« Des alternatives aux écrans pour les jeunes » (par Caroline Janvier, députée Renaissance)

Le visionnage excessif des écrans par les enfants provoque un retard éducatif équivalent à deux années scolaires. La députée (Renaissance) du Loiret, Caroline Janvier, expose les données récentes de l’OCDE sur le sujet et défend sa proposition de loi visant à réguler les usages.
Caroline Janvier, Députée Renaissance du Loiret.
Caroline Janvier, Députée Renaissance du Loiret. (Crédits : © LTD / ISA HARSIN/SIPA)

Lorsque leur téléphone n'est pas à proximité, 43 % des élèves français se sentiraient nerveux ou anxieux, nous dit l'OCDE dans une note récente, tandis que 58 % d'entre eux seraient distraits par l'utilisation d'appareils numériques en cours de mathématiques. Lorsque l'on sait que, selon le dernier classement Pisa, le niveau des élèves français en maths a baissé de 21 points par rapport à 2018, la perte de concentration induite par les écrans doit être prise très au sérieux. Plus globalement, selon Andreas Schleicher, directeur de l'OCDE chargé de l'éducation, une utilisation excessive du smartphone peut engendrer chez un élève « un retard de deux années scolaires ». Deux années scolaires ! Et nous ne parlons ici que des effets sur les performances mesurées par les données Pisa, soit la lecture, la culture mathématique et la culture scientifique. Rien donc des effets des écrans sur les aptitudes sportives, la santé mentale, le sommeil ou l'alimentation, qui sont tout autant affectés par une connexion excessive.

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Plus étonnant, ce rapport pointe les limites de l'interdiction des smartphones comme seule réponse, car elle serait trop souvent contournée par les élèves qui les cachent dans leur sac ou sous leurs cahiers. Et l'interdiction à elle seule ne permet pas d'éduquer nos jeunes à gérer l'afflux de notifications et l'exposition à des algorithmes conçus pour capter, en permanence, leur attention. La commission des experts mandatée par le président de la République pour travailler sur les écrans a même parlé de « marchandisation de nos enfants ». Soumis à l'appétit d'acteurs économiques qui se livrent une concurrence acharnée pour les enfermer dans des espaces virtuels, ils peuvent se retrouver harcelés, exposés à des contenus violents ou plus prosaïquement addictifs.

Un retard de deux années scolaires

De toute évidence, il ne s'agit pas ici de condamner l'usage des écrans en soi, car ils peuvent être d'excellents outils pour la communication, la connaissance et plus généralement le progrès. L'enjeu est justement d'en faire le meilleur usage possible et de tirer tout le bénéfice de ces innovations technologiques sans en subir les conséquences néfastes pour le développement cognitif, mental et physique de nos jeunes.

Car, oui, l'usage excessif des écrans a aussi des conséquences sur la santé physique des adolescents: des repas bio et locaux, c'est bien, mais si c'est entre deux vidéos TikTok, hypertension artérielle et obésité s'inviteront peut-être aussi à leur table. Nos jeunes sont aussi devenus une cible marketing des influenceurs, dont le rapport parfois problématique à l'alimentation peut devenir une tendance, dans ces espaces sans médiation des adultes. Comportements alimentaires qu'ils pourraient avoir d'autant plus de mal à maîtriser s'ils sont en manque de sommeil - car, oui, les écrans affectent à la fois la qualité et la quantité de sommeil. Et qui dit altération du sommeil dit aussi moins bonne gestion des émotions, souffrance psychique et un fonctionnement de la mémoire altéré.

Prendre les bonnes décisions

L'irruption du numérique dans nos vies a d'ores et déjà provoqué un bouleversement sociologique majeur dont nous commençons à mesurer les effets sur nos comportements. Certains d'entre nous en tirent des conséquences sur leur utilisation des réseaux sociaux, leur rapport à l'information ou encore leurs interactions sociales. Pour les générations suivantes, il nous revient de prendre les bonnes décisions, pour leur donner les mêmes chances de développement, de réussite scolaire, de bonne santé que nos générations, pour lesquelles les écrans étaient moins omniprésents et insidieux.

La portée des enjeux qui nous font face et leur caractère inédit dans l'histoire humaine nous commandent d'agir. Raisons pour lesquelles j'ai défendu et fait adopter à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 7 mars 2023 une proposition de loi pour sensibiliser les parents, former les professionnels, réguler l'utilisation des écrans dans les lieux d'accueil des mineurs. Reste désormais à faire adopter cette loi de prévention par le Sénat, où je ne doute pas qu'elle recevra le même accueil.

Mais, dès à présent, c'est une responsabilité qui nous incombe à toutes et tous. Réguler, informer, éduquer, oui, mais nous devons aussi construire des alternatives aux écrans qui occupent trop de place dans notre quotidien comme dans celui de nos jeunes. Retrouver le goût des pratiques sportives, qui ont fortement chuté chez les adolescents, celui de la lecture, de la culture, des pratiques artistiques. Ce qui fait la richesse de nos interactions humaines, imprévues, déroutantes, parfois bouleversantes. Et dont découlent nos réalisations artistiques, nos performances sportives, nos inventions scientifiques.

C'est un défi collectif que nous devons relever, enseignants, parents, citoyens, élus, pour que les générations qui nous suivent ne soient pas les victimes numériques de notre capitulation face à la puissance des algorithmes qui nous privent des meilleurs moments de notre vie.

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Commentaires 2
à écrit le 12/05/2024 à 19:33
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En Suède, ils en sont revenus de l'éducation pur écran, ça ne semble pas très adapté aux tout jeunes. Comme quoi le "progrès" est relatif et ne peut être utilisé par tout partout (l'IA pareil, ne pas lui attribuer tous les 'savoir faire', il faut êtr...

à écrit le 12/05/2024 à 9:16
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Autrefois nous passions notre enfance à courir les rues et les campagnes, de nos jours les enfants prennent des médicaments parce qu'ils sont "hyper actifs" dans leur appartement de 40 mètres carré. Prenez du recul sur le système qui vous engraisse t...

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