Nommé aux césars pour sa prestation dans Anatomie d'une chute de Justine Triet, Swann Arlaud est l'un des rares acteurs à prendre la parole pour soutenir les femmes.
LA TRIBUNE DIMANCHE - Pensez-vous que nous vivons le « vrai » MeToo du cinéma français ?
SWANN ARLAUD - Dans un sens, oui, puisque les victimes sont enfin écoutées et qu'il n'y a plus de complaisance envers les agressions sexuelles. Mais nous ne sommes pas encore au bout du chemin. Le coupable désigné, c'est l'arbre qui cache la forêt : le problème est systémique, ce n'est pas la responsabilité d'un seul homme. Ceux dont les agissements sont aujourd'hui dénoncés ont souvent agi publiquement, sans que personne n'y trouve à redire. Que fait-on à partir de là ? On décide de tirer sur tous ceux qui ont laissé faire ? Cela va faire beaucoup de monde... Il y a aussi la question des « tribunaux populaires », qui ne sont pas souhaitables, mais qui existent parce qu'il est trop rare que les coupables d'abus, qu'ils soient sexuels ou autres, soient condamnés.
Le problème va au-delà du milieu du cinéma ?
C'est une question de rapports de domination qui dépasse les violences sexistes et sexuelles et qui est présente dans tous les milieux de pouvoir. Mais il y a quand même quelque chose d'inhérent au milieu artistique en général, où il existe une forme de recherche de vérité naturaliste : on accepte de dépasser certaines limites au nom d'une recherche artistique. Certains acteurs ou actrices ont besoin de dépassement de soi, d'une mise en danger dans le travail, et d'autres, pas du tout. Chacun a sa limite, qui doit être respectée. Nous devons établir des règles claires. C'est rassurant de penser qu'un renouveau arrive avec la nouvelle génération... Après, il faut faire attention à la tentation de la table rase, à l'effacement du passé.
Aimez-vous toujours votre métier ?
J'ai toujours pris du plaisir à le faire, mais j'ai aussi travaillé avec des gens assez tyranniques, aux comportements castrateurs et manipulateurs. Je connais donc ces rapports de domination, même si je n'ai jamais eu affaire personnellement à des abus sexuels. Cela fait longtemps que j'essaie de déceler les premiers signes de relation dysfonctionnelle dans le travail, mais ce n'est pas évident. Je pourrais refuser un bon scénario s'il est réalisé par un tyran. C'est peut-être ça, la nouvelle donne qui fera évoluer les choses.
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