Jeux et paris : le feu couve sous la braise

  La réforme des monopoles des jeux et paris : voilà un dossier, qui a eu le don d'empoisonner les relations entre Paris et Bruxelles depuis des années et qui a peu de chance de refaire surface d'ici au milieu de l'été, au grand dam des opérateurs privés. Le projet de loi français sur les jeux d'argent en ligne, présenté en mars, attend en effet patiemment sur le bureau de la Commission européenne que la bourrasque politique des élections du 7 juin et du Conseil européen qui suivra soit passée. Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, dont la reconduction est entre les mains des chefs d'Etat européens, n'a aucune envie de se mettre en travers du chemin de Nicolas Sarkozy, ni même d'aucun des 9 autres pays avec lesquels la Commission européenne bataille depuis des années à ce sujet. Mais les déçus de la libéralisation l'attendent au tournant et comptent bien ressouffler sur les braises dès que possible.

Sous les coups de butoir répétés des opérateurs privés qui opèrent via internet, de la Commission et de la Cour de justice, la France a finalement consenti à réformer une législation qui datait de la fin du XIXème siècle. Elle n'était pas la seule à se retrouver à 90° du droit européen : 9 autres pays européens sont en bisbille avec Bruxelles sur ce sujet. C'est que les jeux et paris ne sont pas tout à fait une activité comme les autres. Il y va à la fois des deniers et de la moralité publique. C'est au moins l'argument longtemps avancé par les gouvernements pour maintenir les monopoles nationaux.

Les pays scandinaves, mais aussi la Grèce ou le Portugal, considèrent que l'ouverture française à la concurrence servira d'étalon dans pas mal d'autres pays européens. D'où l'intérêt de savoir comment il est reçu par la Commission européenne.

Problème: le calendrier politique exerce un puissant effet dissuasif sur cette dernière pour qui rien n'est plus urgent que d'attendre avant de lever ou de baisser le pouce.

Les déçus de la libéralisation n'ont toutefois pas attendu pour baisser le leur. Stanleybet, qui exploite un important réseau de bureaux de paris sportifs, notamment en Belgique, déplore le fait que l'ouverture française ne concerne que les jeux en ligne, tandis que le monopole des paris sportifs est maintenu au bénéfice du PMU et de la Française des Jeux pour les paris "en dur" (ceux pour lesquels on passe par un guichet matériel). En pratique, il ne pourra pas ouvrir ses bureaux en France.

Du côté des casinos français, tels que le groupe Gaston Barrière, l'humeur n'est guère meilleure. Ils vont se retrouver en concurrence frontale avec les opérateurs de poker en ligne qui, d'illégaux, vont pouvoir devenir légaux. Or les casinos (en dur) ont pris du retard dans le développement de services en ligne. Une source proche du dossier assure que les grands opérateurs "déposeront plainte contre la loi française devant la Commission européenne dès le jour où cette dernière donnerait son blanc-seing à Paris".

Les opérateurs en ligne, eux, pestent car ils n'ont pas obtenu gain de cause sur les taxes. "Cette loi est un encouragement à s'installer aux Antilles britanniques", persiffle l'un d'eux.

Bref! Les mécontents ne manquent pas qui espèrent se faire rendre justice par la Commission, laquelle ne veut surtout fâcher personne. Les Pays-Bas ont resserré la vis et font savoir à tout ce que le pays compte de radios, de TV et de journaux que passer une publicité pour un site de paris en ligne est passible de prison. L'Allemagne ignore les demandes de la Commission qui doute de la légalité de l'interdiction pure et simple des paris en ligne. La Grèce maintient son marché totalement fermé tout en envoyant le monopole national à la conquête des marchés voisins, notamment aux Chypriotes. Bruxelles ne pipe mot.

Dans ces conditions, on peut s'attendre à ce que l'énorme contentieux liés à ces affaires de jeux continue de gonfler démesurément. A ce jour, pas moins de 17 demandes de décisions de principe  (des questions préjudicielles, dans le jargon européen) sont pendantes devant la Cour. Une chose est sûre, le dossier des jeux et paris continuera à faire les choux gras des avocats d'un bord ou d'un autre pendant encore bien des années.

F.A.

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