La République des initiés

SÉRIE D'ÉTÉ POLITIQUE-FICTION - ÉPISODE 3/8. Dans un "House of Cards", version Macron, La Tribune raconte chaque vendredi sous la plume de Marc Endeweld (*), les secrets du quinquennat sous la forme d’un récit mêlant la fiction et la réalité pour montrer comment le président de la République, élu sur la volonté d’un renouvellement de la vie politique et d’un « dépassement » des clivages, se prépare malgré son impopularité à rééditer le « coup » de 2017 en étouffant à petit feu ses adversaires, droite, gauche et écolos... Aujourd'hui, récit notamment avec Alexandre Djouhri, mis en examen dans le dossier du financement libyen présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, et dont l'ancien avocat est maître Dupond-Moretti, le nouveau garde des Sceaux.
(Crédits : dr)

Quelque part du côté de l'avenue d'Iéna, dans le « triangle d'or » parisien, entre la Seine et les Champs-Elysées, Alex tourne en rond dans le grand appartement qu'un de ses amis lui a prêté depuis qu'il est sorti de prison. Sa libération, il l'attendait depuis plusieurs semaines, et elle est intervenue, comme par ironie, un jour avant le confinement national décidé par le président Macron. Le 16 mars, l'intermédiaire Alexandre Djouhri, mis en examen dans le dossier du financement libyen présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, fut ainsi libéré de la prison de Fresnes, pour raisons médicales. La nouvelle passa quasiment inaperçue au moment même où le pays tout entier sombrait sous l'épidémie de Covid-19. Les exégètes des coulisses parisiens se perdirent pourtant en conjectures.

>> ÉPISODE 2 : «Château de cartes» à l'Elysée : Brigitte et le «gang» des femmes

Depuis, « Monsieur Alexandre » prend son mal en patience. Pour occuper son temps, il ne loupe aucune miette des dernières actualités politiques... « On l'a sauvé ! Son quinquennat était foutu, il n'avait plus rien à dire... », expose ainsi Alex à l'un de ses amis. La personne au centre de son attention ? Emmanuel Macron, bien sûr. C'est du reste ce que les sarkozystes du premier cercle aiment se dire depuis le dernier remaniement. Le policé Camille Pascal, ancienne plume de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, et ancien directeur de cabinet de Dominique Baudis au CSA, s'amuse de la situation, en envoyant le SMS suivant à son ancien patron : « Vous êtes revenu ? » De son côté, Alex est doublement satisfait, car son ancien avocat, maître Dupond-Moretti n'est autre que le nouveau garde des Sceaux. Il n'a pas essayé de le joindre bien sûr, il sait qu'il ne le prendra plus au téléphone. Comme l'ami Jean-Louis (Borloo) aime à le dire : « Toute la République a été mise sur écoutes par le PNF ! » Les masques sont tombés depuis les révélations du Point, mais cela faisait des années que l'ancien ministre de l'Écologie de Nicolas Sarkozy pestait contre ce qu'il considérait comme « le cabinet noir de François Hollande ».

Homme de gauche, de « sang mêlé », Dupond-Moretti, surnommé « Acquittator », n'est pas loin de penser la même chose. Les magistrats le craignent. L'un d'eux a d'ailleurs préféré raccrocher les crampons. Procureur en Guadeloupe, Jean-Luc Lennon fut par le passé en poste à Bastia, et avant encore, il fut un ancien flic dans les Hauts-de-Seine... De quoi former un magistrat chevronné. De quoi aussi lui apporter la « carte mentale » lui permettant de s'y retrouver dans ces entrelacs de relations qui forment notre République des initiés. Lui, comme d'autres, savent très bien comme interpréter les récentes promotions gouvernementales. Comme on dit, plus c'est gros, plus ça passe. C'est que maître Dupond-Moretti entretient notamment des liens d'amitié avec Thierry Herzog, l'avocat et ami de Nicolas Sarkozy. « Thierry est un fan de chanson française, il connaît Serge Lama par coeur », dit de lui son ami Eric. Ces derniers mois, Dupond-Moretti s'était également rapproché de Brigitte Macron. L'avocat a d'ailleurs eu comme cliente l'une de ses connaissances, la productrice Yamina Benguigui.

Dupond-Moretti, mais également Darmanin à l'Intérieur. Nicolas Sarkozy ne cesse de se réjouir de ces dernières nominations. Il revient de loin pourtant. À l'automne 2016, l'ancien président perdait les primaires de la droite. « Si j'avais gagné, jamais Macron n'aurait été élu. Mais, en 2022, ça ne va pas être le même scénario », se rassure-t-il. Sarkozy ne peut supporter de s'être fait griller la politesse par un jeune banquier de chez Rothschild. Mais il préfère jouer fair-play : « Il fait de son mieux. Les dernières nominations vont dans le bon sens », explique-t-il aux journalistes.

À l'automne 2016, pourtant, comme Alex aujourd'hui, Nicolas comptait ses amis. À l'époque, même certains de ses proches avaient tourné casaque. En septembre de cette année-là, le magazine Valeurs Actuelles l'avait invité à rencontrer plusieurs centaines de lecteurs dans le très chic Pavillon Royal, niché au coeur du bois de Boulogne. Sarkozy est alors d'une humeur de chien. Dans la loge, l'ambiance est glaciale. Dès les premières minutes, il fait mine de ne pas vouloir monter sur scène. Finalement, malgré quelques minutes de retard, il se lance devant les 500 participants au dîner. Après avoir fait son show durant plus d'une bonne heure, et avoir répondu aux dernières questions, Nicolas Sarkozy se lève pour dire au revoir, et reprend d'un coup le micro : « Je vous remercie, surtout je ne veux pas que vous pensiez que je suis un homme seul, je suis venu avec des amis politiques fidèles... J'ai des alliés. J'ai des collaborateurs... Véronique Waché, Sébastien Proto... Et il y a les amis. » Il se tourne vers Yves de Kerdrel, alors directeur général de Valeurs Actuelles : « Tu es un ami ». Puis s'oriente vers Camille Pascal, attablé dans l'assistance : « Et vous avez un ami que vous connaissez, lisez toutes les semaines... » Il demande à l'intéressé de se lever. Et conclut : « Ce message s'adressait bien à ceux auxquels il était destiné ».

À l'automne 2016, les co-actionnaires de VA, Charles Villeneuve comme Etienne Mougeotte, soutenaient Alain Juppé. Cinq ans plus tôt, alors que Nicolas Sarkozy était encore à l'Elysée, les deux compères avaient participé aux réunions du « groupe Fourtou », du nom du grand patron de Vivendi qui avait réuni communicants, chefs d'entreprises et autres « influenceurs » pour aider le président d'alors à se faire réélire. Parmi les participants du groupe Fourtou, on trouvait alors un certain Sylvain Fort, qui deviendra plus tard la plume d'Emmanuel Macron à l'Elysée. Comme quoi, les transfuges sont toujours utiles en politique.... Et aujourd'hui, avec certains de ses proches au coeur même du pouvoir, Sarkozy compte bien en profiter : « Il est comme requinqué. Macron a du souci à se faire », observe un de ses proches. D'ailleurs, Sarko appelle constamment son ami le publicitaire Jacques Séguéla qui a inventé le slogan « Si c'est le chaos, c'est Sarko ». « T'as vu Jacques, j'ai repris ton idée pour mon dernier livre. Je l'ai appelé "Le temps des tempêtes". Je voulais vraiment te remercier, car je crois que j'ai retrouvé mon modjo. Et tu as raison, Macron n'est pas du tout à la hauteur ».

>> Lire les épisodes précédents

(*) Auteur de « L'ambigu Monsieur Macron » puis de « Le grand manipulateur, les réseaux secrets de Macron », Marc Endeweld tient depuis 2019 chaque semaine dans La Tribune une chronique Politiscope.

Retrouvez vendredi 7 août, l'épisode 4/8 de notre fiction d'été : « Nettoyage d'été à LREM ».

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Commentaires 2
à écrit le 31/07/2020 à 18:18
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Seriez nous en train d'essayer de nous dire que la marionnette présidentielle va changer de main ? Alors certes on peut imaginer que Marine Le Pen au second tour va encore nous sortir une énorme aberration afin que les gens ne l'elisent pas, elle...

à écrit le 31/07/2020 à 12:41
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Initié, c'est peu de la dire! Vous pensez que tout ceux qui regardent ne l'on pas compris?! comme l'économie, tout est question de réalité! Mais nous allons voir si les clones d'écoles vont pouvoir changer le paradigme de la crise.... Pas pour...

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