« Réguler internet est un enjeu démocratique majeur pour l'Union européenne » (par Rachel-Flore Pardo, avocate, et Shani Benoualid, cofondatrice de #jesuislà)

Selon les deux signataires, nous ne sommes pas égaux face à la haine en ligne.
Rachel-Flore Pardo, avocate, et Shani Benoualid, cofondatrice de #jesuislà
Rachel-Flore Pardo, avocate, et Shani Benoualid, cofondatrice de #jesuislà (Crédits : © LTD / DR)

Notre usage d'Internet et des réseaux sociaux explose, et les cyberviolences aussi. Chaque publication peut déclencher un déferlement de haine. Cyberharcèlement, injures, menaces et, de plus en plus souvent aussi, diffusion d'images à caractère sexuel sans consentement, montages dégradants et deepfakes. Nous ne sommes pas égaux face aux violences en ligne. Une femme risque 27 fois plus qu'un homme d'être cyberharcelée 1, et 47% des femmes ayant déclaré un fait de cyberharcèlement disent avoir été visées en raison de leur genre, contre 18% des hommes 2. D'après le Haut Conseil à l'égalité, « le harcèlement sexiste et sexuel en ligne entraîne un bouleversement des comportements des femmes, qui s'organisent consciemment ou non pour le contourner ou l'éviter ». Ces stratégies d'évitement conduisent à une forme d'autocensure.

Lire aussi« Pour la fin de l'anonymat total sur les réseaux sociaux » (Paul Midy, député Renaissance)

Quatre-vingts ans après l'obtention du droit de vote pour les femmes, comment espérer qu'elles prennent toute leur place dans le débat public si on ne limite pas les violences en ligne qui les visent plus que les hommes ? Aux femmes s'ajoutent toutes celles et ceux dont l'origine, la religion, le handicap, l'apparence, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre est prétexte à la haine ou à la discrimination.

Réguler Internet est un enjeu démocratique majeur pour l'Union Européenne

Non, nous ne sommes pas égaux face à la haine en ligne. Les cyberviolences sont une menace pour nos démocraties en ce qu'elles excluent certaines et certains, plus que d'autres, de cet espace d'expression qu'est Internet. Pourtant, la liberté d'expression est un droit fondamental souvent utilisé pour défendre une certaine inaction face aux violences en ligne. Mais toutes les formes d'expression ne se valent pas. Cette liberté fondamentale connaît des limites. L'injure, la diffamation, le harcèlement, les menaces doivent s'y plier. Et surtout, liberté d'expression et lutte contre l'impunité sur Internet ne sont pas à opposer. C'est parce que nous voulons que chacune et chacun puisse s'y exprimer librement, dans les limites que nous nous sommes collectivement fixées, que nous tenons à ce que cet espace d'échange soit mieux régulé. Sinon, c'est la loi du plus fort. Et les plus vulnérables se taisent. Le procès des cyberharceleurs de Magali Berdah 3 a marqué un progrès notable dans la reconnaissance et la sanction de ces actes. Mais on peine encore à rivaliser avec l'ampleur et la rapidité de propagation de la haine en ligne. Si le projet de loi français visant à sécuriser et réguler l'espace numérique doit permettre des avancées, il convient de rappeler que cette bataille dépasse largement nos frontières nationales.

À la veille des élections européennes, il faut urgemment mieux réguler Internet pour ne pas laisser se perpétrer les violences numériques au détriment de la liberté d'expression des plus vulnérables. Il s'agit d'un enjeu démocratique majeur pour l'Union européenne. Ces élections doivent permettre de conforter, dans la lignée de la législation sur les services numériques (Digital Services Act), la place de la lutte contre la haine en ligne au cœur des priorités de l'Union européenne. Ce n'est qu'ainsi qu'on provoquera un véritable sursaut citoyen numérique européen. Face à un phénomène de haine, chacun peut jouer un rôle : ajouter à la haine, la laisser se répandre, ou, dans le meilleur des cas, y faire barrage.

1. Rapport du Lobby européen des femmes, 2017.

2. « The State of Online Harassment », Pew Research Center, 2021.

3. Rachel-Flore Pardo est l'une des avocates de Magali Berdah.

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Commentaires 8
à écrit le 22/04/2024 à 8:36
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Le pays est en retard, à la traine, face à la cybersécurité. Les cyberattaques d'administrations se multiplies, mais les petits citoyens aussi sont des victimes. Le déni patent des autorités et des informaticiens qui reste arriérés ! Même en librairi...

à écrit le 21/04/2024 à 16:21
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Sauf que ,n que cela soit en France ou en Allemagne , il n'y a plus de liberté d'expression ! il suffit de voir l'histoire avec la palestine, pour comprendre que l'on ne peut plus en parler! il faut laisser se faire le génocide, les autorités des d...

à écrit le 21/04/2024 à 15:24
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Internet est un outil magnifique pour peu qu'on sache l'utiliser avec intelligence, nul n'est obligé d'utiliser les divers réseaux sociaux, il y a eu un monde Internet sans eux et il n'y avait pas tous ces problèmes. Il y a un vieil adage disant: po...

le 22/04/2024 à 8:56
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Vrai et faux à la fois. Oui internet est une ressource utile à celui qui sait s'en servir modérément, intelligemment et qui sait faire la distinction entre un fake, un mensonge face à un vrai savoir. Mais notre société aime les badauds et les propaga...

à écrit le 21/04/2024 à 9:19
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Parlez de démocratie en censurant, c'est tout à fait le monde de demain ! ;-)

le 22/04/2024 à 8:44
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La base de nos lois en trois points ! L'introduction au droit en France en 3 notions (phrases). Là ou il y a un droit, il y a le risque d'un abus de droit. Le droit d'un citoyen s'arrête, là ou il porte atteinte à celui d'un autre citoyen ! Chaque...

le 22/04/2024 à 9:16
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L'un parle de Démocratie, l'autre parle de Droits et Devoirs pour faire évoluer la censure.

à écrit le 21/04/2024 à 8:51
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J'ai quand même du mal à comprendre, ne peut on pas censurer les commentaires ou bien les temporiser avant de lesp ublier ou non ? Ah un moment il serait quand même profitable aux français à tous les français de savoir que nous ne vivons pas au fabul...

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