Les Emirats Arabes Unis partent à la conquête de l'espace

ANALYSE. Les Emirats Arabes Unis (EAU) sont connus pour leur richesse pétrolière, leur volonté d'ouverture touristique et culturelle, et pour leur implication militaire et diplomatique dans les tensions régionales. Mais leur politique de développement technologique, en particulier dans le spatial, est loin de faire les titres de l'actualité. Par Gérard Vespierre, chercheur associé à la FEMO, Fondation d'Etudes pour le Moyen-Orient, Président de Strategic Conseils (*).
Gérard Vespierre.

Dans moins de 80 jours, un astronaute émirien va rejoindre la Stations Spatiale Internationale, l'ISS, à bord d'un vaisseau Soyouz. Ce nouvel astronaute de 35 ans, Hazza Al Mansoori, docteur en technologie de l'information et pilote militaire, sera le troisième voyageur spatial du monde arabe, après le saoudien Sultan Ben Salman, en 1985 à bord de la navette spatiale, et le syrien Mohamed Fares, en 1987 à bord d'un Soyouz. Une trentaine d'années se sont écoulées, et maintenant un émirien va continuer cette saga. Un réel sujet de fierté pour ce pays du Golfe. Pendant son séjour, il effectuera plus de 100 fois le tour de la terre et conduira des expériences dans les domaines de l'observation de la terre et des données biologiques.

Les EAU vont rejoindre ainsi le club très fermé des pays ayant fait voyager un de leurs ressortissants en orbite autour de la terre, soit une vingtaine de membres seulement! Mais le programme spatial émirien n'entend pas s'arrêter là, puisqu'il vise... Mars ! L'envoi d'une sonde martienne « al-Amal/Espoir » est prévu en 2020. Elle est destinée à se mettre en orbite autour de Mars en 2021... année du cinquantième anniversaire de la création des Emirats Arabes Unis! A l'évidence, de telles réalisations sont seulement possibles si elles ont été précédées par le déploiement d'un véritable programme spatial.

Déjà de nombreux satellites

Le plus récent satellite émirien, Khalifasat, a été mis en orbite le 29 octobre 2018 par une fusée japonaise mais, par contre, il a été construit par les équipes du Centre Spatial Mohammed bin Rashid, dans la « clean room » dont est équipé le Centre. Pesant 300kg, il est destiné à l'observation de la terre. Son orbite géosynchrone passe par les pôles, et lui permet de revisiter les mêmes lieux à la même heure, dans des conditions d'ensoleillement comparables. Une véritable étude scientifique de la terre pourra ainsi être menée à partir des données recueillies par la station de réception de Dubaï.

Neuf autres satellites émiriens ont pris le chemin de l'espace depuis l'an 2000. Ceux-ci ont été construits dans le cadre de programme de coopération, à l'exemple des deux satellites Dubaïsat-1 et Dubaïsat-2 conçus avec la Corée du Sud et lancés en 2009 et 2013 en collaboration avec l'agence russe Roscomos. Le programme émirien revêt également d'autres formes de collaboration, notamment avec la France.

Achat de satellites optiques à la France, accord avec le CNES

En juillet 2014, le programme spatial émirien se diversifiait par la signature d'un contrat d'acquisition de deux satellites dérivés des « Pléiades » développés par la France. Ces derniers seront fabriqués par la division Defence and Space du groupe Airbus et Thales Alenia Space, co-entreprise du français Thales et de l'italien Finmeccanica.

Ce contrat s'est accompagné d'un accord d'Etat à Etat qui prévoit une collaboration franco-émirienne pour l'interprétation des images et le partage de renseignements. Le premier lancement, la semaine dernière, de ce premier »Falcon Eye », par une fusée VEGA d'Arianespace s'est malheureusement soldé par un échec.

La France a rapidement saisi les opportunités civiles offertes par le programme spatial émirati. Le CNES, le Centre national d'études spatiales, a été le premier à signer un accord de coopération avec les Emirats, en 2015, en ouvrant des locaux à Abu Dhabi. A cette occasion, Jean-Yves Le Gall, président du CNES a salué « le développement très impressionnant de l'UAESA, jusque dans son formidable projet d'exploration martienne ». Un tel programme, partant de coopérations, aboutissant à la construction de ses propres satellites et à l'envoi d'un astronaute dans l'ISS, a naturellement nécessité la mise en place de structures adaptées.

Les structures du programme spatial émirien

La création de l'Agence spatiale émirienne UAESA (UAE Space Agency) en 2014 a été la pose de la première pierre. Son siège a été établi à Abu Dhabi sous la présidence de Kalifa Al Romaithi. La deuxième étape a consisté en la mise en place du Centre Spatial Mohammed Bin Rashid, dont il a été décidé qu'il serait à Dubaï et présidé par le Prince héritier de l'émirat dont le centre porte le nom. Derrière ce programme spatial apparaît clairement une stratégie visionnaire, celle de l'après pétrole, en développant une économie de la connaissance.

Une vision du futur

En même temps que ces réalisations spatiales permettent aux EAU de devenir plus compétitifs dans les domaines de l'aviation, de la diffusion audio-visuelle, et de bénéficier d'un meilleur contrôle de leurs frontières, avec une vision depuis l'espace, n'envoient-elles pas un autre message au monde ? Elles sont aussi l'expression une contribution arabe au progrès, et à la science, renouant ainsi avec une histoire millénaire. Elles expriment aussi une foi profonde dans l'avenir, et dans le fait que rien n'est impossible à entreprendre, même pour une population, certes appuyée sur des ressources, mais d'une dizaine de millions d'habitants seulement.

Enfin, comme toute vitrine, ce programme spatial montre, vers l'extérieur, un visage des EAU ouvert au monde et à la technologie, et à l'intérieur, une volonté de conduire ses habitants vers le futur.

(*) Gérard Vespierre rédacteur du site : www.le-monde-decrypte.com

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