L'entrepreneuriat en santé, une chance historique pour l'industrie française

Il faut éviter le modèle anglo-saxon, créant un environnement spéculatif. Objectif; réconcilier le modèle darwinien de la création d'entreprise en vigueur outre-Atlantique avec la culture romano-germanique et européenne de coopération. Par Michel Daigne et Gilles Lasserre*

La France a une extraordinaire carte à jouer dans le nouveau monde de la santé qui se dessine tous les jours sous nos yeux. D'ici 2030, un foisonnement d'innovations au confluent des biotechnologies, des technologies numériques et de la recherche médicale dans de nouvelles organisations va totalement renouveler l'offre de soins, produits et services. Le nouveau cycle amorcé par les systèmes de santé, porté par ces innovations et l'appétit des patients pour les applications d'e-santé, va complètement rebattre les cartes. De nouvelles filières et de nouveaux acteurs créateurs de richesse et d'emplois à forte valeur ajoutée vont émerger et se substituer aux filières actuelles circonscrites aux pathologies. Pour la France et l'Europe, c'est une opportunité historique de favoriser la création d'entreprises innovantes et de retrouver une souveraineté mise en péril par la puissance des géants nord-américains qui investissent massivement dans les industries de la santé et du bien-être.

 Actuellement, l'arrivée sur le marché de produits et services innovants dans le champ de la santé obéit à une logique simple : créer un maximum de valeur financière en un minimum de temps. Les premiers exemples de réussite de ce système, comme Amgen, Genzyme, ou Genentech, sont apparus aux Etats Unis avec la révolution biotechnologique il y a une trentaine d'années. Ce système est repris aujourd'hui par les géants du web (Google, Apple, Facebook, Microsoft, IBM, etc.) à une échelle encore plus vaste. Ces succès incontestables n'en font pas pour cela un modèle à suivre car la création d'entreprises innovantes, basée essentiellement sur une valorisation financière rapide obtenue en jouant sur un grand nombre de starts-ups, produit automatiquement de très nombreux échecs. Leurs règles de fonctionnement demeurent opaques pour le grand public soucieux de sa santé et incompréhensibles pour les malades et leurs familles qui attendent de nouvelles solutions thérapeutiques de la recherche médicale.

 Deux modèles d'innovation à réconcilier

 Un environnement spéculatif selon le modèle anglo-saxon ne crée pas des conditions optimales à la croissance industrielle des starts-ups en France et en Europe. Les porteurs de projets hexagonaux dans les domaines de la santé et du bien-être sont culturellement mal préparés à cette logique du risque et de la valorisation financière profondément ancrée dans la culture entrepreneuriale américaine. Obnubilé par son invention et peu familiarisé avec une démarche entrepreneuriale de type anglo-saxon, le porteur de projet hexagonal se méfie souvent des deux puissants partenaires qui l'attendent : le financier et l'industriel. Les incubateurs ne lui permettent pas d'échapper à ce modèle dominant, voire le confortent. Dernier handicap, la complexité juridique et administrative qui atteint des sommets dans l'hexagone freine la transformation des idées en nouveaux produits, soins et services de santé.

Dans les faits, il convient de réconcilier le modèle darwinien de la création d'entreprise en vigueur outre-Atlantique avec la culture romano-germanique et européenne de coopération. La santé, notre bien le plus précieux, est un enjeu de civilisation qui ne peut se réduire au seul court-termisme opportuniste de la finance et qui va de pair avec le long terme stratégique de l'industrie.

 Il est urgent de dessiner l'avenir de l'entrepreneuriat en santé

 Il nous faut aller au-delà des succès entrepreneuriaux européens des années 1950-1960, lors du lancement des grands programmes nationaux et européens dans les filières qui constituent notre patrimoine. Le PLFSS 2017, en discussion à l'Assemblée Nationale, ouvre une petite porte à l'innovation en santé ; mais nous sommes loin d'une masse critique d'investissements nous engageant dans l'avenir.

 Il s'agit, en priorité, de recréer des chaînes de valeur dans un environnement favorable afin que le triptyque clinicien-industriel-financier, tiraillé entre des calendriers, des stratégies et des intérêts divergents, réussisse à s'entendre et à trouver un nouvel équilibre sur le Vieux Continent.

 Faire entrer la France dans la course aux nouvelles filières

Comment mettre sur pied une nouvelle entente entre les cliniciens-chercheurs, industriels, financiers et les patients ? Comment faire entrer la France et l'Europe dans la course aux nouvelles filières qui vont bouleverser les systèmes de santé dans les 15 prochaines années ?

Dans un monde de la santé dominé par la culture des pouvoirs publics, il convient en premier lieu d'amener les porteurs de projets à l'entrepreneuriat. Une collaboration de haut niveau entre professions médicales, de l'ingénierie et du management en est la clef.

Ensuite, il faut éviter de sortir prématurément de leur environnement natif les projets d'innovation émanant des organisations économiques et sociales et, au contraire, faire converger au plus vite les stratégies d'investissement cliniques, industrielles et financières dans ces projets.

Il est donc nécessaire de créer des filières d'avenir pour que les projets d'innovation se concrétisent. Un exemple de ces filières d'avenir est celle de la santé respiratoire qui est devenue partout critique en milieu urbain et va résulter d'innovations industrielles considérables permettant d'obtenir un air respirable. De multiples filières dont l'alimentation, la reproduction, la locomotion sont concernées par cette logique.

 Réconcilier les porteurs de projets et les investisseurs

Une dizaine de projets d'innovation sont d'ores et déjà propulsés de cette manière par un groupe d'une vingtaine de professionnels expérimentés à l'origine de SAPIENS 5. Ce programme repose sur une culture sélective et précoce des projets entrepreneuriaux en santé avec pour ambition de réconcilier les porteurs de ces projets et les investisseurs, en créant un encadrement, un accompagnement et une formation favorables à leur éclosion et leur croissance.

 Nous avons commencé à apporter la preuve de l'efficacité de ce modèle original d'innovation permettant une diminution significative du risque pour les jeunes entreprises européennes et favorable à la croissance industrielle.

 *Michel Daigne, Ingénieur, Entrepreneur, Professeur Grande Ecole, Co-Président Centrale Santé et Gilles Lasserre, Manager, Entrepreneur, Dirigeant Grande Entreprise, Président Essec Santé

 Co-Fondateurs et Leaders de Sapiens 5 :

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