Les labels RSE, oui... mais pas n'importe lesquels  !

OPINION. La pandémie de Covid-19 a accéléré le mouvement : jamais les consommateurs, les salariés et les investisseurs ne se sont autant intéressés au rôle sociétal des entreprises. Un sujet devenu incontournable pour de nombreuses structures qui cherchent la meilleure manière de montrer patte verte... au risque de se tourner vers des labels fallacieux mêlant greenwashing et contre-productivité. Pour accompagner la mutation de la société, il est temps de valoriser des solutions vertueuses basées sur des référentiels robustes et aux bénéfices avérés. (*) Par Alain Jounot, Responsable du département RSE - Groupe AFNOR.
(Crédits : DR)

Non, s'autoévaluer via un questionnaire sur Internet ne prouve pas le sérieux d'une démarche RSE.

Non, se baser sur un cahier des charges souple ne justifie pas une démarche RSE.

Non, se targuer d'une amélioration continue sans mesurer ses résultats n'inscrit pas l'organisation dans une démarche RSE.

Non, tous les labels RSE ne se valent pas !

Ils sont pourtant nombreux... La crise sanitaire a encore renforcé la place de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) au cœur des préoccupations des Français. Plus que jamais, consommateurs et investisseurs se montrent attentifs à ces questions. Éthique, responsabilité, durabilité : ces 3 thèmes s'imposent progressivement à tous les échelons de la société. Mouvement de fond dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Et les entreprises l'ont bien compris. Afficher une image respectueuse de l'Homme et de l'environnement devient incontournable pour assurer son développement économique. Mais les actes contredisent parfois les paroles... Face à la profusion de labels censés estampiller la vertu des organisations, certaines s'engouffrent dans la brèche du greenwashing. Et il devient de plus en plus difficile d'évaluer la crédibilité et la robustesse des actions engagées.

Les 3 piliers d'un label RSE robuste

Un label RSE robuste s'appuie sur 3 piliers.

D'abord, un cahier des charges pertinent, dans lequel sont précisément détaillés les critères pris en compte. Les pratiques menées et les résultats obtenus doivent y être clairement énoncés pour établir les liens de cause à effet et déterminer quels sont concrètement les bénéfices obtenus. Mondialement reconnue, la norme volontaire ISO 26000 sur la responsabilité sociétale s'intéresse exclusivement à ces questions. Ce texte de référence fixe les lignes directrices d'un comportement socialement responsable et respectueux de l'environnement, avec un gain de performance à la clef.

Ensuite, une méthode de scoring solide et incontestable. En mathématiques, on attend d'un élève de l'école élémentaire la maîtrise des tables de multiplication et d'un élève de terminale la maîtrise des probabilités et des intégrales. Selon le niveau d'exigence fixé, un système de notation permet d'attribuer à une copie une note qui variera à peine d'un correcteur à l'autre. Il s'agit là d'un système robuste, efficace et partagé, comme peuvent l'être les smileys de la satisfaction client. La méthode PDCA (Plan Do Check Act) à l'œuvre dans les évaluations ISO 26000 repose sur la même logique, pour parler partout un langage similaire.

Enfin, la compétence de l'évaluateur, expert d'un organisme tiers indépendant, formé au modèle, qui se rend sur site pour mesurer les actions et leurs résultats, vient compléter le triptyque de la robustesse d'un label.

La vision très court-terme du greenwashing

Négligentes, peu scrupuleuses ou pressées d'obtenir un blanc-seing sans trop d'efforts, des entreprises préfèrent s'affranchir de ce dispositif pour se tourner vers des solutions qui ne répondent pas à cette rigueur fondamentale. Les chiffres ne trompent pas : des sociétés de notation RSE voient leur chiffre d'affaires s'envoler grâce à une demande croissante d'entreprises qui optent pour des systèmes d'auto-évaluation pour décrocher un sésame, pourvu qu'il semble vert.

Mais que valent-il vraiment ? Sans aucune action concrète menée, sans la motivation d'un cahier des charges qui pousse à agir, sans mesure des résultats, les effets du greenwashing s'estompent rapidement. Finalement, les auto-évaluations n'engagent à rien et les promesses restent lettre morte. Au contraire, les études  comme celle menée par BVA auprès d'entreprises investies dans des démarches RSE sont éloquentes, avec des résultats positifs pour les titulaires du label Engagé RSE :

  • 98 % ont vu leur image s'améliorer auprès de leurs clients, fournisseurs et partenaires ;
  • 93 % ont identifié des pistes d'amélioration ;
  • 88 % ont réduit leurs consommations énergétiques ou en eau ;
  • 78 % améliorent les conditions de travail ;
  • 63 % améliorent leur compétitivité ;
  • 53 % ont accédé à de nouveaux marchés.

Conclusion : une labellisation robuste s'impose comme un puissant levier de performance avec un véritable retour sur investissement à court, moyen et long terme pour les entreprises engagées.

Des initiatives pour valoriser les labels robustes

Et le mouvement va se renforcer avec de nombreuses initiatives pour donner davantage de poids aux labels les plus crédibles. La CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises) milite par exemple pour inscrire cette notion au cœur de la commande publique et pour une prise en compte de ces labels par les donneurs d'ordres. Une entreprise labellisée selon des référentiels reconnus n'aurait ainsi plus à remplir les questionnaires RSE lors d'un appel d'offre. Autre piste : offrir des incitations fiscales aux structures dotées d'un label robuste.

Plus généralement, c'est toute la question de l'éco-conditionnalité des aides aux entreprises qui doit se poser. Indépendamment des aides urgences qui visent à sauver les entreprises fragilisées par la crise, les autres aides octroyées pourraient dépendre de l'engagement RSE des bénéficiaires. Il ne s'agit pas là d'augmenter la complexité administrative, mais au contraire de faciliter l'accès des structures les plus vertueuses aux subventions et aux financements de l'État.

Plusieurs missions menées récemment s'inscrivent dans cette direction. Dans son rapport du 1er juillet, la sénatrice Élisabeth Lamure propose une série de mesures pour encourager les entreprises les plus éthiques, via la simplification de la RSE pour les PME, un plus fort engagement de l'État ou encore la mise en place d'outils incitatifs. En ce sens, la députée Stéphanie Kerbarh propose la création d'un directeur RSE en charge de la commande publique au niveau de l'État, directement placé sous l'autorité du Premier ministre. Objectif : faire de l'État un leader de la responsabilisation des achats, en complément de la Plateforme RSE, instance de concertation dont le secrétariat est assuré par France Stratégie. Enfin, la députée Coralie Dubost vient tout juste de remettre son rapport sur les labels RSE avec comme but affiché la lutte contre le greenwashing.

Profiter de la relance pour agir

Il est maintenant temps d'accélérer. Des initiatives voient le jour à l'échelle européenne pour adopter une stratégie continentale forte face à la position des États-Unis, rare pays à avoir voté contre ISO 26000 lors de sa création. À l'image des Objectifs Développement Durable (ODD) de l'ONU, cette norme volontaire s'inscrit dans une vision globale qui place les enjeux de la RSE au centre des projets de développement.

Le plan de relance de 100 milliards annoncé début septembre, dont 30 milliards consacrés à la transition écologique, nous donne l'occasion de bâtir une stratégie durable. Une démarche RSE structurée et bien menée augmente la performance, augmente la rentabilité, augmente les marchés potentiels. AFNOR et les acteurs français engagés en faveur de labels RSE robustes et crédibles défendent cette conviction et l'impératif d'un washing contre le greenwashing.

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Commentaires 2
à écrit le 09/12/2020 à 21:12
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Tout à fait d'accord avec cette tribune et la position de l'AFNOR qui souhaite mettre en avant son référentiel basé sur l'ISO 26000 mais ne pourriez-vous pas citer des noms de labels pour égayer un peu notre lecture ?

à écrit le 09/12/2020 à 10:59
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Le mot "éthique" semble être de plus en plus abstrait pour nos contemporains, par contre les mots "pragmatique" et "long terme" devraient mis en avant!

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