La mort du projet européen à la française

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la mort du projet européen à la française
(Crédits : DR)

VIDEO

Voici deux décennies que la France porte avec une certaine constance un projet de réforme économique de l'Europe, qui demeure lettre morte.
Ce projet dans sa formulation de façade repose sur un postulat principal. L'édifice monétaire doit être complété d'un volet budgétaire pour que la zone euro fonctionne de façon harmonieuse. Un budget qui aurait trois fonctions principales :

  • 1) un rôle de stabilisateur en cas de crise,
  • 2) un rôle drainage de l'investissement vers des secteurs d'intérêt stratégique pour la zone,
  • 3) le développement de transferts entre les différentes régions d'Europe pour favoriser une péréquation régionale et atténuer l'effet récessif des réformes structurelles.

Le deuxième axe, c'est de limiter la concurrence fiscale et sociale. Par une harmonisation de la fiscalité et des droits sociaux sur l'espace économique européen (instauration de salaires minimums européen, au pluriel, proposition de bouclier social). Le troisième axe, c'est de porter un projet de croissance, aujourd'hui verte, en assouplissant le carcan des règles budgétaires, en permettant notamment l'émission de titres de dettes européens, les Eurobonds, qui permettrait de mutualiser une partie des risques.

Une Allemagne inflexible

Aucun des trois derniers présidents français n'a réussi à infléchir les positions allemandes en la matière. Sur le sujet emblématique de la mutualisation de la dette, Nicolas Sarkozy avait essuyé un refus sans appel de l'Allemagne en août 2011. François Hollande, de son côté, a très rapidement lâché prise face au mur Merkel-Schauble dans son projet d'insertion d'un volet croissance dans le pacte de stabilité. Emmanuel Macron déchante lui aussi à son tour, alors même qu'il avait déclaré au début de son mandat que la croissance était avant tout une affaire européenne. Il pensait infléchir l'intransigeance allemande en posant pour préalable la réalisation de réformes à la Schröder en France.

Or sa voix ne porte pas plus que celle de ses prédécesseurs. Sa tribune de mars, « pour une renaissance européenne », a eu pour réplique immédiate la réponse cinglante de la nouvelle patronne de la CDU allemande : « le centralisme européen, l'étatisme européen, la mutualisation des dettes, l'européanisation des systèmes sociaux et du salaire minimum seraient la mauvaise voie ». Et la voix française trouve encore moins du côté des gouvernements populistes, avant tout préoccupés de renforcer le degré de liberté au plan national face au trop d'Europe. La France tente ainsi d'avancer sur les questions sur lesquelles elle peut trouver un écho favorable en Allemagne : les questions de sécurité, de défense, et l'assouplissement des règles de concurrence pour faire émerger des champions européens.

La voix de la France inaudible au parlement européen

Et le nouveau parlement issu des élections de juin ferme toujours plus le jeu pour la France. L'Europe sociale et budgétaire est la grande perdante du scrutin. Même si plusieurs jeux d'alliances peuvent faire émerger des majorités au sein du nouveau parlement, il est clair que politiquement la ligne budgétaire et sociale française sort très affaiblie du scrutin. Même en mettant bout à bout la part des représentants des courants sociaux-démocrates, de la gauche plus radicale et des écologistes (loin d'être unanimes sur la question du budget), ces derniers représentent 1/3 de l'assemblée. Et si le nouveau positionnement français en pointe sur l'écologie peut sembler pouvoir trouver un écho au parlement, tant la thématique écologique traverse l'ensemble des courants. C'est une fausse apparence. La vision française, très axée sur l'investissement massif et accéléré, armé par le budget européen et une banque du climat, n'a que très peu de relais dans les différents partis qui composent le parlement.

Ce n'est pas pour rien que la France place aujourd'hui ses propositions sécuritaires et militaires en tête de gondole de ses propositions, et qu'elle appuie sur les thématiques de la protection des investissements stratégiques et de l'amendement des règles de concurrence en faveur d'une concentration des entreprises européennes. Car oui, effectivement sur ces terrains défensifs, il y a un vrai relais politique en Europe.

 >> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 7
à écrit le 05/06/2019 à 15:16
Signaler
"...Il pensait infléchir l'intransigeance allemande en posant pour préalable la réalisation de réformes à la Schröder en France..." Je n'ai pas fait l'ENA et avec mon modeste Bac+2, j'avais deviné l’échec de Macron dès le soir de son élection. Ouvre...

à écrit le 03/06/2019 à 17:14
Signaler
Bonjour , Est ce techniquement un Frexit vu la situation que vous décrivez dans l’article ne serait pas plus rentable pour la France ? Pourquoi la France ne choisirait pas comme la Suisse est «  statut neutre «  et hors UE ? Finalement vu comme ça ...

à écrit le 03/06/2019 à 16:59
Signaler
Les coalitions ont toujours mené au conflit de grande ampleur, c'est l'exemple des dernières guerres mondiales! Et qu'est ce que l'UE, l'euro et l'OTAN sinon des coalitions amenant a un "nationalisme" d'une échelle démesuré!

à écrit le 03/06/2019 à 16:51
Signaler
Quand on parle en "3) le développement de transferts entre les différentes régions d'Europe pour favoriser une péréquation régionale et atténuer l'effet récessif des réformes structurelles". Cela vous cache la disparition des États et de notre démocr...

à écrit le 03/06/2019 à 15:48
Signaler
Faisant croire que l UE nous protégeait de la guerre , une guerre économique se jouait par dessous et devinez qui sont les perdants . Aussi le peuple s emparant du dégagisme essaye de remettre de l ordre , et les hypocrites des dernières décennies s...

à écrit le 03/06/2019 à 15:31
Signaler
Ni fleurs ni couronnes et on va pas pleurer. Mais peut on vraiment espérer que nos dirigeants se mettent maintenant à défendre les intérêts des français face a nos gentils partenaires concurrents au lieu de continuer a nous vendre un/ a un européis...

à écrit le 03/06/2019 à 15:20
Signaler
De faire autant de concession sur le militaire est d'ailleurs dramatique de la part de nos gouvernants démontrant leur impuissance totale à négocier quoi que ce soit dans l'intérêt des citoyens français c'est désastreux ! C'est même pire, c'est c...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.