Au-delà des institutions, changer de manière de gouverner

Les candidats à la présidentielle évoquent souvent un changement des institutions. Mais ce qu'attendent surtout les électeurs, c'est un changement dans le mode de gouvernement. Par Steven Zunz, Président de Domaines Publics

Le constat n'est guère nouveau, la France est touchée par une grande fatigue démocratique. Celle-ci n'est pas circonscrite à notre pays et s'explique en partie par les crises à répétition, économiques, sécuritaires, qui frappent le continent européen et le monde en général. La tendance n'en demeure pas moins inquiétante. Très récemment, un article du journal Le Monde révélait qu'un tiers des Français étaient enclins à essayer un système politique alternatif à la démocratie, et que près d'un cinquième d'entre eux verraient d'un bon œil l'expérimentation d'un régime autoritaire. Comme si les expériences des siècles passées ne suffisaient à les disqualifier. Cette crise de confiance n'a pas que des conséquences politiques ; elle mine le moral des Français et pénalise la reprise économique.

 Réformer les institutions?

Il n'est donc pas surprenant que la réforme des institutions figure en bonne place dans les programmes des candidats à l'élection présidentielle. A droite comme à gauche, tous rivalisent d'idées pour rapprocher le citoyen de ses représentants et mettre fin aux insuffisances de la démocratie française. François Fillon, désormais candidat des Républicains n'a pas été le plus créatif dans ce domaine, contrairement à ses concurrents. Nathalie Kosciusko-Morizet,  a proposé la suppression du Conseil économique social et environnemental et son remplacement par une Chambre des Citoyens fonctionnant comme une plate-forme en ligne.

Celle-ci devait permettre à chaque citoyen de soumettre une proposition de loi qui, dès lors qu'elle aurait recueilli la signature de 500 000 électeurs, aurait été débattue au Parlement. A gauche, Arnaud Montebourg propose de réformer le Sénat, en commençant par réduire le nombre de ses membres à 200. La moitié serait tirée au sort. Ce Sénat populaire assumerait une fonction de contrôle de l'argent public. Benoît Hamon avance l'idée d'un référendum révocatoire qui permettrait de destituer le Président de la République.

 Un manque d'écoute et de respect

 Ces suggestions sont bienvenues. Les bouleversements économiques, sociaux et technologiques méritent que l'on s'interroge sur le devenir de nos modes traditionnels de représentation et de délégation. Il existe un réel besoin de participation démocratique. Mais est-ce réellement cela que les citoyens réclament en priorité ? Ils semblent plutôt attendre un pouvoir intègre et digne de confiance. Ce n'est pas tant la complexité de la procédure législative ou le mode de scrutin pour l'élection du Sénat qui les rebute, que la sensation de ne pas être écoutés et respectés par la classe politique. Comment renouer le lien brisé entre gouvernés et gouvernants ?

 Un gouvernement démocratique?

 En 2015, le politologue Pierre Rosanvallon publiait l'ouvrage Le Bon Gouvernement. Observateur avisé et critique des institutions politiques français, il plaide depuis longtemps pour des réformes mettant fin à l'hyper-présidentialisme français. Dans cet ouvrage, il laisse cependant de côté les institutions pour se concentrer sur la méthode de gouvernement. Il dresse le constat suivant : « Nos régimes sont dits démocratiques parce qu'ils sont consacrés par les urnes. Mais nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement, car l'action des gouvernements n'obéit pas à des règles de transparence, d'exercice de la responsabilité, de réactivité ou d'écoute des citoyens clairement établies. D'où la spécificité du désarroi et de la colère de nos contemporains. »

 Crédibilité et confiance

 Crédibilité et confiance sont les maîtres mots qui doivent guider l'action du monde politique. La confiance passe bien-sûr par des règles drastiques dans les domaines de la prévention des conflits d'intérêts et de la lutte contre la corruption. La crédibilité repose sur des promesses réalistes, à propos desquelles les citoyens peuvent demander des comptes, ce que la sagesse populaire résume par la formule : « Dire ce que l'on fait et faire ce que l'on dit ».

Plus largement, plutôt que de fustiger les corps intermédiaires ou de promettre une révolution dans leurs cents premiers jours de mandat, les hommes politiques feraient  mieux d'expliquer leurs réformes et d'assumer le fait que gouverner est un exercice fastidieux, qui nécessite des compromis. De la même manière, écouter l'opinion publique et la prendre en compte ne devraient pas forcément être vus comme un signe de faiblesse. Au-delà des institutions, c'est avant tout dans les discours et dans les actes que les citoyens attendent un véritable renouveau démocratique.

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Commentaires 4
à écrit le 19/12/2016 à 15:34
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Aujourd'hui il est tendance de s'en prendre à nos élites ce qui permet de ne pas voir que les blocages de notre société sont en grande partie dus au verrouillage des corporatismes qui bloquent toute évolution de peur d'y perdre leurs pouvoirs ...le...

à écrit le 19/12/2016 à 15:33
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Aujourd'hui il est tendance de s'en prendre à nos élites ce qui permet de ne pas voir que les blocages de notre société sont en grande partie dus au verrouillage des corporatismes qui bloquent toute évolution de peur d'y perdre leurs pouvoirs ...le...

à écrit le 19/12/2016 à 12:36
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On sent derrière tout désirs de changement dans la manière de gouverner, ce doigt de Dieu qui se nomme Commission Européenne qui distribue ses recommandations, ses directives, ses reformes et sanctions, mais, pas la volonté réelle d'un peuple que l'o...

à écrit le 19/12/2016 à 12:23
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Merci de nous faire partage cette bonne analyse. "Ils semblent plutôt attendre un pouvoir intègre et digne de confiance" Voilà, on attend un pouvoir qui gouvernera pour le peuple français et non pour les 2000 français les plus riches de ce pa...

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