
Assiste-t-on à un début d'hémorragie au sein de la majorité ? On en est loin, mais les départs ou exclusions du mouvement présidentiel dans les rangs des députés LREM ont tendance à s'accélérer ces derniers mois. Fin janvier, ce fut au tour de Paula Forteza, députée des Français d'Amérique latine et des Caraïbes, qui soutient Cédric Villani aux municipales à Paris, lui-même banni du parti peu de temps après. L'élue a mis en avant « beaucoup de raisons liées au fond », mais aussi « la méthode, la stratégie politique » du mouvement.
D'ailleurs, peut-on encore parler d'un mouvement à propos de La République en marche ? Depuis 2017 et la victoire étincelante d'Emmanuel Macron, LREM s'est peu à peu recroquevillé sur un quarteron d'apparatchiks, représenté à présent par le très charismatique Stanislas Guerini, issu de ladite « bande de la Planche », ces petits jeunes qui s'étaient mis au service de Dominique Strauss-Kahn en 2006 lors des primaires du PS.
« Tous ceux qui contrôlent aujourd'hui La République en marche reproduisent les petites habitudes des vieux partis, dont ils sont issus », se désespère une figure des « marcheurs ».
"Caporalisation" et hémorragie de militants
Pire, Stanislas Guerini, comme ses prédécesseurs à la tête de LREM, notamment Christophe Castaner, n'ont rien fait pour revitaliser le « mouvement », ou plutôt devrait-on maintenant parler de « parti », formule tellement ancien monde, au sujet de cette structure ad hoc, lancée à l'origine en avril 2016 par l'ancien conseiller spécial d'Emmanuel Macron, Ismaël Emelien, le communicant issu d'Havas.
En l'absence de réaction des pontes de la majorité, LREM pourrait bien devenir peu à peu une véritable coquille vide. Les nombreux militants qui avaient rejoint Emmanuel Macron durant sa campagne de 2017 sont désormais une poignée dans la plupart des départements. Une véritable hémorragie pour le coup, liée sans doute à une déception à l'égard de la politique, jugée souvent trop droitière, du gouvernement. La caporalisation des fameux « référents En Marche ! » y est également pour beaucoup.
« À son origine, En Marche ! était une sorte de magma, rassemblant des gens de différents horizons, de différentes sensibilités. Au début, le magma était malléable mais, comme la lave, il a fini par se refroidir, et se fossiliser. Guère étonnant si désormais les fissures commencent à apparaître », analyse un poids lourd du groupe LREM à l'Assemblée.
Il y a quelques jours sur LCI, un vieux roublard de la politique, l'ancien député socialiste Jean-Marie Le Guen lâchait aux téléspectateurs l'analyse suivante : « En réalité, LREM est déjà de moins en moins Emmanuel Macron. » Ce propos paradoxal correspond à un vrai processus en cours.
La crise ouverte au sein du groupe parlementaire par l'épisode du manque « d'humanité » dénoncé par le président à propos de la question des jours de congés en cas de décès d'un enfant accentue le divorce.
En fait, si le président de la République multiplie les interventions dans le débat des municipales, empêchant récemment deux de ses ministres de se présenter à la même élection à Biarritz, ou échouant à dissuader Cédric Villani de se présenter à Paris, il a déjà le regard tourné vers sa réélection de 2022, et LREM ne fait pas forcément partie de son plan. Emmanuel Macron pourrait très bien lancer un nouvel espace pour rassembler de nouveau autour de sa personne, mais sur un nouveau projet.
Macron et Mélenchon : de surprenants points communs
Un peu comme un Jean-Luc Mélenchon, désormais claquemuré avec sa garde rapprochée, qui a fini par dilapider son capital militant de 2017 en se désintéressant du « mouvement » France insoumise, qu'il avait pourtant placé en orbite dans l'optique de sa campagne. Ces deux bêtes politiques ont plus de points communs que leurs entourages respectifs ne l'admettent généralement. L'un comme l'autre se sont placés dans la vague du « dégagisme » et du « nouveau monde » politique, mettant à distance les vieilles structures partidaires. L'un comme l'autre ont une lecture césariste des institutions de la Ve République. Ces deux hommes, que tout oppose sur le fond, veulent aussi tout contrôler. Leurs « mouvements » initiaux étaient entièrement construits autour de leur personne, et de leur ambition :
« Les écolos peuvent se rassembler pour sauver la planète, le RN pour exclure l'étranger, mais nous, on se rassemble pour quelle cause en dehors de la défense du président et de son programme de 2017 ? », s'interroge un responsable macronien.
Une attitude défensive, empêchant tout bouillonnement d'idées novatrices, et renforcée par l'incapacité des élus LREM à dépasser le tabou des tabous : contester la légitimité du président dans l'optique de 2022. Mais comme le soutenait Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée, maintenir LREM en vie était-il indispensable au président dans le cadre de la Ve République ?
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