États-Unis : à quoi sert un Président ?

OPINION. Comment un parti responsable et ayant contribué de manière substantielle à la construction des Etats-Unis modernes peut-il en arriver aujourd'hui à saper les fondements d'une Démocratie. Par Michel Santi, économiste qui publie également un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé » (*).
(Crédits : YURI GRIPAS)

Si elle a bien-sûr été déboutée, l'action en justice entreprise par dix-sept Etats américains ayant rejoint le Texas dans le but d'invalider auprès de la Cour Suprême l'élection de Joseph Biden n'en est pas moins dangereuse et malsaine dans les perspectives qu'elle insuffle à la démocratie de ce pays. C'est en outre près de 130 parlementaires, dont plus de la moitié des membres Républicains de la Chambre des Représentants, qui se sont précipités pour soutenir cette appel à la Cour Suprême. Parmi ces signataires ayant rejoint le Texas dans la contestation face à la plus haute juridiction de la nation du résultat de l'élection Présidentielle figuraient certes des
personnages très clivants, mais également des politiciens dits «modérés». Enfin, preuve par l'absurde de l'emprise de la radicalité sur le Parti Républicain, dix-sept de ces signataires viennent tout juste d'être élus dans des Etats dont ils contestent les résultats. Voilà donc des élus remettant directement en cause la légitimité de leur propre victoire et appelant à invalider leur propre investiture !

Lire aussi : Armes nucléaires : ce qui attend Joe Biden et ce qu'on peut attendre de lui

Comment un parti responsable et ayant contribué de manière substantielle à la construction des Etats-Unis modernes peut-il en arriver aujourd'hui à saper les fondements d'une Démocratie qui - comme tout le monde le sait - est édifiée sur la confiance des citoyens dans le résultat de ses élections ? Ce parti - qui ne recule pourtant plus devant une lutte à la vie à la mort révélant ainsi sa haine du camp adverse - est en passe d'établir un précédent très dangereux pour la vie démocratique américaine. Elle semble lointaine en effet la période des «concessions» élégantes, cet acte en vertu duquel un candidat malheureux reconnaissait publiquement sa défaite, pas inscrit dans la loi mais constituant une réaffirmation et un rappel de la sacralité du processus démocratique censée dépasser voire transcender les querelles de personnes. En reniant ainsi la légitimité de l'élection de Biden, les républicains contribuent activement à rendre l'Etat fédéral dans toutes ses composantes dysfonctionnel. En toute logique, Donald Trump sera le quatrième Président US à refuser d'assister à la prestation de serment de son successeur, après John Adams en 1801, John Quincy Adams en 1829 et Andrew Johnson en 1869.

Dans un tel contexte délétère, le gouvernement de confort et de facilité en train de se constituer autour et par Biden semble en mal d'inspiration. Après avoir mené une campagne à bas régime, d'abord préoccupé à prendre le moins de risque possible, il lui faut à présent générer non seulement l'adhésion mais surtout l'enthousiasme. S'il est incontestablement positif qu'il opte pour des personnalités issues de la diversité, ses choix pour les postes stratégiques se sont surtout portés sur des personnages, à la
compétence certes reconnue, mais ayant surtout un historique relationnel et
une certaine familiarité avec leur futur Président. Ce «cabinet» appelé dès le 20 janvier prochain à diriger les Etats-Unis semble singulièrement manquer de consistance intellectuelle en une époque tourmentée pour ce pays où il a un besoin vital d'initiatives fortes. Sinon, comme l'avait déclaré de manière flamboyante Lyndon Johnson à ses conseillers alors qu'il venait d'accéder à la Présidence en 1963, «à quoi diable sert la Présidence » si elle ne prend pas les grands sujets à bras le corps ?

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin.
Sa page Facebook et son fil Twitter.

Lire aussi : Les inégalités sont une fatalité... mais la vérité est un droit

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Commentaires 9
à écrit le 16/12/2020 à 9:06
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En France vu que mis en poste par une oligarchie défaillante il est plus nuisible que productif c'est sûr, maintenant de grâce, aux états unis il permet de faire croire au peuple américain immature et donc malléable à souhait que c'est lui qui l'a ch...

à écrit le 16/12/2020 à 4:49
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En France on sait a quoi sert un president. A rien, sinon placer ses affides a des postes strategiques, qui le jour venu renverront l'ascenseur. Une sorte de structure mafieuse en costards, toujours tres bien sur elle.

à écrit le 15/12/2020 à 19:37
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C'est assez clair pourtant. Le président des Etats Unis est le chef de l’exécutif fédéral. une sorte de super premier ministre. Son rôle et ses pouvoirs sont énormes, mais contrebalancés par un sénat qui a également des pouvoirs énormes et une co...

le 15/12/2020 à 21:35
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Je trouve au contraire que le système politique et la constitution au États-unis ont prouvé leur pertinence et leur robustesse malgré leurs presque 300 ans. Au moins, ils ont des contre pouvoirs qui, tant bien que mal, résistent au pressions de toute...

le 16/12/2020 à 16:18
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Il y a des pays qui n’ont même pas d’élection et d’autre complètement fantoche. Donc oui pour la première partie de l’article. Mais pour la fin la vérité c’est qu’il n’y peut-être pas d’autre endroit dans les pays démocratique car ailleurs Trump sera...

à écrit le 15/12/2020 à 18:10
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"États-Unis : à quoi sert un Président ?" Surtout quand,les médias s'autorisent le droit de couper le sifflet à un président pendant son discours ,une première et une honte que l'on aime ou pas Trump.

à écrit le 15/12/2020 à 17:54
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"à quoi sert un Président ?" A placer du monde à des endroits précis en pleine pandémie. 7 decembre : Le Parlement approuve la nomination de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, proposée par le Président de la République aux fonctions de di...

le 15/12/2020 à 19:59
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Le spoil system américain permet à POTUS de nommer jusqu'à 4000 fonctionnaires de son choix, aux postes de son choix. Une partie doit néanmoins être auditionnée par le sénat qui a un droit de regard sur les compétences des candidats. Trump étant...

à écrit le 15/12/2020 à 17:36
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l amerique et elle encore une demcratie,???:l urne en sapin de la democratie est devenue electronique, et connecte,, est manipulable par logciel : nos democraties n existe plus :

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