« Libérez Mikhaïl Saakachvili » (Nathalie Loiseau, eurodéputée Renew)

OPINION - Après la mort d'Alexeï Navalny, l'élue demande la grâce pour l'opposant géorgien.
Nathalie Loiseau, eurodéputée Renew, membre du parti Horizons.
Nathalie Loiseau, eurodéputée Renew, membre du parti Horizons. (Crédits : © Alain ROLLAND/European Union/EP)

À Munich, la femme d'Alexeï Navalny a bouleversé le monde entier en s'exprimant juste après avoir appris la mort de son mari. Ses paroles fortes résonnent encore et obligent à regarder la réalité en face : Vladimir Poutine a voulu la mort d'Alexeï Navalny et a fini par arriver à ses fins. C'est la nature même de son régime de persécuter ses opposants et de les faire disparaître. Le chef du Kremlin n'est pas plus brutal aujourd'hui qu'il ne l'était lorsque Anna Politkovskaïa a été assassinée, puis Boris Nemtsov. C'est notre regard sur lui qui a changé, tard, bien tard.

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À Munich, une autre femme, discrète, écoutait en silence la veuve d'Alexeï Navalny. Compagne de Mikhaïl Saakachvili, elle n'a pas pris la parole mais n'en pensait pas moins. L'homme qu'elle aime, le héros de la révolution des roses en Géorgie, le plus jeune président européen en son temps, devenu opposant farouche et remuant, purge une peine de prison à Tbilissi. Sa santé s'est tellement dégradée qu'il a été hospitalisé. Des médecins qui ont pu l'examiner estiment probable qu'il a été empoisonné. Tous ceux qui interviennent pour demander sa grâce ou au moins son transfert à l'étranger, lui qui a maintenant la nationalité ukrainienne, se heurtent à un mur. La Géorgie n'est pas la Russie, répond-on. La justice y est indépendante, affirme-t-on. Saakachvili n'est pas Navalny, justifie-t-on. La réalité est plus crue et plus cruelle : il ne fait pas bon affronter les intérêts des oligarques géorgiens.

Pourtant, le peuple géorgien rêve d'Europe et la Géorgie a obtenu la reconnaissance de son statut de candidate à l'adhésion à l'Union européenne. Le chemin sera long et c'est peu dire que, si le cœur des Géorgiens bat au rythme de l'hymne européen, il faudra beaucoup d'efforts de la part du gouvernement pour rapprocher le pays des exigences que représente une entrée dans l'Union européenne. Il n'est donc pas trop tôt pour que les autorités de Tbilissi s'attellent à la tâche et commencent à donner les bons signaux sur leur volonté réelle de se conformer aux principes qui fondent le projet européen. Le respect des droits de l'homme et des valeurs fondamentales européennes est le premier de ces principes et il sera examiné à la loupe, à juste titre. Que l'ancien président du pays croupisse en prison et que son état de santé suscite des inquiétudes n'est pas de nature à montrer la Géorgie sous un jour favorable.

Un pays qui aspire à rejoindre l'Union européenne ne peut pas mettre les opposants au pouvoir en prison

Mikhaïl Saakachvili n'est pas Alexeï Navalny ? Certes. Navalny n'a pas pu soulever la chape de plomb qui étouffe la Russie et n'est jamais devenu président. Mikhaïl Saakachvili est une personnalité complexe, qui n'hésite pas à bousculer les lignes et qui est sans doute moins populaire aujourd'hui qu'il y a quelques années. Que craint donc le pouvoir de Tbilissi d'un homme qui n'est plus géorgien ? De quelle vengeance fait-il l'objet et peut-on dire, comme je l'entends, qu'il est « en bonne santé » et reconnaître dans la même phrase qu'il est « bien soigné » ?

La Géorgie n'est pas la Russie ? À l'évidence. Mais l'influence russe, pour ne pas dire l'ingérence, s'y exerce de toutes les manières possibles, dans le champ politique, dans le secteur économique ou par le soutien apporté aux séparatistes de tous poils. Et c'est peu dire que Mikhaïl Saakachvili a dénoncé et combattu cette influence russe sans relâche.

La Géorgie n'est pas la Russie, mais la Russie ne candidate pas à l'adhésion à l'Union européenne, la Géorgie oui et cela fait toute la différence. En laissant mourir Navalny, Poutine a adressé un message clair : plutôt régner par la terreur que perdre le pouvoir. Selon ce qu'elle fera de Mikhaïl Saakachvili, la Géorgie choisira le message qu'elle veut nous adresser : soit les autorités de Tbilissi laissent partir un homme affaibli qui visiblement les encombre, et elles montreront qu'elles font sincèrement le choix des valeurs fondamentales européennes, soit elles le gardent en prison et l'on aura beau jeu de se demander si leur modèle est celui de nos démocraties ou celui d'une ancienne république soviétique encore imprégnée de méthodes autoritaires. Notre message doit en tout état de cause être sans ambiguïté : un pays qui aspire à rejoindre l'Union européenne ne peut pas mettre les opposants au pouvoir en prison. Il faut libérer Mikhaïl Saakachvili.

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Commentaire 1
à écrit le 25/02/2024 à 9:46
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C'est marrant comme ce genre de phrase pourtant motivante d'habitude tombe à plat selon qui la prononce.

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