« Le projet de loi sur l’immigration pourrait nuire à toute la société » (Najat Vallaud-Belkacem)

OPINION - La présidente de l’association France terre d’asile, le fondateur du Groupe SOS, le président de l’association Coallia et celui de l’association Aurore s’inquiètent de la tournure du débat sur l’immigration au Parlement. Par Najat Vallaud-Belkacem, Présidente de l’association France terre d’asile (*)
Najat Vallaud-Belkacem, Présidente de l’association France terre d’asile, ancienne ministre
Najat Vallaud-Belkacem, Présidente de l’association France terre d’asile, ancienne ministre (Crédits : DR)

Demain s'ouvre à l'Assemblée nationale, en commission des lois, l'examen du projet de loi asile et immigration tel qu'il est sorti du Sénat. Nous, présidents d'associations engagées auprès des plus démunis, souhaitons aujourd'hui alerter solennellement les députés sur l'importance du débat qui s'ouvre devant eux. Car ce texte pourrait, s'il n'était pas profondément remanié, redéfinir notre pacte social et nuire, par son aveuglément, à toute notre société, à son économie, à son rayonnement.

Lire aussiImmigration : le crash-test du gouvernement

Notre propos n'est pas de nous prononcer sur la politique migratoire en tant que telle : c'est le rôle de la représentation nationale, et à travers elle de l'État, de s'interroger sur le degré d'ouverture du pays et de réguler l'immigration économique en fonction des défis que le pays doit relever à court et moyen termes. Mais c'est aussi son rôle de s'interroger sur la place de la France dans le monde, et de garantir l'existence d'une société juste et fraternelle. Or, en attisant les peurs, les rejets, voire la haine de l'autre, on ne prépare pas l'avenir d'une société, on la referme sur elle-même et on prépare son déclin.

Lire aussi« La loi immigration votée au Sénat est une aberration politique et juridique » (Benoît Hamon, Singa)

Nos associations ont accompagné de nombreuses personnes en exil dans leur intégration. Toutes font part d'un parcours migratoire traumatisant, où la torture, le viol, le vol et le risque de noyade sont omniprésents. Le choix de quitter son pays et sa famille est d'abord un non-choix.

Ne laissons pas battre en brèche la fraternité républicaine au nom de la théorie plus fantasmée que démontrée de l'appel d'air. Ne laissons pas penser que c'est en rendant la vie impossible aux migrants que nous dissuaderons les candidats à l'immigration. Au contraire, en accueillant moins bien, en soignant moins bien, en intégrant moins bien, on ne fera qu'augmenter la précarité et toutes ses conséquences déjà visibles. Les campements de sans-abri qui se développent dans nos villes font beaucoup plus de mal à notre capacité à vivre ensemble et à notre cohésion sociale que la régularisation de travailleurs étrangers devenus indispensables au fonctionnement de pans entiers de notre économie.

Lire aussiLoi immigration : dix-sept députés LR choisissent d'être « constructifs »

Car nous le savons tous et l'observons bien : de la restauration aux services à la personne en passant par les métiers du soin, sans travailleurs venus d'ailleurs, tout s'arrête. Les personnes immigrées ne sont pas seulement des bénéficiaires, mais des contributeurs majeurs à notre société. Accepter cela, c'est aussi accepter de permettre aux étrangers de vivre dans des conditions dignes, respectueuses de leurs droits. Confondre la régulation de l'immigration et les conditions de vie et de sécurité des personnes sur le territoire national revient à admettre une forme d'hypocrisie qui n'aboutit qu'à favoriser les réseaux de recel d'identité, voire parfois d'esclavage moderne.

Pour pouvoir prospérer, notre modèle républicain d'intégration, celui qui construit notre société, génération après génération, a besoin d'être porteur d'espoir, pas d'attiser les peurs. Sans quoi c'est une France à deux vitesses que l'on nourrira, qui alimentera toujours davantage la ségrégation sociale et le séparatisme. C'est au contraire à un meilleur modèle d'intégration qu'il faut s'atteler afin que chacun et chacune, quelle que soit son origine, puisse trouver sa place dans la société et y contribuer.

Ces débats font oublier l'essentiel : les étrangers ont toujours participé à la richesse de notre pays, à son dynamisme économique et à son rayonnement culturel. N'oublions pas, à titre d'exemple, que, loin des clichés et des fausses représentations, les étrangers participent à 15 % dans la création d'entreprises en France, dont 11 % de non-Européens. Quant à la culture, elle est irradiée par l'apport des grands écrivains francophones, jusqu'à l'Académie française, sans parler de la peinture ou des arts de la scène.

La diabolisation de l'étranger mine l'humanisme fondateur de nos sociétés et conduira à leur déclin, alors qu'une véritable politique publique d'accueil juste et cohérente - fût-elle restrictive - nous reconnecterait à nos valeurs universelles ou simplement à notre humanité élémentaire. Là est sans doute l'enjeu central des débats qui s'ouvrent.

_______

(*) Cosignataires : Jean-Marc Borello (fondateur et président du directoire du Groupe SOS), Jean-François Carenco (président de l'association Coallia, ancien ministre), Pierre Coppey (président de l'association Aurore).

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 9
à écrit le 27/11/2023 à 13:24
Signaler
Souvenir : Quel fil peut bien relier les ministres ou anciens ministres Emmanuel Macron, Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem, la présidente du conseil régional d’Île-de-France Valérie Pécresse, les journalistes Jean-Marie Colombani et Christi...

à écrit le 27/11/2023 à 10:20
Signaler
"Le choix de quitter son pays et sa famille est d'abord un non-choix." Parmi ceux qui fuient pour des raison de nécessité, surtout s'il choisissent la France, il y en a un grand nombre qui fuient la justice de leurs pays pour des crimes commis. Et ...

à écrit le 27/11/2023 à 10:01
Signaler
reconnaissons que cette dame, qui a volontairement interdit le grec l'allemand les maths et autres ' car c'est elitiste donc de droite', pour remplacer ca par de la culture ou les adolescent sfont du papier mache, en matiere de nuisance et de destruc...

à écrit le 27/11/2023 à 9:38
Signaler
Tres bonne nouvelle, si ces gens incapables de voir ce qui se passe en France en ce moment, s'inquietent un peu...c'est que la nouvelle loi est finalement pas si mauvaise que cela...

à écrit le 27/11/2023 à 9:14
Signaler
"Samedi soir, 80 membres de l'ultradroite ont défilé dans le quartier de la Monnaie. Un militant de 20 ans originaire de Mayenne a été "tabassé" et gravement blessé et 20 personnes ont été interpellées et 17 placées en garde à vue, a précisé le préfe...

à écrit le 27/11/2023 à 9:03
Signaler
Attendre la toute dernière extrémité pour traiter de questions d’importance, pour que les différences d’appréciation soient bien cristallisées, les français arc-boutés sur leurs convictions, et in fine, le grand déchirement de nos sociétés.; voilà la...

à écrit le 26/11/2023 à 10:55
Signaler
Pas d'inquiétude, on est en voies de sous-développement.... qui voudra encore venir chez nous ? ;-)

à écrit le 26/11/2023 à 10:03
Signaler
Elle parle pour sa paroisse, combien gagne t elle comme dirigeante parachutée ds cette association qui ne vit que de subvention ?

le 26/11/2023 à 11:32
Signaler
"Paroisse" vous êtes sur ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.