« Cash-stuffing » : pourquoi les millennials préfèrent l'argent liquide face à l'inflation

OPINION. Dans un contexte de forte inflation qui n'épargne personne, chacun tente de trouver une solution pour préserver son pouvoir d'achat. Contre toute attente, les jeunes montrent l'exemple avec une pratique de plus en plus plébiscitée pour maîtriser ses dépenses : le cash stuffing. Par Michel Tresch, président de Loomis France.
(Crédits : Thibaut Durand / Hans Lucas via Reuters Connect)

Après les périodes confinements qui avaient déjà bouleversé les habitudes de consommation, c'est à présent la crise inflationniste qui frappe le portefeuille des Français, notamment sur l'énergie et l'alimentation.

L'inflation des prix à la consommation a atteint 6,2 % en France en février et, à la caisse des supermarchés, les prix de l'alimentaire ont explosé à un niveau rarement atteint de 16,3 % en un an, selon les derniers chiffres de l'institut Circana. Or, si les salaires ne sont pas indexés sur la hausse des prix, l'inflation entraîne toujours une baisse du pouvoir d'achat qui pèse surtout en bas de l'échelle salariale.

Une situation économique difficile à laquelle chacun doit faire face au quotidien en modifiant ses usages pour mieux maîtriser ses dépenses et son budget.

Les tendances se suivent et ne se ressemblent pas

Une étude réalisée par L'Observatoire de la sécurité des moyens de paiements pour la Banque de France au premier semestre 2021 indiquait que le paiement par carte sans contact représentait alors 57 % du nombre de transactions en situation de proximité, contre 46 % en 2020. Une tendance encore plus forte chez les 18-24 ans dont 78% des personnes interrogées souhaitaient que leur carte bancaire devienne leur moyen de paiement par défaut, pour privilégier la simplicité et la rapidité dans l'acte d'achat.

Une tendance d'autant plus logique dans le contexte des confinements, où la fermeture des magasins a, de fait, favorisé les moyens de paiement digitaux. Et heureusement que les moyens de paiement dématérialisés existent, car, sans eux, ces périodes de confinement auraient été encore plus problématiques pour les consommateurs.

Aujourd'hui pourtant, on peut observer une tendance quasi inverse en train de se développer. Cette tendance est d'autant plus intéressante qu'elle vient des jeunes. Et elle est loin d'être anecdotique, puisqu'elle comptabilise plus de 730 millions de vues sur Tik Tok, sous le hashtag « cash stuffing ». De quoi s'agit-il ?

Depuis quelques années, certains pays préparaient même la disparition du cash. La Suède notamment avait fait ce pari pour finalement se raviser en 2020, forcée d'adopter une loi obligeant les banques à assurer l'approvisionnement d'un niveau suffisant de services pour obtenir de l'argent liquide.

La leçon de gestion des dépenses des millennials

Plus que les autres moyens de paiement, les espèces permettent de savoir très concrètement combien l'on dépense et de ne pas dépasser ses limites. Si les aînés ont parfois du mal à parler d'argent, les 18-35 ans entretiennent un rapport plus décomplexé avec leurs finances. Leur niveau de vie s'est dégradé ces derniers mois et nombreux ont trouvé le moyen de mieux prendre en mains leur budget et faire face à la flambée des prix, en se tournant vers une méthode que l'on pourrait qualifier de « retour aux sources » : le cash stuffing.

Venue des Etas-Unis, cette pratique consiste à se « débarrasser » de sa carte bancaire pour gérer son argent en liquide. Elle aide à ne pas dépenser plus que ce que l'on gagne. Il s'agit plus précisément d'un système d'enveloppes dans lesquelles sont dispatchés, par postes de dépense, des billets bien palpables. Très appréciée des jeunes, cette façon de matérialiser et maîtriser ce qui entre et ce qui sort, diminue d'autant leur inquiétude face à d'éventuelles difficultés financières.

 On maîtrise mieux ce que l'on voit

En effet, des chercheurs spécialisés en psychologie, Priya Raghubir et Joydeep Srivastava, expliquent que l'être humain aurait tendance à dépenser plus avec une carte bancaire, mode de paiement qui atténue même « the pain of paying », soit la douleur de payer...

Ainsi, si les charges fixes continuent d'être réglées par virement ou prélèvement bancaire, le reste des dépenses est maitrisé grâce à cette pratique de cash stuffing qui permet de compter de manière concrète l'argent dont on dispose jusqu'au prochain salaire.

Il devient alors évident que dépenser l'argent que l'on voit sous forme de billets permet de ne dépenser que ce que l'on possède dans notre poche et par là même d'éviter les découverts, mais aussi d'économiser.

Garder le choix pour garder la maîtrise

En soi, cette pratique du cash stuffing n'est pas nouvelle. Ce qui l'est en revanche, c'est qu'elle soit adoptée massivement par les générations « digital native ». Qu'est-ce que cela nous dit ?

Cela nous dit que, si les usages évoluent, la diversité des moyens de paiement et le choix laissé à tout un chacun sont essentiels, car c'est ce qui permet de répondre aux différents besoins, contextes et situations, ainsi qu'aux aléas techniques et économiques qui peuvent survenir.

Disposer d'offres de paiement diversifiées demeure indispensable, comme nous le montre étonnamment la jeune génération qui, dans un contexte inflationniste contraignant, fait preuve d'agilité et de pragmatisme en choisissant de se tourner vers une solution « sans carte bancaire » pour mieux maitriser son budget.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 13/04/2023 à 13:13
Signaler
Bien ils découvrent que quand y a plus rien dans la poche c'est qu'il ft arreter de dépenser..ils deviennent raisonnables

à écrit le 13/04/2023 à 13:11
Signaler
Pourtant, il suffit d'avoir un compte en banque avec découvert interdit, si le compte est à zéro, la CB ne fonctionne plus, c'est aussi simple que ça pour pas être endetté

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.