Un ISF vert pour en finir avec les Gilets Jaunes !

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. La semaine à venir s'annonce très, mais vraiment très très chaude à Bercy, avec l'attente du verdict de l'agence Standard & Poor's sur la note souveraine de la France. Bruno Le Maire et la direction du Trésor auront vendredi 2 juin les yeux rivés sur leurs écrans Reuters pour observer, les pupilles dilatées, les conséquences d'une éventuelle dégradation de notre dette, placée depuis décembre 2022 sous surveillance négative... Et pourquoi ce quinquennat pourrait bien finir par un choc fiscal sur les plus riches...
Philippe Mabille
(Crédits : Eric Gaillard)

La semaine à venir s'annonce très, mais vraiment très très chaude à Bercy, avec l'attente anxieuse du verdict de l'agence Standard & Poor's sur la note souveraine de la France. Bruno Le Maire et la direction du Trésor auront vendredi 2 juin les yeux rivés sur leurs écrans Reuters pour observer, les pupilles dilatées, les conséquences d'une éventuelle dégradation de notre dette, placée depuis décembre 2022 sous surveillance négative... Et voilà donc pourquoi ce quinquennat pourrait bien finir par un choc fiscal sur les plus riches...

Après avoir perdu sa meilleure note, le Triple A, en 2012 sous Sarkozy, la France risque de connaître une nouvelle humiliation sous Macron avec une baisse de AA à AA- de sa note S&P, une agence dont les avis influencent bien plus les investisseurs que celui de son concurrent Fitch. L'agence Fitch a déjà cogné fort le 28 avril dernier en dégradant notre note d'un cran, mais cela n'a pas eu d'effet notable sur l'écart de taux entre la France et l'Allemagne, le juge de paix de la qualité d'une dette d'Etat en Europe. Mais la crainte d'une dégradation par S&P fait déjà se tendre le fameux spread qui se rapproche des 60 points de base. 

Le risque, si ce spread continue de se dégrader, c'est celui d'un effet « boule de neige » de la dette, puisque la France, comme la plupart des pays du monde, emprunte principalement pour rembourser ses emprunts précédents. A force, elle a accumulé 3.000 milliards d'euros, plus de 111% du PIB. Sous Nicolas Sarkozy, la dette s'est aggravée de 500 milliards en cinq ans. Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, elle a flambé de plus de 600 milliards en six ans, « Quoi qui en coûte » du Covid inclus. Et cela va continuer de plus belle avec la récession qui vient et le financement de la transition écologique.

A vrai dire, ce sont surtout les motivations de la décision de Fitch qui ont agacé dans les hauts lieux du pouvoir. L'agence devenue américaine a en effet pointé l'impasse économique et sociale d'une France surendettée et enlisée dans un trop long conflit social sur le relèvement de l'âge de la retraite. Depuis, le ministre des finances et l'agence France Trésor sont à la peine pour tenter de convaincre les analystes de Standard & Poor's que pas du tout, le programme de réformes d'Emmanuel Macron n'est en rien menacé, ni par le blocage politique à l'Assemblée nationale, sans majorité autre que relative, ni par la rue, alors que les syndicats ne pardonnent pas au président de la République son obstination à porter de 62 à 64 ans l'âge de la retraite.

On comprend mieux, dans ce contexte, la frénésie d'agir qui s'est emparé du président de la République depuis la promulgation de la loi sur les retraites, pour convaincre de la nécessité de lancer tous les chantiers « en même temps », en ne donnant, en théorie, que 100 jours, jusqu'au 14 juillet, à Elisabeth Borne, pour les lancer. Loi Travail, loi sur l'immigration, baisse de la dépense publique avec une injonction donnée à tous les ministères de réduire de 5% leur budget de fonctionnement... mais aussi du côté de l'offre, relance de l'industrie verte et planification de la transition écologique.

Si elle veut échapper à une nouvelle baisse de la qualité de sa signature sur les marchés financiers, la France doit désormais faire ses « homeworks », comme le disait Angela Merkel. Or, si les premières années de Macron ont été riches en réformes, le compte n'y est pas depuis quelques années et les comptes publics en portent la trace. Record de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires, déficits les plus élevés de l'Union européenne, croissance fragilisée et inflation difficilement maîtrisée. Déjà, l'Allemagne plonge en récession : si la France devait suivre le même chemin, la boule de neige de l'endettement risque bien de s'emballer.

Faut-il dans ce cadre baisser les impôts pour les classes moyennes,
comme l'a demandé le président de la République en annonçant 2 milliards d'euros d'allégements avant 2027 ? La question se pose d'autant plus qu'en réalité, c'est plutôt à un choc fiscal sans précédent qu'invite l'économiste Jean Pisani-Ferry dans son rapport sur « les incidences économiques de l'action pour le climat ». Tout en affichant la réalité des investissements publics nécessaires pour financer la transition écologique, cet universitaire qui avait dirigé le programme économique du candidat Macron en 2017 propose rien de moins que de recréer un nouvel impôt, temporaire, sur le capital.

En quelques lignes et une note en bas de page, Pisani-Ferry place le pays en face de ses propres contradictions. S'il ne veut pas aggraver sans limite sa dette, et néanmoins agir en cohérence avec ses engagements climatiques, sans provoquer une nouvelle crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron n'a selon Pisani-Ferry pas d'autre choix que de rétablir, sous une forme différente, l'ISF qu'il a pourtant supprimé en début de mandat. Dans une drôle de circularité de l'histoire fiscale, le chef de l'Etat finirait dés lors son quinquennat sur un choc fiscal sans précédent que ne renierait pas son prédécesseur, François Hollande, qui avait tenté en 2012 de porter à 75% le taux maximal de l'impôt sur le revenu. Macron, son conseiller à l'époque, s'était écrié : « c'est Cuba, sans le soleil ».

Que dire alors de la proposition de Pisani-Ferry, formulée ainsi : « L'actif financier net des ménages était de 4 700 milliards d'euros en 2021, dont 3.000 milliards pour les 10 % les mieux dotés. Un prélèvement forfaitaire exceptionnel de 5 %, dans une fenêtre de trente ans, rapporterait donc 150 milliards, soit un peu plus de 5 points de PIB au total » (note en bas de page 120 du rapport)... Admettons que cet ISF vert voit le jour, quel serait son taux de prélèvement réel, comparé à celui du vrai ISF supprimé par Macron ? Faisons le calcul : 5% dans une fenêtre de 30 ans, cela fait un taux réel de 0,16666667% par an, à comparer à un barème de l'ISF de l'ISF allant de 0,5% à 1,5% par an. Pas de quoi s'affoler donc ? Voire...

Ce mini ISF, qui concernerait environ 4 millions de personnes, sera-t-il retenu par Emmanuel Macron pour résoudre l'équation impossible à laquelle la hausse des taux d'intérêt, la flambée de la dette, l'éventuelle dégradation de la note de la France et l'impérieuse urgence du climat l'oblige à se résoudre ? Christophe Béchu, le ministre de la transition écologique, pourtant issu de la droite, n'y voit « pas un tabou ». Bruno Le Maire n'en veut pas, avec des arguments sensés : comment soutenir l'investissement privé en taxant ainsi les investisseurs qui seraient incités à fuir de nouveau à l'étranger ? Mais que propose-t-il alors comme alternative alors pour financer de façon juste la transition écologique ? Il y a en a pour beaucoup plus cher que les 18 milliards d'euros annuels des retraites : on parle de 600 milliards à horizon 2030... De seules économies dans la dépense publique, même massives, n'y suffiront pas. L'équation demeure insoluble, et les regards se tournent donc de plus en plus vers ces 10% des Français les plus riches, y compris dans l'aile gauche de la Macronie.

On a souvent dit que le principal défaut de l'ISF ancienne mouture était de frapper les millionnaires en épargnant les milliardaires. La solution proposée par Pisani-Ferry, qui n'est pas connu pour être un gauchiste dangereux, est donc à prendre au sérieux, puisqu'elle a le mérite de la simplicité : tout le monde sera logé à la même enseigne. Sur le plan économique, ce serait un instrument de redistribution pour financer un plan massif de transformation écologique : du keynésianisme chimiquement pur qui prélèvera un peu de l'épargne excédentaire des plus riches pour financer la bascule dans un économie décarbonée.

Emmanuel Macron, qualifié de « président des riches », ne le restera pas forcément jusqu'en 2027. En tout cas, pour résoudre l'équation fin du monde, fin du mois, qui a éclaté au grand jour avec la révolte des Gilets Jaunes, il sait ce qui lui reste à faire...

A lire aussi dans La Tribune cette semaine

TotalEnergies, Carrefour... Le climat, nouveau champ de bataille des assemblées générales d'actionnaires. L'analyse d'Eric Benhamou.

Marie-Laure Denis (Cnil) : « Le RGPD est une illustration concrète de la troisième voie européenne face aux Etats-Unis et à la Chine ». Son entretien avec Sylvain Rolland à l'occasion des cinq ans du RGPD.

LVMH, Hermès, L'Oréal...Pourquoi les valeurs du luxe décrochent en Bourse ? Maxime Heuzé fait le point sur la chute qui a fait perdre 20 milliards d'euros à Bernard Arnault en une semaine.

Duel au sommet pour la tête du Medef. Fanny Guinochet analyse le programme des deux candidats en lice, Patrick Martin, le favori, et Dominique Carlach, sa challengeuse.

Avant de calculer combien vous coûtera le nouvel ISF vert, encore improbable, n'oubliez pas de faire votre déclaration d'impôt avant au plus tard le 8 juin. Pauline Chateau fait le point sur vos obligations.

Philippe Mabille

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Commentaires 24
à écrit le 28/05/2023 à 15:23
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Les dix familles les plus riches de France (Arnault, Hermès, Bettencourt, Wertheimer, Pinault, Dassault, Mulliez, Omidyar, Castel, Drahi), ont accru leur fortune de 20% pendant le covid ! Pourquoi ne prouvent-elles pas leur patriotisme et leur empath...

le 29/05/2023 à 13:41
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Et une fois que sera fait cela ne changera rien tant l'état ne se reformer pas. C'est un puit sans fond ces dépenses de l'état c'est toujours plus pour un service rendu de plus en plus mauvais. Avant d'augmenter les contributions des français les plu...

le 30/05/2023 à 11:05
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@Lub. C'est quoi "le puits sans fond des dépenses de l'Etat"? Celles des J.O. et des dépenses de prestiges ou bien celles liées aux services publics (hôpital, école, police, voirie, maisons de retraites, électricité, gaz, etc) ? Et "les branches mois...

à écrit le 28/05/2023 à 7:11
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Cocasse non que les notes financières se soient abaissées sous Sarkozy et Macron tandis que les deux serviteurs les plus zélés des marché financiers ? Cela ne peut qu'interroger sur les deux plus gros gaspilleurs d'argent public de la 5 ème républiqu...

le 29/05/2023 à 8:16
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La réponse est dans la question : la finance il leur faut des os à manger, donc de la dette. Mais de la dette pas pour de l'investissement public, de la dette pour des réduction d'impôt, histoire que ça profite plutôt aux copains.

à écrit le 27/05/2023 à 23:37
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c est sur que taxer c est plus facile que reduire les depenses. Pourtant pourquoi les retraités francais ont un niveau de vie superieur aux actufs ? (eh oui, le premier poste de depense c est les retraites). Et si ont veut vraiment taxer, c est de...

à écrit le 27/05/2023 à 18:48
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Nous voila partis pour casser notre propre record mondial sur les impôts et prélèvements obligatoires et toujours sur les mêmes car 56 % des foyers ne paient pas l'IR et que les 10% des plus aisés paient 70% de l'IR et 50 % de tous les impôts et taxe...

à écrit le 27/05/2023 à 14:52
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La fin des subventions aux organes de presse et la fin des régimes fiscaux spéciaux des journalistes pour en finir avec le journalisme de connivence !

à écrit le 27/05/2023 à 10:39
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En France 31,6% de dépenses sociales (rapporté au PIB, record mondial) et record des subventions qui n'apportent rien à la productivité et à la beauté du pays. Il suffit de rentrer dans la moyenbe de pays mieux gérés, moins assistés, plus efficaces ...

le 27/05/2023 à 12:56
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Ce n'est pas quelques milliers d'euros d'impôts en plus qui feront fuir les redevables , quant aux paresseux vous ignorez donc que les redevables de l'isf en font partie car ils sont nombreux ceux qui vivent de leurs rentes sans travailler !! ps :...

le 27/05/2023 à 13:27
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@ldx Quand je parle de paresseux j'entends ceux qui par paresse intellectuelle choississent la voie de l'impot parce que faire des économies est plus exigeant au niveau intellectuel et politique. Pas de ceux qui bénéficient de richesses ou d'aides s...

le 27/05/2023 à 14:33
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@Adieu Les dépense sociales n'apportent rien à la productivité ? Vous sortez ça d'où ? C'est tout l'inverse. Exemple les aides pour la garde d'enfants/crèche permettent aux femmes de travailler plus.

à écrit le 27/05/2023 à 9:30
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La dégradation de la note de la France est une bonne nouvelle, certains vont revenir sur terre

le 27/05/2023 à 10:47
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Oui, c'est justement trop de confort et l'absence de contraintes financières qui ont tué l'esprit de responsabilité et la fibre morale du pays.

le 27/05/2023 à 14:34
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@Adieu et au Japon, aux USA, en Italie ? Absence de fibre morale également ?

à écrit le 27/05/2023 à 9:12
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Un jour il faudra peut être aussi mettre sur la table les paradis fiscaux européens, Non?

le 27/05/2023 à 11:10
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Oui, sinon dans l'état actuel des choses l'ISF ne rapportera rien puisque l'assiette fiscale des autres impôts baissera avec l'exil et le manque d'investissement

le 27/05/2023 à 12:59
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La France est aussi un paradis fiscal pour les plus riches qui font de l'optimisation fiscale grâce à des avocats fiscalistes anciens de Bercy !!!

le 27/05/2023 à 18:42
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@ldx : "la France un paradis fiscal" : il vaut mieux certes entendre ça qu'être sourd mais quand même, comment peut on oser une telle affabulation? Parmi les 300 plus riches de Suisse, 100 sont français. Ils doivent être aveugles et sourds ou alors i...

à écrit le 27/05/2023 à 9:10
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A force d'agiter le chiffon rouge pour les gilets jaunes, après les bonnets rouges et à tout bout de champ pour entonner les refrains gauchistes avec la NUPES pour assurer la transition verte (ZFE, obligation de composter les bio-déchets, vignette cr...

à écrit le 27/05/2023 à 9:04
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Cocasse non que les notes financières se soient abaissées sous Sarkozy et Macron tandis que les deux serviteurs les plus zélés des marché financiers ? Cela ne peut qu'interroger sur les deux plus gros gaspilleurs d'argent public de la 5 ème républiqu...

le 27/05/2023 à 11:20
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Les autres présidents ont été encore pire dans leurs choix anti-travail et dépensiers. Sauf que Sarkozy a eu la grande crise de 2008-2009 et Macron a eu le covid. Il vrai que en les comparantaux autres pays ils restent mauvais mais cela vaut aussi po...

le 27/05/2023 à 14:40
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Les temps changent, les marchés financiers sanctionnent maintenant le reaganisme (baisse drastique des impots) est sanctionné aussi sévèrement que l'état providence (grosses dépenses).

le 28/05/2023 à 9:41
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@Adieu BCE - L'impact économique du Covid n'est pas lié à l'épidémie mais à des mesures politiques sans précédent dans l'histoire de l'humanité censées la juguler. Un pays comme la Suède n'a jamais confiné ni arrêté son économie et s'en sort pourtant...

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