Entretien : un futur commissaire à l'Agriculture pro-régulation ?

Dacian Ciolos, le futur commissaire européen roumain, vise le portefeuille agricole au sein du prochain collège Barroso II. L'ancien ministre de l'Agriculture explique avoir une approche « équilibrée » vis-à-vis de la politique agricole commune (PAC), qui devra être « maintenue mais aussi adaptée ». « Il faut trouver des instruments de régulation tout en poussant les agriculteurs à devenir des entrepreneurs », estime cet ingénieur agronome de formation. « Je ne pense pas à revenir en arrière avec une fixation des prix et des volumes, mais il faudra des instruments de régulation du marché. On a laissé faire sur les services financiers et on a eu une grave crise. On court le même risque avec l'agroalimentaire en disant que le marché va tout faire. »

Dacian Ciolos reconnaît lui-même que son gouvernement « a fait un pari » en proposant son nom et en misant tout sur un seul poste à Bruxelles. Il est conscient que c'est José Manuel Barroso qui a toutes les cartes en main. D'autant que l'Irlande et l'Autriche seraient également en lice pour ce portefeuille. Le Roumain a une forte pression sur ses épaules car son pays avait été vexé d'avoir écopé du multilinguisme à son adhésion en 2007. « Un poste de gardien d'immeuble HLM ! », s'était indigné à l'époque un éditorialiste à Bucarest.

Dacian Ciolos, 40 ans, parle parfaitement notre langue. Il a complété ses études universitaires par des cursus à Rennes et à Montpellier et a passé de nombreux étés en Bretagne à faire des stages dans des exploitations agricoles bios. « La France est devenue pour moi un pays d'adoption », explique celui qui a épousé une Française, Valérie, et qui compte Michel Barnier parmi ses amis.

Dans sa campagne bruxelloise, il bénéficie de l'appui des pays du Sud de l'Europe, à commencer par la France qui a d'ores et déjà annoncé officiellement qu'elle soutenait sa candidature. Et les seules relations d'amitié entre Paris et Bucarest ne suffisent pas à expliquer cet appui. La France est parvenue à former le « G21 laitier », une alliance de vingt-et-un pays européens en faveur d'une nouvelle régulation. Mais si ce groupe de pays dispose de la majorité suffisante pour voter au Conseil, encore faut-il que la Commission, qui possède le droit d'initiative, mette sur la table des propositions allant dans leur sens. Et ce n'est pas dans les intentions de l'actuelle titulaire du portefeuille agricole, la danoise Mariann Fischer-Boel. Voilà pourquoi le profil du futur commissaire européen à l'Agriculture revêt une importance stratégique.

« Je ne serai pas le deuxième commissaire français !», prévient cependant Dacian Ciolos. Humble mais volontaire, il assure avoir « assez de personnalité pour avoir [son] point de vue ». Le traité de Lisbonne, s'il entre en vigueur, renforcera le rôle du Parlement européen sur les questions agricoles. « La Commission devra apprendre à se rapprocher plus de la base. Ainsi, on saura mieux discuter et négocier avec les parlementaires qui ont souvent une approche plus locale que les ministres ». Il y a certaines réticences à Bruxelles à confier l'un des plus gros postes budgétaires à la Roumanie, un pays gangrené par la corruption et réputé pour sa mauvaise gestion des fonds européens. « Les portefeuilles ne sont pas confiés à des pays mais à des hommes, et je ne peux pas être accusé d'appartenir à une classe politique corrompue », affirme celui qui n'est inscrit dans aucun parti politique.

Y.-A.N.

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