/2023 à 13:47
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Et le grand discours de Manu sur la réduction drastique de la pression administrative en ayant recourt à court terme aux ordonnances, quand à t'il lieu ?

à écrit le 09/12/2023 à 11:48
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"le ministre de l'Economie prend une mesure populaire : la fin de l'obligation de coller la carte verte d'assurance automobile sur les pare-brises," Parce que cela bénéficiera comem d'habitude à la finance à terme du fait de paiements mensuels obliga...

à écrit le 09/12/2023 à 11:14
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Amusant de constater cette référence À géométrie variable de nos politiques pour un pays que je connais bien . Mais qu ils s appliquent à eux mêmes ce qu ils veulent imposer à la majorité de «  gueux »: seul le 1 er minière danois dispose d un véhi...

le 09/12/2023 à 11:37
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simple diversion ,? après une atteinte à la laïcité qui a réveillé la population ! difficile à oublier

à écrit le 09/12/2023 à 11:10
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Amusant de constater cette référence de nos politiques pour un pays que je connais bien . Mais qu ils s appliquent à eux mêmes ce qu ils veulent imposer à la majorité de «  gueux »: seul le 1 er minière danois dispose d un véhicule , d une équipe de...

à écrit le 09/12/2023 à 11:10
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Amusant de constater cette référence de nos politiques pour un pays que je connais bien . Mais qu ils s appliquent à eux mêmes ce qu ils veulent imposer à la majorité de «  gueux »: seul le 1 er minière danois dispose d un véhicule , d une équipe de...

à écrit le 09/12/2023 à 10:46
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Et l’utilisateur du periph Parisien il fait quoi ? Il y a alors de grandes chances qu’il ne respecte pas l’oukase de la mairie de Paris qui ne serait pas relayé par l’Etat pour le paiement d’éventuelles amendes……..

à écrit le 09/12/2023 à 9:25
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Bref ! Comme à son habitude, aucune adaptation, rien que des réformes qui frisent le caprice ! ;-)

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