Naissance de la Françafrique

Un universitaire a présenté une communication, ébauche d'une thèse, où il met en exergue la manière dont certains agents des "services" se sont affranchis des ordres de Paris pour créer ce qui a été appelé la Françafrique.

Alors qu'Omar Bongo, président du Gabon symbole de la Françafrique, a été enterre en grande pompe le 16 juin, la veille dans une discrète salle du centre d'histoire de l'IEP de Paris, Jean-Pierre Bat, spécialiste du continent noir et enseignant à Paris I, donnait communication de son "Essai d'investigation sur les services de renseignement en Afrique (1960's-1970's)", dans le cadre du séminaire Métis consacré au renseignement dans les sociétés démocratiques et animé par Olivier Forcade, Philippe Hayez et Sébastien Laurent.

Le surtitre de sa communication, une citation d'un ancien du SDECE, résumait son propos : « nos activités qui concernent la sacro-sainte sécurité nous rendent précieux ». Il a agité le public où figuraient nombre d'anciens des services, dont l'Amiral Lacoste, qui fut le patron de la DGSE, quelques journalistes et des scientifiques.

Jean-Pierre Bat analysait justement le cas du Gabon et aussi celui du Tchad. Expliquant scientifiquement comment certains agents des "services" français, notamment un certain Camille Gourvennec, s'était affranchi du contrôle de Paris, du SDECE, l'ancêtre de la DGSE, et même de Foccart, l'homme des réseaux secrets de la France en Afrique sous les septennats de De Gaulle et, en partie, Pompidou. Ces hommes, les ancêtres des intermédiaires, ont acquis leurs influences dans un jeu complexe où les potentats africains, mis en place par Paris, imposaient en partie leur pouvoir sur les dirigeants de l'ancienne métropole.

Jean-Pierre Bat racontait ainsi la naissance de la Francafrique, mélange incestueux d'échanges de protection militaire et policière contre de la fourniture de matières premières, de commissions pour financer des constructions pharaoniques et de rétro-commissions pour payer les campagnes électorales, de trafics en tous genres et de tortures sur les opposants. La communication de Jean-Pierre Bat était une ébauche de sa thèse, fondée sur des archives secrètes et des entretiens avec des acteurs discrets de cette période. Cette thèse sera soutenue très prochainement.

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