Netflix, nouveau symbole de la fiscalité dans les nuages

Le géant américain de la vidéo par abonnement arrive en France, mais s'est d’installé au Luxembourg, puis bientôt aux Pays-Bas, pour mener ses opérations en Europe. Certains y voient une manœuvre d'évasion fiscale ou a minima une concurrence déloyale. La Ministre de la Culture parle quant à elle de « choix fiscaux rationnels ». Qu'en est-il réellement? Par Cyril Maucour, avocat associé et Medhi Battikh, avocat, département fiscal du cabinet Ravet & Associés.

A l'heure où Alibaba Group, le géant chinois du commerce électronique, entre en bourse, et où Apple lance le paiement en ligne par empreinte digitale, un autre géant de l'économie numérique fait parler de lui : Netflix. Le leader de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) renforce son implantation en Europe et arrive en France. Rien de très novateur puisque des groupes français proposent déjà des offres équivalentes. On pense notamment au groupe Canal Plus et son service CanalPlay, ou encore à VidéoFutur avec LA BOX produite par le groupe Netgem.

Un siège social bientôt aux Pays Bas

En réalité si Netflix déchaine les passions au sein de la classe politique et économique, c'est surtout en raison de l'implantation de son siège européen. Actuellement installé au Luxembourg, ce siège devrait déménager aux Pays-Bas en janvier 2015. Deux pays très prisés en matière d'économie numérique, au même titre que l'Irlande. La raison est que ces Etats, tous membres de l'Union Européenne, proposent des régimes fiscaux avantageux pour leurs contribuables, notamment les entreprises Internet. Ces dernières ont répondu présent pour structurer leurs opérations européennes, comme par exemple Google, Amazon, Apple, Microsoft, Facebook, et donc Netflix.

Appréhender les enjeux du numérique en matière fiscale

La dématérialisation des produits et services permet à ces entreprises de réaliser l'essentiel de leur activité dans un Etat différent de ceux où résident leurs clients. Telle est la magie du Cloud Computing (« informatique dans le nuage »). Rien n'empêche donc Netflix de proposer ses services en France tout en localisant ses serveurs ainsi que ses fonctions essentielles (management, commercial, éditorial etc.) aux Pays-Bas. Dès lors que ce sont ces éléments qui créent la valeur, les profits réalisés sur les ventes en France seront imposés aux Pays-Bas.

Selon la nouvelle Ministre de la Culture,  Fleur Pellerin, interrogée à ce sujet sur France Inter, « c'est une situation qui ne doit pas se régler en vilipendant les sociétés qui font ce choix, puisque c'est un choix de rationalité économique ». Elle précise cependant que cela « crée des conditions de concurrence qui ne sont pas tout à fait équitables avec ceux qui sont installés en France ».

L'un des grands défis des Etats pour les années à venir sera de mettre en place des politiques fiscales capables d'appréhender les enjeux du numérique pour assurer une concurrence saine entre les acteurs économiques. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont l'influence est capitale en matière de fiscalité internationale, a publié un document de travail sur ce sujet en mars 2014 dans le cadre de son plan d'action concernant l'érosion de la base fiscale (BEPS).

Les options actuellement envisagées par l'OCDE

L'idée générale est corriger ce que certains observateurs considèrent comme une anomalie dans les conventions fiscales internationales. Aujourd'hui la localisation des clients n'est pas prise en compte dans le cadre de l'imposition des profits d'une société. Cela est particulièrement problématique en ce qui concerne les sociétés Internet qui n'ont pas besoin d'être proches de leurs clients pour effectuer leurs ventes. Selon de nombreux Etats, la possibilité de prélever de l'impôt sur ces ventes serait justifiée par la présence d'une demande locale dont l'existence est en partie due aux investissements publics (qualité des infrastructures, minimum salarial, assurance chômage etc.)

Imposer une société dans le pays où les ventes sont réalisées

Plusieurs options sont évoquées par l'OCDE. La première concerne la notion d'établissement stable, qui permet d'imposer une société dans l'État où les ventes sont réalisées et non dans celui où le siège social est implanté. L'OCDE propose ainsi de constater un établissement stable en cas de présence numérique significative dans un Etat pour les entreprises dont l'activité est entièrement dématérialisée. La notion d'établissement stable virtuel est également envisagée en prenant en compte la localisation des serveurs, mais aussi celle des clients. Dans un autre registre, l'OCDE suggère la création d'une retenue à la source spécifique au commerce électronique.

Nous en sommes au stade des premières discussions et les solutions concrètes mettront du temps avant de voir le jour, comme pour toutes les mesures qui nécessitent une concertation internationale. Le CNC (Centre National du Cinéma) aura été plus rapide pour réagir puisqu'il a récemment annoncé que la taxe de 2% prélevée sur le chiffre d'affaires des fournisseurs de VOD et SVOD sera étendue dès 2015 aux opérateurs qui réalisent leurs ventes depuis l'étranger. A défaut de payer des impôts en France, Netflix participera donc au financement de la création française. La suite au prochain épisode...

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Commentaires 4
à écrit le 18/09/2014 à 22:58
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Et la TVA?

à écrit le 18/09/2014 à 16:59
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En France, tout es question de fiscalite ! au diable laissez l'economie faire son chemin.

à écrit le 17/09/2014 à 22:01
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Ils ont raison du moment que l'on paie moins cher l'abonnement, le reste on s'en tape.

le 02/01/2015 à 18:52
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Bravo! Vous avez une vision de l'économie d'une simplicité a faire pleurer. Serez-vous également parmi les premiers a se plaindre lorsque vous ne trouverez plus de programmes intéressants?

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