Entretien : Mario Monti à la rescousse du marché unique

Mario Monti a été chargé par José Manuel Barroso de réfléchir à des pistes pour sauver le marché intérieur. Entretien.

La crise a-t-elle fait perdre de vue le grand marché à certains Etats membres ?

Il y a une tendance à réagir à la crise avec des instruments et des réflexes plutôt nationaux. Mais même avant la crise, on a vu des réticences, des oppositions face à deux grands chantiers pour un véritable marché unique européen. Je pense à la directive sur les OPA et à la directive services. Le président Barroso a donc cru opportun de se doter de quelques options et recommandations pour relancer l'entreprise du marché unique comme base de l'intégration européenne. Et il m'a demandé de l'aider en cela.

Faut-il voir dans cette mission que vous confie José Manuel Barroso un signe de sa méfiance vis-à-vis de Nicolas Sarkozy ou d'Angela Merkel ?

Il ne s'agit absolument pas de cela. Nicolas Sarkozy ou Angela Merkel ont à coeur, comme tous les chefs de gouvernement, l'importance du marché unique. Mais, chaque pays, dans des situations spécifiques concrètes, a du mal à vivre à fond les règles du marché unique. Il faut donc faire preuve de davantage de pédagogie politique. Il faut bien montrer que si l'Europe veut jouer un rôle important dans l'économie et dans le monde, elle ne peut pas se passer de cette construction.

Le marché intérieur de demain peut-il se passer d'une coordination fiscale ?

C'est une question essentielle. Nous devons rechercher une nouvelle conciliation entre le marché et le social. Dans beaucoup de nos Etats, le grand marché est vécu comme une contrainte insupportable qui empêche les Etats d'offrir du social à leurs citoyens. Il y a sûrement des exagérations. Pour ranimer le marché unique, il faut examiner avec un esprit ouvert de nouvelles façons de réconcilier le marché et le social. Dans le passé, je me suis occupé de coordination fiscale, c'est peut-être un des éléments que cette réflexion devra prendre en considération.

Y.-A.N.

Bruxelles veut sauver le marché intérieur

Le marché intérieur sort cabossé de la crise. José Manuel Barroso a donc demandé au meilleur mécanicien européen, l'ancien commissaire Mario Monti, de le réparer. « La récente crise a montré qu'il demeurait une forte tentation, particulièrement dans les moments difficiles, de revenir sur le marché intérieur pour trouver refuge dans des formes de nationalisme économique », regrette le président de la Commission européenne dans la lettre de mission adressée à l'Italien. « Super Mario », qui tire la sonnette d'alarme depuis des mois, voit même dans la perte de vue des principes du grand marché un risque de « désintégration » de l'Union. En clair, la volonté de Nicolas Sarkozy de conditionner des aides aux constructeurs automobiles à un rapatriement de leur production en France ou encore la gestion très nationale du sauvetage d'Opel par Angela Merkel, conduisent l'Europe droit dans le mur. Bruxelles répète à l'envi que les mesures qui règlent les problèmes d'un pays peuvent aggraver les problèmes de tous, surtout de ceux qui n'ont pas les moyens d'aider leurs secteurs en difficulté.

José Manuel Barroso a d'abord demandé à Jacques de Larosière de plancher sur une nouvelle supervision financière pour qu'une telle crise ne se reproduise pas. A présent, il confie à Mario Monti le soin de formuler des recommandations pour « relancer le marché intérieur », afin que de tels réflexes nationalistes ne se répètent pas non plus.

La Commission Barroso I a été vigoureusement critiquée pour son manque d'initiative ces dernières années pour renforcer le marché intérieur. « Il faut être pragmatique, et ne pas annoncer de projets qui seront refusés par les Etats membres », se justifiait le Portugais. Le fait que la mission de Mario Monti ait été préparée en catimini et qu'elle ait été annoncée à Strasbourg pour gagner le soutien des eurodéputés, laisse présager une Commission Barroso II plus audacieuse. En tous cas, Michel Barnier, qui vise le portefeuille du marché intérieur à Bruxelles, confiait à La Tribune « partager pleinement » l'analyse de Mario Monti.

Y.-A.N.

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