Dans une entreprise, des employés satisfaits rendent aussi les investisseurs heureux

ANALYSE. Une étude récente montre qu’un portefeuille orienté dans les entreprises réputées pour la satisfaction de leurs équipes enregistre une performance supérieure de 2 à 2,7 % par an. Par Hamid Boustanifar, EDHEC Business School et Young Dae Kang, EDHEC Business School.
(Crédits : Reuters)

Le volume des actifs sous gestion qui intègrent un élément d'investissement socialement responsable (ISR) a connu une croissance exponentielle au cours de la dernière décennie, dépassant aujourd'hui 35 000 milliards de dollars, soit environ 40 % de tous les actifs gérés professionnellement.

Ces investissements sont motivés par des stratégies qui prennent en compte au moins une dimension liée aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la sélection du portefeuille. La question de savoir si ces stratégies d'investissement sont plus performantes que les autres reste une source de débat entre les universitaires et les praticiens.

Dans notre récente recherche, publiée dans le Financial Analysts Journal, nous nous concentrons sur un aspect de la responsabilité sociale des entreprises : la satisfaction des employés. En utilisant quatre décennies de données, de 1984 à 2020, nous constatons qu'un portefeuille orienté vers les entreprises dont la satisfaction des employés est la plus élevée surperforme de 2 à 2,7 % par an par rapport à un portefeuille moyen.

Une prime de satisfaction ?

C'est ce que montre la figure ci-dessous, qui compare la performance d'un investissement initial de 1 000 dollars dans un portefeuille de référence par rapport à un autre orienté dans des entreprises des employés les plus satisfaits.

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Pour construire ce dernier portefeuille, nous avons utilisé la liste des « 100 meilleures entreprises pour lesquelles travailler » établie par le Great Place to Work Institute, parmi lesquels figurent par exemple Hilton, Cisco, Dropbox ou encore Delta Air.

Nous constatons en outre que cette surperformance s'observe pendant la plupart des périodes, mais qu'elle est la plus élevée pendant les périodes économiques difficiles, comme la crise financière.

Ces résultats sont cohérents avec l'idée que la satisfaction des employés reste sous-évaluée par le marché boursier, bien qu'ils soient bénéfiques pour l'entreprise et ses actionnaires - en particulier dans les périodes de crise. En effet, rendre les employés heureux implique des politiques coûteuses à court terme mais rentables à long terme, ce qui n'est pas forcément l'horizon des investisseurs.

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Les prix sur le marché boursier n'intègrent donc pas pleinement ces avantages à horizon plus long. Cependant, nos résultats montrent bien qu'investir dans des sociétés dotées d'une excellente culture d'entreprise permet d'obtenir un rendement nettement supérieur lorsque les avantages finissent pas se concrétiser.

Le « E » et le « G » plus que le « S »

Compte tenu de la surperformance significative des entreprises dont la satisfaction des employés est élevée, les fonds pourraient ainsi exploiter davantage cette information. Il existe d'ailleurs au moins un fonds de ce type. Le fondateur de l'un des premiers fonds socialement responsables, Jerome Dodson, avait lancé en 2005 le Parnassus Workplace Fund (devenu ensuite le Parnassus Endeavor Fund), dont les principaux critères d'investissement sont les facteurs de qualité du lieu de travail. Selon Morningstar, la performance du fonds est classée, depuis son lancement, parmi les meilleures de tous les fonds de croissance à grande capitalisation.

Dans une interview de 2013, Dodson explique la raison de la grande différence de performance de son fonds autour de la crise financière, par rapport au marché :

« Lorsque vous avez une satisfaction sur le lieu de travail, les employés sont prêts à faire plus d'efforts pendant les périodes difficiles. Je pense que chaque organisation a ses hauts et ses bas, mais les bas ne sont pas aussi prononcés parce que tout le monde se serre les coudes pour essayer de traverser la crise. Et, bien sûr, cette performance constamment plus engagée se révèle inévitablement dans les résultats de l'entreprise. »

Nos résultats apparaissent cohérents avec ces idées. Cependant, une question importante reste sans réponse : pourquoi la surperformance de cet investissement socialement responsable basé sur la satisfaction des employés persiste-t-elle dans le temps ? L'une des raisons pourrait être que la plupart des fonds et des investisseurs se sont concentrés sur un filtrage d'exclusion/négatif (par exemple, l'exclusion des compagnies pétrolières) plutôt qu'un filtrage positif ou meilleur de la catégorie.

Prendre en compte les facteurs qualitatifs

Une autre raison pourrait être que les fonds responsables se sont davantage concentrés sur les dimensions « E » (environnement) et « G » (gouvernance) de la responsabilité sociale plutôt que sur l'aspect « S » (social). Et au sein de la dimension S, les investisseurs ont peut-être ciblé des facteurs tels que le ratio de rémunération et la diversité (de genre) plutôt que le bonheur des employés. En outre, la plupart des approches de l'investissement ESG sont principalement basées sur des scores ESG et des facteurs facilement quantifiables. Ces approches ignorent donc des facteurs qualitatifs importants tels que l'équité, le respect, la fierté et la camaraderie qui sont utilisés pour mesurer la satisfaction des employés.

Bien sûr, si les acteurs du marché se rendent compte de la valeur d'employés heureux et que le marché boursier l'évalue correctement, la surperformance des lieux de travail exceptionnels pourrait diminuer ou disparaître à l'avenir. Étant donné que les premières preuves de la surperformance des lieux de travail exceptionnels ont été documentées il y a déjà plus de dix ans et qu'elles n'ont pas encore disparu, on peut cependant penser qu'elles ne sont pas près de disparaître.

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Par Hamid Boustanifar, Professor of Finance, EDHEC Business School et Young Dae Kang, Chief Vice Chairman, Bank of Korea Labor Union, PhD in finance, EDHEC Business School.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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