Le logement, un besoin vital

OPINION. Le logement est le premier poste de dépenses pour les ménages. Il faut leur permettre d'habiter là où ils en ont (vraiment) envie, d'effectuer une rénovation énergétique performante de leur logement et de faire de l'accession à la propriété un pilier du parcours résidentiel. Par Yannick Borde, maire (Horizons) de Saint-Berthevin (Mayenne), président de Procivis, vice-président de l'Union sociale pour l'habitat (USH).
Yannick Borde est maire de Saint-Berthevin (Mayenne), président du promoteur-constructeur Procivis et vice-président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), la confédération des bailleurs sociaux.
Yannick Borde est maire de Saint-Berthevin (Mayenne), président du promoteur-constructeur Procivis et vice-président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), la confédération des bailleurs sociaux. (Crédits : DR)

Il est prévu que le Conseil national de la refondation consacré au logement livre ses conclusions le 5 juin. Celles-ci devront répondre à deux types d'enjeux : des enjeux de court-terme et des enjeux de long-terme.

Pour ce qui est du court-terme, il s'agit de juguler la crise inédite que subit le secteur du logement. Une baisse de 40% des réservations en un an, de 40% de la production de crédits immobiliers, une hausse de 100 000 demandeurs de logement social, un parc bloqué, des entreprises du bâtiment et de l'immobilier qui déposent le bilan : la crise est brutale et va d'abord peser sur les ménages qui ne trouveront pas à se loger malgré l'amorce d'une baisse des prix, faute d'offre. Nous avons avec les principales fédérations professionnelles adressé une lettre ouverte au Président de la République pour l'alerter de cette situation ; les choses sont dites.

Le logement est le premier poste de dépenses pour les ménages

Cette crise ne doit pas cependant mous empêcher de réfléchir aux évolutions structurelles de notre secteur et à l'ambition de dessiner une vision cohérente à propos d'un objet négligé par les discours politiques. Les campagnes présidentielles se succèdent sans que jamais la question du logement n'y apparaissent. Pourtant, au même titre que la santé, l'éducation et l'emploi, le logement est un besoin existentiel, vital, pour chacun d'entre nous.

Le logement est le premier poste de dépenses pour les ménages. Le logement, c'est le principal investissement des foyers français, le moyen de se sécuriser et de préparer sa retraite. Le logement, c'est le lieu du couple, de la famille, des amis. Le logement, c'est la condition de la sociabilité, de l'intégration professionnelle et sociale, en même temps que de l'épanouissement de l'intimité.

Le logement est un refuge, psychologique, affectif, économique. Chaque étape importante de la vie s'accompagne d'une interrogation sur son logement : partir de chez ses parents pour travailler ou étudier, se mettre en couple, avoir un enfant, changer de travail, soutenir ses parents vieillissants, vieillir soi-même...

Permettre aux Français d'habiter là où ils en ont (vraiment) envie

A mesure que nous cheminons dans la vie, nous cheminons dans le parc de logements. C'est pourquoi nous plaidons pour sortir d'une approche comptable et technocratique de la politique du logement pour en faire une politique « vitale », c'est-à-dire une politique en lien avec la vie ordinaire, partie intégrante d'une politique d'aménagement du territoire.

Premier objectif « vital » pour cette politique du logement : permettre aux Français d'habiter là où ils en ont (vraiment) envie. La crise dite des Gilets jaunes a été une crise de notre aménagement du territoire. La métropolisation qui ne cesse de progresser a aujourd'hui atteint ses limites. Elle n'est plus acceptée par ceux qui en sont exclus et elle est difficile à vivre pour ceux qui en subissent le coût et les désagréments : éloignement du lieu de travail, congestion des transports, pollution, insécurité, etc. De fait, les Français aspirent très majoritairement à vivre dans des villes moins denses... mais ne le font pas, ou peu. Les mouvements observables, surtout depuis la pandémie, restent limités.

Deuxième objectif « vital » : permettre aux Français d'habiter là où ils travaillent. Pas de développement économique des territoires sans logements ! On peut se réjouir de la stratégie de réindustrialisation de la France portée par le Président de la République ; si les salariés potentiels ne trouvent pas à se loger, tous nos efforts en matière d'attractivité resteront vains ou généreront de nouvelles fractures urbaines et sociales.

 Faire de l'accession à la propriété un pilier du parcours résidentiel

Il est donc primordial que les élus locaux qui tous se soucient du développement de leur territoire se préoccupent également de logement. Les initiatives prises aujourd'hui porteront leurs fruits dans... 5 ans. On ne compte plus les territoires économiquement dynamiques qui voient leurs entreprises peiner à recruter et les salariés recrutés rencontrer des difficultés pour se loger. Au mieux cela conduit à un allongement du trajet domicile-travail, au pire à un renoncement à la mobilité géographique.

Troisième objectif « vital » : permettre aux Français d'habiter dans le logement auquel ils aspirent et faire de l'accession à la propriété un pilier du parcours résidentiel. Au-delà de la vitrification conjoncturelle du marché, une partie croissante de la population rencontre des difficultés dans sa capacité à conduire son parcours résidentiel, notamment d'une accession à la propriété de plus en plus difficile pour les classes moyennes.

Or, la propriété reste l'idéal des Français à 80%. La mobilité sociale passe par la mobilité dans le logement. Un projet républicain d'émancipation implique nécessairement l'opportunité donnée au plus grand nombre de devenir propriétaire, avec ce que cela amène de liberté et de sécurité pour un foyer. Le produit le plus accessible et le plus désiré reste la maison individuelle. Une véritable politique d'aménagement du territoire devrait la favoriser là où ce mode d'urbanisation demeure cohérent, quitte à en repenser la forme urbaine et la densité.

 Effectuer une rénovation énergétique performante de leur logement

Enfin, le quatrième objectif « vital » est de permettre aux Français d'effectuer une rénovation énergétique performante de leur logement. La France s'est fixée des objectifs ambitieux et nécessaires d'amélioration de la performance énergétique du parc de logements. Ces objectifs ne seront jamais tenus sans une solution puissante de financement des ménages et des copropriétés. 11,5 millions de logements doivent atteindre a minima l'étiquette D d'ici 2025, ce qui signifie qu'il faudrait rénover en moyenne 1 million par an.

Le défi est considérable, l'enjeu crucial : pour la planète, pour la santé des habitants... et pour la préservation de leur patrimoine. La puissance publique fait aujourd'hui beaucoup pour soutenir les ménages à travers MaPrimeRenov notamment mais aussi des dispositifs locaux. Une vraie inflexion a été donnée lors de la période 2018-2021. L'ambition se heurte néanmoins au financement du reste-à-charge et, dans une moindre mesure, aux préfinancements des subventions publiques.

La seule issue semble de sortir cet enjeu du champ strictement concurrentiel, sans pour autant le faire supporter par la puissance publique dont les finances ne le permettent pas. Une banque de place, outil dédié à la rénovation énergétique des logements, et commun aux grands acteurs bancaires pourrait être la solution.

De nombreuses propositions ont été faites ces derniers mois au sein du Conseil national de la refondation, qui a mobilisé largement les acteurs du secteur. Il ne s'agit pas d'en ajouter de nouvelles mais de proposer un « programme », une vision, pour que le logement sorte de l'ornière technique dans laquelle il est aujourd'hui cantonné.

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Commentaire 1
à écrit le 05/06/2023 à 11:35
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Le marché du travail esclavagiste européen en marche, avec tout ces travailleurs détachés notamment et tout ce que l'on demande sans cesse comme contraintes aux salariés eux-mêmes, impose de privilégier plus les locations que les propriétés, si du mo...

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