Gaza et le « docteur Macron »

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT — Sébastien Lecornu est aujourd’hui en Israël tandis que Stéphane Séjourné présidera mardi un Conseil de sécurité des Nations unies consacré à la situation à Gaza et dans la région. Une petite musique française dans un concert de sourds et d’aveugles.
François Clemenceau
François Clemenceau
François Clemenceau (Crédits : © DR)

Stéphane Séjourné n'aura pas attendu longtemps pour se plonger dans le chaudron du Proche- et du Moyen-Orient. Le nouveau chef de la diplomatie française se rendra dès demain à Bruxelles, où le Conseil des affaires étrangères, qui réunit ses homologues des Vingt-Sept, sera largement consacré à l'actualité de la guerre entre le Hamas et Israël. Puis le lendemain à New York, où il organisera une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur ce même sujet alors que le conflit entre dans sa seizième semaine. Cette rencontre était déjà prévue à l'agenda de Catherine Colonna, puisque la France préside en ce mois de janvier l'enceinte suprême de l'ONU ; Stéphane Séjourné reprend donc le flambeau.

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Contrairement à ce que la France a tenté un moment de faire croire, la position de notre diplomatie a évolué depuis le 7 octobre. Du soutien plein et entier à Israël au lendemain du pogrom perpétré par le Hamas, les autorités françaises sont revenues à une position plus équilibrée dès que l'État hébreu a déclenché sa guerre totale à Gaza. Oui au droit d'Israël à se défendre, mais en mettant fin à ses bombardements incessants qui ont conduit, selon Martin Griffiths, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l'ONU, au déplacement forcé de 85 % de la population de Gaza dans ses propres frontières. Selon son dernier rapport, « la menace d'une extension des frappes israéliennes dans la partie sud de Gaza pourrait augmenter significativement la pression en faveur d'un déplacement massif de la population de Gaza en direction des pays voisins ». N'est-ce pas précisément ce que cherchent les ministres d'extrême droite annexionnistes et messianistes de Benyamin Netanyahou ?

Dans ce contexte-là, la France dit évidemment non au terrorisme du Hamas violeur, assassin et preneur d'otages. Elle est ainsi motrice dans l'adoption très prochainement d'un arsenal de sanctions européennes contre le Hamas. Mais elle dit désormais oui à un cessez-le-feu qui puisse dégager la perspective d'une issue politique. « Nous sommes les seuls Occidentaux à avoir soigné des Palestiniens en Égypte, à avoir largué de l'aide humanitaire sur Gaza avec nos partenaires jordaniens et à parler encore avec l'Iran », plaide une source française au cœur du dossier. Yasser Arafat avait coutume d'appeler son « docteur Chirac » quand plus rien n'allait avec Israël. À l'Élysée, on ne récuse pas cette filiation. Et si cette ligne médiane que le « docteur Macron » essaie de bâtir permettait de réduire les considérables risques d'extension de cette guerre ?

Et si cette ligne médiane permettait de réduire les risques d'extension de cette guerre ?

En présidant le conseil de sécurité mardi, Stéphane Séjourné se rendra compte de la difficulté de convaincre ses homologues de la nécessité de calmer le jeu. À commencer par le Russe Sergueï Lavrov, qui a choisi de s'afficher à New York. « Les Russes boivent du petit-lait » dans cette crise, confie une source haut placée à l'ONU pour rappeler le pouvoir de nuisance du Kremlin, ravi de voir son allié iranien tenir tête aux Occidentaux. Le chef de la diplomatie algérienne, dont le pays est membre du Conseil cette année - et possible hébergeur des chefs du Hamas en cas d'accord avec Israël sur leur exfiltration de Gaza -, se joindra à la Russie au cours des débats. « Si l'on se projette dans l'après, la reconstruction de Gaza, sa gouvernance par une Autorité palestinienne qui doit redevenir centrale, il va bien falloir créer du consensus et faire valider toute solution par un Conseil de sécurité plus uni », signale notre source diplomatique à Paris. Selon elle, le fait que la France se soit tenue à distance de la coalition anglo-saxonne contre les houthistes en mer Rouge a été apprécié par les dirigeants de la région. Les Iraniens seraient même demandeurs d'une entrevue avec le nouveau patron du Quai d'Orsay en marge des travaux à New York.

L'une des nouveautés de la diplomatie du « docteur Macron » dans cette crise tient à l'utilisation « en même temps » du ministre des Affaires étrangères et de celui des Armées. Otages, moyens militaires au service de l'aide humanitaire, vigilance pour nos Casques bleus stationnés au Liban, pression politique sur Israël : avant que Stéphane Séjourné ne se rende à New York et n'entame un peu plus tard sa première tournée proche-orientale, Sébastien Lecornu est aujourd'hui en Israël et jusqu'à demain. Il ne s'agit pas de diplomatie parallèle, dit-on à Paris, mais d'étoffer la panoplie. Ne pas essayer d'obtenir des résultats serait un aveu d'indifférence et d'impuissance.

François Clemenceau

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Commentaire 1
à écrit le 22/01/2024 à 9:45
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L'horreur en Israel et à Gaza est arrivée après qu'Israel se soit doté d'un gouvernement populiste : ça fait réfléchir, quand même !

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