Proche-Orient : les torticolis de Xi Jinping

CHRONIQUE LE MONDE À L’ENDROIT - La Chine pratique une diplomatie « acrobatique », selon notre chroniqueur.
« Avec une croissance à la peine et un nouveau plan de relance de 137 milliards de dollars, les autorités chinoises ont besoin de stabilité géopolitique dans leurs zones d'approvisionnement et de relais », explique François Clemenceau.
« Avec une croissance à la peine et un nouveau plan de relance de 137 milliards de dollars, les autorités chinoises ont besoin de stabilité géopolitique dans leurs zones d'approvisionnement et de relais », explique François Clemenceau. (Crédits : DR)

Le président chinois aura attendu - ce qui en dit long sur ses priorités - la fin du sommet international des routes de la soie qu'il présidait à Pékin pour prendre enfin position sur la guerre qui opposait Israël et le Hamas depuis une dizaine de jours. Ni lui ni son gouvernement, au lendemain des pogroms perpétrés par les commandos islamistes, n'ont jugé bon de les condamner ou de les qualifier de terroristes. Depuis ces massacres du 7 octobre, Pékin se positionne en revanche dans une posture de soutien à la solution dite des deux États et appelle à un cessez-le-feu pour éviter que cette guerre s'étende aux pays voisins. Si mercredi, au Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine a mis son veto à un projet de résolution demandant une « pause humanitaire » pour soulager les souffrances des Palestiniens de Gaza, c'est parce que le texte était d'origine américaine et qu'il faisait mention du droit d'Israël à se défendre.

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Cet exercice diplomatique des plus acrobatiques qui consiste à condamner la « punition collective » qu'infligerait Israël aux Gazaouis tout en souhaitant voir le Moyen-Orient résister à la tentation de s'embraser obéit à un réflexe premier d'opposition aux États-Unis. Comme l'explique le chercheur Ahmed Aboudouh, chef du département d'études chinoises à l'Emirates Policy Center d'Abou Dhabi, la « neutralité anti-occidentale » de Pékin doit beaucoup à ses intérêts économiques. Avec une croissance à la peine et un nouveau plan de relance de 137 milliards de dollars, les autorités chinoises ont besoin de stabilité géopolitique dans leurs zones d'approvisionnement et de relais. Dans une note publiée cette semaine par le think tank Chatham House, Ahmed Aboudouh rappelle que la Chine est le premier partenaire commercial de la plupart des pays de la zone Afrique du Nord - Moyen-Orient pour un montant d'échanges de 430 milliards de dollars, et que la moitié de ses importations de pétrole provient du Golfe. Ce n'est pas par hasard que les trois navires de guerre chinois qui devaient quitter cette semaine la région, où ils escortent nombre de tankers et de porte-conteneurs, ont été maintenus en mission sur place. Trois autres bâtiments de la marine de l'Armée populaire de libération, qui devaient les relever dans le cadre d'une rotation habituelle, les ont rejoints comme en renfort.

La Chine est le premier partenaire commercial de la plupart des pays de la zone Afrique du Nord - Moyen-Orient

Mais la Chine, rival stratégique et systémique des États-Unis et de l'Occident démocratique en général, tient aussi à ce que cette grave crise en cours illustre l'embarras de Washington face à Israël, son allié historique, accusé par le monde arabe de prolonger le « génocide » du peuple palestinien. Les hiérarques de Pékin observent la mobilisation par Joe Biden de ses moyens diplomatiques et militaires pour venir au secours de l'Ukraine puis d'Israël. Ce qui pourrait freiner, espèrent-ils, sa stratégie indopacifique visant à contenir l'expansionnisme chinois. Une séquence qui permet aussi à Xi Jinping de s'illustrer au Moyen-Orient comme un partenaire alternatif. Pékin s'est ainsi réjoui de voir que les dirigeants iranien et saoudien se sont appelés le 11 octobre, pour la première fois depuis l'ébauche de réconciliation des deux pays en mars sous médiation chinoise. Et la Chine n'est pas fâchée non plus de voir que Riyad a différé la normalisation de ses rapports avec Israël, ce qui aurait été perçu comme une victoire américaine. Coïncidence : le royaume a accueilli cette semaine son « Davos du désert » en présence de 300 invités chinois - deux fois plus que l'an dernier - alors que le chef de la diplomatie chinoise arrivait à Washington pour y préparer un éventuel sommet Xi-Biden d'ici à la fin de l'année. De quoi donner le tournis.

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Commentaires 5
à écrit le 30/10/2023 à 8:00
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 29/10/2023 à 14:41
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 29/10/2023 à 11:27
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Bonjour, la Chine ne peux que soutenir la solution a deux états... Car cela a était décidé en 1947 par l'ONU, et surtout cela semblent la logique même de respecter les droits de ses deux peuples... D'ailleurs, la Chine a besoin du pétrole du moyen...

à écrit le 29/10/2023 à 11:09
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Si on ne peut pas contredire les propos de vos "invités" interdisez les commentaires, un minimum d'amour propre svp, merci.

à écrit le 29/10/2023 à 9:38
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"pour prendre enfin position sur la guerre qui opposait Israël et le Hamas depuis une dizaine de jours" C'est vraiment pénible ces tribunaux médiatiques qui exigent des gens qu'ils "prennent position pour ou contre" mais pour ou contre quoi ? Vous n'...

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