Entreprises en difficulté : anticipez !

Les entreprises françaises ne sont pas tirées d'affaire. Conseils pour apprendre à anticiper. Par Philippe Hameau, avocat, Cabinet Norton Rose Fulbright LLP, spécialiste du droit des entreprises en difficulté.

Les statistiques le confirment, s'il en était encore besoin, les entreprises souffrent et les procédures collectives se multiplient de façon exponentielle. Pas une journée sans que la nouvelle d'une entreprise ayant déposé le bilan ne nous parvienne. Aux dirigeants confrontés aux difficultés financières de leur entreprise, il faut le dire et le redire : l'anticipation est la clef d'une restructuration réussie.

 

Des procédures salvatrices 

Le droit français des entreprises en difficulté met à la disposition des praticiens une boîte à outils bien remplie qu'est venue encore enrichir l'ordonnance du 12 mars 2014, entrée en vigueur le 1er juillet à la suite de la publication du décret d'application. Mandat ad hoc et conciliation offrent un cadre approprié à l'entreprise en difficulté pour négocier avec ses créanciers. Ces procédures, confidentielles, permettent de faire désigner par le Président du tribunal de commerce un mandataire ad hoc ou un conciliateur, le plus souvent administrateur judiciaire de profession qui va aider l'entreprise à négocier avec ses créanciers privés ou publics.

Si elles sont mises en œuvre suffisamment en amont des difficultés prévisibles de trésorerie, il est rare qu'un accord ne puisse être trouvé qui offrira un avenir à l'entreprise. Les raisons en sont simples. Si les négociations sont entamées suffisamment tôt et si - comme il se doit - elles se déroulent dans un climat de totale transparence, elles interviendront à un moment où l'entreprise n'est pas encore en défaut. Ainsi, les fournisseurs sont encore payés, les échéances de prêts remboursées et l'entreprise est à jour de ses cotisations fiscales et sociales. La confiance que ces différents acteurs ont dans l'entreprise ne sera donc pas émoussée.

 

Anticiper les impasses de trésorerie 

S'il n'est jamais simple d'annoncer à ses créanciers que, dans quelques mois ou semaines, l'entreprise ne pourra faire face à ses engagements, les créanciers préfèreront toujours négocier un réaménagement de la dette, voire procéder à des abandons de créances ou encore à un apport d'argent frais, plutôt que de contraindre l'entreprise à un état de cessation des paiements et à l'ouverture d'une procédure collective qui sera destructrice de valeur pour tous.

Cette anticipation nécessite bien entendu que l'entreprise se dote des outils appropriés et, en particulier, d'une comptabilité prévisionnelle qui lui permettra d'anticiper d'éventuelles impasses de trésorerie. Une telle comptabilité permet notamment de constater que le chiffre d'affaires réalisé va être en deçà du budget dans des proportions qui menacent, à terme, la trésorerie de l'entreprise.

 

Un intérêt personnel pour l'entrepreneur 

Conscient de l'intérêt que représentent ces procédures amiables, le gouvernement a, dans l'ordonnance du 12 mars 2014, encore renforcé leur attractivité. Ainsi, les clauses stipulées dans les contrats qui auraient pour objet d'aggraver la situation de l'entreprise qui aurait recours à une telle procédure (déchéance du terme des crédits notamment) sont désormais réputées non écrites, ce qui signifie que le créancier ne peut plus s'en prévaloir. La rémunération des mandataires ad hoc et des conciliateurs est également mieux encadrée et il est fait interdiction aux créanciers de faire supporter à l'entreprise les frais de conseils supportés à l'occasion de ces procédures.

Enfin, pour un dirigeant souvent contraint de garantir sur son propre patrimoine certaines dettes de son entreprise, l'intérêt d'ouvrir une telle procédure devient également personnel. En effet, la personne qui garantit (caution, garant à première demande) les dettes de l'entreprise qui font l'objet d'une accord de conciliation bénéficiera dudit accord (remises de dettes et délais consentis par les créanciers).

 

Des procédures lourdes de conséquences

Si ces procédures amiables ne sont pas mises en œuvre, ou si elle n'aboutissent pas - ce qui une fois encore est assez rare - il y aura lieu d'envisager alors d'autres types de procédures dites collectives : sauvegarde (sous ces différentes facettes), redressement judiciaire, voire liquidation judiciaire. Ces procédures sont publiques et sont lourdes de conséquences pour l'entreprise et les différents acteurs impliqués.On retiendra de la récente réforme qu'elle tend, grâce aux procédures évoquées plus haut, à renforcer le pouvoir des créanciers au détriment, en particulier, des actionnaires de l'entreprises en difficulté.

Il faut encore mentionner que la réforme instaure un « rétablissement personnel » qui permet, sous certaines conditions, à un entrepreneur individuel de voir ces dettes professionnelles effacées et d'éviter la liquidation judiciaire. Dirigeants n'hésitez pas, en cas de difficultés prévisibles, à rencontrer le Président du tribunal de commerce dont votre entreprise dépend. Il accueillera toujours avec bienveillance la requête d'un dirigeant en difficulté. Anticipez !

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Commentaires 6
à écrit le 23/07/2014 à 9:45
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Bien sûr qu'il faut anticiper, mais le problème n°1 reste les énormes charges et impôts imposés par l'état et les syndicats !

à écrit le 22/07/2014 à 15:10
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Il faut souligner qu'il existe une assurance qui prend en charge le coût des procédures de mandat ad hoc et de conciliation : frais d'expert-comptable, de mandataire ad hoc, de conciliateur etc.... Le coût n'excède pas 500 € / an selon la taille de l...

à écrit le 22/07/2014 à 9:01
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On entend souvent les syndicats non représentatifs, donc français, critiquer les entreprises qui débauchent alors qu'elles sont bénéficiaires. Ces entreprises sont pourtant plus " responsables" que celles qui attendent la catastrophe.

à écrit le 22/07/2014 à 0:04
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1 entreprise sur 4 dépose le bilan à cause d'un impayé client. La première chose à faire est de se faire payer les créances de nos clients avant de quémander aux fournisseurs. Agissez pour vous faire payer et ne soyez plus des banquiers !

à écrit le 21/07/2014 à 19:52
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Le tribunal de commerce, je connais. Trop d'acteurs s'enrichissent sur le dos des entrepreneurs car le système n'a pas été réformé. Alors quand vous en sortez il ne vous reste rien.

à écrit le 21/07/2014 à 18:29
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La marche forcée de l Europe en ruine!!!!!cela fait plaisir a voir le désastre !!!mais personne fait rien !!!on reste a attendre que le Saint se manifeste on a élu un roi fainéant qui tient bien son rôle!!!!!

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