L'équilibre en toutes choses, y compris la gouvernance des ports (1/2)

A l'occasion de la 16e conférence mondiale des villes et des ports, qui se tiendra au Québec (Canada) du 11 au 14 juin 2018 (*), la Tribune publie une série d'articles sur ce thème. Aujourd'hui, la nécessité d'améliorer la gouvernance entre les ports et les villes hôtes canadiennes, en prenant en considération les véritables impacts du port, qu'ils soient négatifs ou positifs. Par Peter Hall, Professeur d'études urbaines, Université Simon Fraser, Canada et Tom Daamen, Chaire de gestion du développement urbain, Université technologique de Delft, Pays-Bas.
Tom Daamen (à gauche) et Peter Hall.
Tom Daamen (à gauche) et Peter Hall. (Crédits : DR)

Récemment, le gouvernement canadien a engagé une étude des plus grands ports du pays, comprenant entre autre une consultation sur leurs modalités de gouvernance. En tant qu'universitaires qui étudions les villes ports, nous recommandons que soit envisagé un rééquilibrage des conseils d'administration des plus grands ports du Canada afin de donner une plus grande parole - et plus d'influence - aux parties prenantes locales, y compris les municipalités, les Premières Nations et les employés des ports.

Les ports maritimes bénéficient à une grande diversité de producteurs et de consommateurs, mais ils concentrent les impacts négatifs de leurs activités sur les quelques communautés hôtes. Ceci induit d'immenses implications pour la gouvernance portuaire ; les autorités portuaires ne peuvent pas compter sur le soutien des communautés locales et des autorités municipales dans leurs prises de décisions si ces dernières n'ont pas leur mot à dire dans les décisions qui les affectent.

Besoin du soutien et de la bonne volonté de la communauté hôte

Aujourd'hui, un port a plus besoin du soutien et de la bonne volonté de la communauté hôte concernée que cette dernière n'a besoin du port.

Le Canada est un pays exportateur de ressources, celles-ci servant à payer pour ses importations. Aucune économie exportatrice, aucun pays importateur de biens de consommation ne peut fonctionner sans ports. De ce fait, le gouvernement fédéral reste propriétaire des principaux ports de marchandises du pays. Cette option conserve selon nous toute sa validité ; nous ne sommes pas favorables à l'idée du Canada se séparant de son industrie portuaire au prétexte que certaines provinces enclavées de notre immense pays ne disposent pas de leurs propres ports en eaux profondes.

Toutefois, il est également vrai que les villes d'aujourd'hui peuvent se targuer d'une économie saine sans disposer d'un grand port de marchandises. Ainsi, le port de Toronto ne joue aucun rôle en termes de mouvements de marchandises. Qu'il s'agisse d'un ensemble complexe de prestataires logistiques, d'entrepôts et de transporteurs routiers qui permettent aux terminaux conteneurs d'être productifs, qu'il s'agisse d'hôtels, de restaurants et autres installations touristiques qui attirent les navires de croisière, ou qu'il s'agisse d'une autorisation de manutention de marchandises sources de polémique comme la houille, aucun port ne peut réussir sans le soutien local. Ceci est vrai pour toutes les communautés portuaires de toutes les tailles, et tout particulièrement dans les grandes zones métropolitaines disposant d'une foultitude d'alternatives à l'économie portuaire.

La solution « made-in-Canada »

La solution « made-in-Canada » à la réforme de la gouvernance des ports de 1990 fut unique parmi tous les ports du monde ; elle combinait une représentation minoritaire des gouvernements et autorités locales concernés, avec une majorité de membres désignés issus des utilisateurs portuaires. A titre d'exemple, le conseil d'administration du port de Vancouver comprend onze membres. Le gouvernement fédéral, les provinces de l'Ouest, la province de Colombie Britannique, et les municipalités du Grand Vancouver disposent chacun d'un siège. Les sept autres membres sont élus par les utilisateurs du port et désignés par le ministre fédéral. Le conseil d'administration du port de Montréal repose sur la même structure à savoir un représentant du Canada, du Québec et de Montréal, et quatre représentants élus par les utilisateurs pour un total de sept membres.

Acceptable pour ce qui concerne l'équilibre entre les intérêts gouvernementaux et industriels, ce modèle reste néanmoins améliorable. Le modèle de gouvernance actuel assure un haut niveau d'accord au sein de l'industrie portuaire, mais il crée un système clos. Bien que cette configuration ait constitué un cadre favorable à des investissements à long terme et à des accords entre des concurrents acteurs de la chaîne logistique, il s'agit d'un accord entre un groupe restreint et déséquilibré de parties prenantes intéressées.

En faveur d'un rééquilibrage

Nous sommes en faveur d'un rééquilibrage prenant en compte l'importance des ports à la fois pour le Canada et pour les villes hôtes. Un tel équilibre peut être obtenu, par exemple, en désignant un nombre égal de représentants gouvernementaux et industriels par modification des attributions de sièges des personnes nommées par les utilisateurs en faveur des gouvernements locaux et régionaux, et en demandant que les employés portuaires soient représentés directement parmi les représentants nommés par les utilisateurs. Dans le cas de Vancouver, par exemple, des voix pourraient être ajoutées pour les enjeux à long terme qui concernent les communautés qui accueillent le port et y travaillent, sous la forme d'un deuxième siège pour les municipalités, d'un siège pour un représentant de la Première Nation « Coast Salish », et d'un représentant des utilisateurs du port nommé par les employés du port.

Le gouvernement du Canada a invité les parties prenantes à présenter leurs commentaires sur la question de la réforme des ports, et nous encourageons les lecteurs à se les approprier. Heureusement, le gouvernement semble avoir abandonné une proposition précédente de privatisation des ports du Canada. Cette idée, avancée par Morgan Stanley, aurait encore plus neutralisé les voix locales dans leur soutien au port. Plutôt que d'équilibrer les intérêts canadiens et locaux, la privatisation des ports aurait conduit à une focalisation sur l'efficience à des fins de profits économiques, exacerbant encore l'absence de légitimité à laquelle les ports sont déjà confrontés.

Un conseil d'administration en mesure de prendre en considération les vrais impacts du port - qu'ils soient négatifs ou positifs - constitue un premier pas vers le rééquilibrage des relations entre les ports et les villes hôtes canadiennes. Il reste d'autres étapes à franchir, par exemple les mandats peuvent être ajustés pour répondre aux exigences de santé environnementale et de consultation des communautés. Mais l'amélioration des relations entre les ports canadiens et les villes hôtes commence par la définition des responsabilités.

(*)

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