Airbnb n'est pas un agent immobilier mais Uber est une société de transport...cherchez l'erreur !

IDÉE. Les entreprises basées sur des plateformes numériques ne sont pas toutes logées à la même enseigne, selon la justice. Ce qui ne va pas sans quelques contradictions. Par Charles Cuvelliez, Université de Bruxelles.
(Crédits : Reuters)

Comprenne qui pourra: l'avocat général de la Cour européenne de Justice, quasi tout le temps suivi par la Cour, considère qu'Airbnb n'est qu'une plateforme électronique de mise en relation de propriétaires et de locataires, sans pouvoir être qualifié d'agent immobilier au sens de la loi Hoguet de 1970. Pourtant, récemment, dans le cadre d'une affaire antérieure, qui concernait Uber, c'est tout l'inverse que le même avocat général a mis en avant. Uber est une société de transport avec toutes les obligations qui lui incombent, bien plus qu'une plateforme électronique de la société de l'information. L'avocat général, dans son avis, assume d'ailleurs cette contradiction et s'en explique.

Les enjeux ne sont pas négligeables: la directive e-commerce ne permet pas de réguler fortement ni facilement les activités des entreprises qui tombent dans la catégorie des services de la société de l'information. Pour Airbnb, dans ce cas, la législation relative à l'immobilier ou toute autre mesure visant à cadrer Airbnb en France ne pourrait éventuellement s'appliquer qu'en cas de risque sérieux et d'atteinte à l'ordre public, à la protection de la santé publique, à la sécurité publique ou à la protection des consommateurs, investisseurs compris d'ailleurs. Par ordre public, il faut comprendre la prévention, les investigations, la détection et les poursuites en matière pénale, la protection des mineurs et la lutte contre l'incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité et la lutte contre les atteintes à la dignité de la personne humaine.

Appliquer des mesures ou une législation spéciale et locale à un service de la société de l'information n'est possible alors qu'au cas par cas. Il faut les notifier à l'avance à la Commission européenne vu l'entrave que de telles mesures présentent à la libre circulation des services de la société de l'information. La Commission peut ensuite interdire à l'Etat membre de prendre de telles mesures. Sans notification, elles sont considérées comme nulles et non avenues. Airbnb est basé en Irlande et, donc, d'après la directive e-commerce, d'Irlande, elle doit pouvoir offrir ses services sans restriction dans toute l'Union Européenne.

Société de l'information

Comment en est-on arrivé là et surtout avec quelle logique. A l'origine, il y a une question préjudicielle posée par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris (France) suite à une plainte déposée par des associations professionnelles hôtelières (dont l'Association pour un hébergement et un tourisme professionnel) contre Airbnb.

Pour être plus qu'un service de la société de l'information, ce que Airbnb semble être en mettant en contact propriétaires et locataires qui après s'arrangent entre eux, le service fourni doit aller plus loin. Mais qu'est un service de la société de l'information ? Il s'agit d'un service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services. Par distance, il faut comprendre que les parties ne doivent pas être simultanément présentes. Par voie électronique, il faut entendre un service envoyé et reçu au moyen d'équipements électroniques de traitement et qui est entièrement transmis de la même manière. Et « à la demande individuelle d'un destinataire » signifie que le service est sollicité par une personne.

Ce que Airbnb fait vraiment

Pour l'avocat général, Airbnb a mis en place un système où les loueurs et les locataires se laissent une appréciation mutuelle, entre zéro et cinq étoiles. C'est vrai qu'Airbnb peut procéder à la suspension temporaire de l'annonce, à l'annulation d'une réservation, voire à l'interdiction de l'accès au site suite à une mauvaise notation. Airbnb propose même des services en propre comme une assurance responsabilité civile, une garantie pour les dommages. Par contre, Airbnb ne rencontre pas physiquement ni les loueurs ni les locataires. Le loueur n'est pas obligé de s'adresser en personne à Airbnb pour publier son lieu d'hébergement. Le marché locatif à courte durée, même via Internet, existait avant Airbnb : on trouve régulièrement des sites Internet conçus par les propriétaires pour mettre en avant leur bien locatif ou leur résidence secondaire. C'est là que la différence avec Uber pointe. Sans l'application fournie par Uber, le service de transport à la demande, assuré par des chauffeurs non professionnels (il s'agit en fait d'Uber POP), n'aurait pas pu exister. Sans cette application, en effet, un chauffeur non professionnel n'aurait pas pu se lancer seul et n'aurait pas été en mesure d'assurer la rencontre entre son offre et la demande.

Pour l'avocat général, Airbnb, contrairement à Uber, n'exerce pas de ce fait d'influence décisive sur les conditions de la prestation de service, en particulier sur sa composante matérielle. Ce n'est que dans ce cas que le service serait bien plus qu'un service de la société de l'information. C'est tout le contraire pour Uber (et pour son malheur). C'est Uber qui fixe le prix maximum de la course, qui collecte ce prix auprès du client, qui en reverse une partie au chauffeur. Uber est très impliqué dans la composante matérielle du service puisqu'il exerce aussi un certain contrôle sur la qualité des véhicules, les chauffeurs et leur comportement. Rien de tout cela n'est fait par Airbnb à l'encontre du propriétaire, du bien mis en location etc. Airbnb ne contrôle même pas les prix de la location qui se jouent entre propriétaire et locataire. Les loueurs utilisant la plateforme d'Airbnb ne sont pas découragés de fixer le prix eux-mêmes, le seul facteur pouvant le faire tient à la logique de l'offre et de la demande, explique l'avocat général.

Quand la plateforme ne se contente pas d'être un e-plate-forme et se mêle de la composante matérielle du service sous-jacent, c'est cette dernière l'emporte. C'est alors que les législations et autres mesures qui s'y rapportent peuvent s'appliquer localement dans chaque Etat membre.

Cet avis de l'avocat général s'il est confirmé par la Cour européenne de Justice aura, à n'en pas douter, une influence sur le monde des plateformes actuelles mais surtout à venir. On pourra mieux ajuster le business model selon qu'on veut ou non être plus libre d'obligations locales ?

Pour en savoir plus :

Conclusions de l'avocat général M. MACIEJ SZPUNAR présentées le 30 avril 2019, Affaire C‑390/18 en présence de YA, AIRBNB Ireland UC, Hotelière Turenne SAS, Association pour un hébergement et un tourisme professionnel (AHTOP), Valhotel.

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Commentaires 6
à écrit le 11/05/2019 à 11:38
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Bonjour, personnellement j’en ai ras le bol de ma « voisine » qui de sa résidence secondaire, l’a transformée en auberge espagnole pour être poli, ou résidence hôtelière, plus de 120jours par an. Airbnb c’est désastreux pour l’économie Locale, par ex...

le 13/05/2019 à 15:19
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Monsieur Je comprends votre exaspération et la partage. Cependant, vous ne devriez pas mettre tout le monde dans le même panier. Il y a des loueurs, certes peu nombreux, qui agissent en respectant les règles et les gens. Ils pâtissent eux aussi de l...

à écrit le 11/05/2019 à 11:36
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Bonjour, personnellement j’en ai ras le bol de ma « voisine » qui de sa résidence secondaire, l’a transformée en auberge espagnole pour être poli, ou résidence hôtelière, plus de 120jours par an. Airbnb c’est désastreux pour l’économie Locale, par ex...

à écrit le 10/05/2019 à 13:36
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Facile, airb'nb doit bien plus gêner la finance, qui adore s'acharner sur l'immobilier il faut bien le dire, que UBER. D'autant que UBER a l’avantage en plus pour la finance de soumettre encore plus l'humain et de le dévaloriser et donc l'esclava...

le 10/05/2019 à 16:24
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C'est tellement facile que vous ne prenez pas le temps de lire l'article (qui explique que, à l'inverse de votre affligeant commentaire, Airbnb se trouve plutôt mieux considéré et plus à l'abri des "acharnements") Citoyen blasé, vous êtes blasant...

le 10/05/2019 à 17:31
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@ multipseudos: Du coup c'est plus logique venant de la justice en effet, je ne comprenais pas après coup ! :D Ok ok méa culpa ! Mais essayez de lire, écrire et penser vite mon gars et tu vas voir que c'est pas simple ! J'ai pas tout mon t...

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