Pierre Lellouche prépare une "nouvelle piste d'atterrissage" pour la Turquie

Le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Pierre Lellouche compte proposer dans les prochaines semaines « une nouvelle piste d'atterrissage » pour la Turquie. Alors qu'il fut autrefois l'un des rares défenseurs de l'adhésion d'Ankara, appelant à « ne pas fermer la porte à la Sublime Porte », l'ancien professeur de l'Université de Galatasaray reconnaît avoir « pris une claque » lors du Sommet de l'OTAN à Strasbourg en avril dernier. Il n'a pas digéré que le Premier ministre Erdogan « joue la rue musulmane » en s'opposant à la nomination du Danois Anders Fogh Rasmussen à la tête de l'Alliance pour avoir défendu les caricatures de Mahomet. C'est à ce moment-là qu'il a compris que « la Turquie ne serait jamais totalement européenne, précisément parce que c'est un pont entre nous et le monde musulman ». Le secrétaire d'Etat partage désormais pleinement la ligne de Nicolas Sarkozy et assure que « la Turquie membre à part entière, ça ne se produira pas. Et d'ailleurs, ajoute-t-il, il n'est pas sûr que les Turcs en aient autant envie que ça. Je vois mal leur patronat s'embêter avec nos règles de concurrence. » Il a donc chargé ses collaborateurs de réfléchir à une « structure d'ancrage taillée sur mesure, à la fois pour les besoins de la Turquie et de l'Europe ».

Pierre Lellouche sait se remettre en question et veut changer les choses. Maintenant que cet ancien éditorialiste du Point et de Newsweek est entré au gouvernement, « c'est fini le y'a qu'à, faut qu'on !» Il se définit comme « un doer », « qui arrive avec un regard neuf ». Ce bon vivant à la mèche rebelle, une montre de plongée au poignet, tranche avec le côté techno de ses prédécesseurs. Volontiers séducteur, son franc-parler peut aussi dérouter. Il n'a par exemple pas hésité à placer au cœur d'une visite officielle à Bucarest le problème des « bidonvilles démontables » des Roms en plein IXème arrondissement de Paris où il vit et dont il est élu. De même qu'il a désarçonné ses homologues islandais en qualifiant leur île, après avoir appris que leur dette était onze fois supérieure à leur PIB, de « véritable casino flottant ».

Son obsession : « Quand je me rase le matin, je pense d'abord aux 60% de Français et d'Allemands qui ne sont pas allés voter en juin dernier et j'y vois le premier défi de ma mission ». Pierre Lellouche n'éprouve aucun intérêt pour l'« euro-nombrilisme » auquel il attribue la responsabilité du désamour des Européens avec la machine communautaire. « Ratifions le traité de Lisbonne et finissons-en avec ce débat institutionnel que l'on traîne comme un boulet depuis quinze ans ». Il faut selon lui « rendre l'Europe de nouveau pertinente », et il veut commencer à travailler « sur le dur » : l'énergie, l'immigration et la sécurité. Spécialiste des questions de défense, il a été dès 1995 l'artisan du retour de la France dans l'Alliance atlantique. « Ce retour clarifie notre position vis-à-vis de nos partenaires : on ne pourra plus nous faire le mauvais procès de vouloir faire une défense européenne contre l'OTAN ! », a-t-il déclaré fin août devant la Conférence des Ambassadeurs. En matière de défense comme sur tous les autres sujets, il voit dans l'Europe un véritable « multiplicateur de puissance pour la France ».

Diplômé de Harvard et l'un des fondateurs de l'IFRI, il bluffe ses collaborateurs par sa vitesse d'assimilation des dossiers. « C'est terrible, confie-t-il, mon ministère c'est un petit Matignon ! Il faut traiter tous les dossiers et je n'ai pas la science infuse sur tous les sujets ». Peu à peu cependant, son champ d'action s'étoffe : après avoir été le représentant spécial de la France pour l'Afghanistan et le Pakistan, « un job ministériel sans le titre », le voici secrétaire d'Etat aux affaires européennes, un pied dans la porte du Quai d'Orsay.

Y.-A.N.

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