« Le transport aérien doit changer de modèle avant qu'il ne soit trop tard » (Karima Delli)

OPINION. Sur bien des choses, il est malheureusement déjà trop tard... Nous ne pourrons plus empêcher l'augmentation des températures. Par Karima Delli, députée européenne, présidente de la commission transport et tourisme du parlement européen.
« Prendre un vol est devenu un acte consumériste comme un autre » (Karima Delli)
« Prendre un vol est devenu un acte consumériste comme un autre » (Karima Delli) (Crédits : DR)

D'après le GIEC, une hausse des températures comprise entre 1,5 et 2 degrés est déjà acquise. Les conséquences seront funestes puisqu'elles vont changer les équilibres climatiques : davantage d'épisodes caniculaires favorisant des feux de forêt incontrôlables, des réfugiés climatiques... Le véritable enjeu est de circonscrire le phénomène au maximum, car il est fort probable que ces prévisions sont sous-estimées.

Nous suffoquons sous la pollution et le dérèglement climatique...

Pendant ce temps-là, l'industrie du transport aérien continue comme avant. L'un des seuls secteurs à ne pas avoir baissé ses émissions de CO2 depuis 1990 est même en train de programmer son expansion dans des proportions totalement exorbitantes. Le trafic passager pourrait doubler d'ici 2030 tandis que la flotte d'avions serait doublée en vingt ans. Au Salon du Bourget, les commandes volent de record en record.

Cette course à la croissance obéit à de vieilles règles économiques néolibérales bien connues : toute offre crée sa propre demande, et les rendements croissants. Autrement dit, plus on est gros, plus on fait grossir le marché.

Et les compagnies aériennes ne se privent pas de stimuler cette demande par tous les moyens: des prix ultra-attractifs, imbattables poussant l'anomalie à ce qu'ils soient moins chers que le train. De sorte que prendre un vol est devenu un acte consumériste comme un autre. En aucun cas, un aller-retour à 50 euros ne reflète le coût environnemental de ce qu'il puise en ressources naturelles. Or, il est temps de reconnaître que les dégâts environnementaux représentent une dette que nous léguons à nos enfants.

Ni les compagnies aériennes ni les régulateurs publics ne semblent avoir pris conscience de l'impact environnemental de cette course insensée aux volumes. L'Europe a bien fini par imposer quelques règles comme les quotas de CO2 ou l'obligation d'acheter des carburants alternatifs.

Que valent ces mesures face à un marché qui a prévu d'exploser ?

Il existe pourtant de nombreuses solutions pragmatiques qui visent à responsabiliser les comportements. Elles seules permettront d'échapper à des mesures extrêmes comme les quotas de vols.

D'abord, l'avion dispose d'alternatives crédibles, décarbonées et efficaces. Le train par exemple ! Le marché européen des vols intracontinentaux représente la moitié des vols... Il est facile d'imaginer que ce sont des liaisons parfaitement substituables par le train. Il faudrait néanmoins une nouvelle volonté politique pour rénover le réseau ferré européen, réinvestir dans un plan de liaisons transfrontalières plus ambitieuses et réhabiliter le train de nuit... Il faudra également revoir le modèle de financement du réseau ferroviaire (en taxant le kérosène par exemple). La prise de conscience citoyenne qu'une ou deux heures de plus passées dans un trajet pour économiser des millions de tonnes de CO2 fera le reste.

L'autre levier que nous avons identifié a, en plus du désastre environnemental qu'il provoque, une portée sociale symbolique très forte: les jets privés. Les chiffres illustrent l'extrême absurdité de la situation. Deux des trois liaisons les plus fréquentes en jets privés disposent d'alternatives ferroviaires de haute qualité: Paris-Genève et Paris-Londres. Le comble revient aux équipes de football qui, pour relier Lyon ou Nantes à Paris soit moins de deux heures de train, prennent des jets privés. D'après Greenpeace, un jet privé émet entre 5 et 14 fois plus de CO2 par passager qu'un vol commercial classique, et 50 fois plus que le train.

Enfin, il est temps d'interroger notre rapport à la distance. Cette culture du toujours plus loin, toujours plus vite, est une impasse environnementale. Dans l'imaginaire collectif, partir aux antipodes est devenu l'expression d'un accomplissement social. Notre responsabilité collective est pourtant de repenser la fréquence et la distance de nos vols. Le tourisme responsable et citoyen que je défends ne peut s'évaluer selon un critère de distance, mais de qualité environnementale.

Les compagnies aériennes feraient, elles aussi, mieux d'interroger la viabilité de leur modèle fondé sur les volumes. Il est scientifiquement prouvé qu'à terme, les ressources fossiles ne suivront pas, ce qui provoquera immanquablement une explosion des prix du carburant. Les compagnies n'auront alors pas le choix que de réduire la voilure de leur flotte, et il est peu probable qu'elles échappent à une grave crise structurelle due à la dette cumulée pour financer ces flottes gigantesques. Le modèle défendu par certaines compagnies n'est pas seulement une impasse environnementale, il est économiquement condamné.

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Commentaires 11
à écrit le 23/06/2023 à 8:31
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Prenons la dame au sérieux! Interdisons aux parlementaires européens de prendre l'avion! A eux de commencer!

à écrit le 23/06/2023 à 8:31
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Prenons la dame au sérieux! Interdisons aux parlementaires européens de prendre l'avion! A eux de commencer!

à écrit le 21/06/2023 à 19:51
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Notre société déborde de bavards alors que son grand besoin est de trouver des ingénieurs scientifiques visionnaires - à quand le moteur gravité zéro..

à écrit le 21/06/2023 à 16:31
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Attention si le transport aérien ne devient pas "propre" la terre arrêtera de tourner et les avions.....tomberont....de haut.

à écrit le 21/06/2023 à 16:03
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A-t-elle déjà essayer de prendre le train pour aller voir sa famille en Asie ou en Amérique ? Les pseudo-solutions toutes faites n'ont pas de sens

à écrit le 21/06/2023 à 11:46
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Vaux mieux être au niveau du ; "trop tard" que de faire les mêmes erreurs pour "tout changer sans que rien ne change" !;-)

à écrit le 21/06/2023 à 10:59
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Quel ramassis de poncifs. STRICTEMENT les mêmes que ceux employés hier soir sur la 5. Ce sont donc des "éléments de langage", instillés par des dogmatiques révolutionnaires. Pas étonnant que Mélenchon trouve ça bien, lui l'admirateur de Robespierre. ...

à écrit le 21/06/2023 à 10:39
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Pourquoi ne pas reconnaitre franchement qu'il n'y a plus d'enjeu sur le plan climatique ? Il est évident que le pire scénario va se réaliser, avec une probabilité de 100% Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui renoncent à consommer pour s...

le 21/06/2023 à 11:53
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Oui! Moi, mais pas parce que je pense sauver la planète, j'ai simplement horreur du gaspillage et des futilités.

le 21/06/2023 à 14:50
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Je chauffe à 17°C au gaz pour "sauver" la planète (-15% vs 18°C) mais suis frileux vs 16°C (et j'ai l'impression qu'on devient frileux en étant vieux, dont les doigts froids, pb de circulation ? Je vais finalement monter à 20°C, au diable l'avarice :...

à écrit le 21/06/2023 à 9:53
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ça sert à quoi ces complaintes permanentes tandis qu'elle est députée européenne à savoir du consortium financier qui investi à fond dans les avions ? Puisque vous êtes impuissants totalement, pire seulement là pour nous faire croire qu'il y aurait d...

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