Logement : la crise que personne ne règle

LETTRE OUVERTE. Après avoir mobilisé les fonciers, la question de savoir pourquoi et pour qui des logements neufs doivent être construits, se pose. Par Matthias Navarro (*), associé-fondateur du groupe Redman.
Matthias Navarro.
Matthias Navarro. (Crédits : Jad Sylla)

« Penser que l'envolée des prix de l'immobilier est liée à une production immobilière insuffisante est faux. »

Trop technique, la réalité de la crise du logement et de l'accès à la propriété, n'est à ce jour, malheureusement, pas « formatée » pour être débattue sur les grandes chaînes TV. Elle passe ainsi largement sous les radars des « sujets de société » normalement évoqués à l'issue d'une saison électorale dense telle que nous venons de la vivre. Pourtant, l'habitat représente la première dépense contrainte des Français, à hauteur de 30% à 40% de leur budget. Et la tendance actuelle est plus que préoccupante.

Toujours plus chers. Toujours plus inaccessibles à ceux qui n'ont pas eu la chance de commencer leur vie d'adulte avec un apport conséquent. Le constat est accablant. La crise du logement nous invite à tout revoir du sol au plafond, plutôt que d'appeler, de manière beaucoup trop simpliste, à construire davantage.

En ce domaine, les légendes urbaines ont la vie dure : notamment celle de dire et laisser penser que les prix de l'immobilier s'envolent depuis des années faute d'une production immobilière suffisante. C'est faux ! En France, pour chaque nouvel habitant, nous construisons chaque année près de deux logements !

Les prix sont boostés, car le logement est devenu un produit financier dans un marché extrêmement dérégulé.

Dans les zones tendues où les gens veulent habiter, le parc de logements va forcément avancer vers une sorte de numerus clausus. Si nous voulons que chacun ait un logement, il va falloir apprendre à partager. C'est pourquoi il est temps de mettre sur la table les questions essentielles qui ont du mal à émerger.

À commencer par la mobilisation du foncier qui est LA ressource finie par excellence

Rare et très cher dans les zones attractives, la rétention et la surenchère foncière des propriétaires fonciers y sont pourtant de mise. Le droit de propriété considéré comme quasi absolu en France vient ici percuter la nécessité de libérer le foncier pour construire là où c'est essentiel, et à la fois de l'économiser ailleurs, pour préserver le vivant.

Construire des logements abordables amène forcément à questionner la disponibilité du foncier et son prix. Et en conséquence, sa « socialisation ». Dans le droit fil des premiers mots du Code de l'Urbanisme :

« Le territoire français est le patrimoine commun de la nation ».

La non-disponibilité de ces terrains et leur non-usage carencent les territoires en capacité à accueillir de nouveaux logements. La puissance publique doit y remédier.

Par ailleurs, c'est aussi le sujet des prix stratosphériques de ces terrains qui alimente à plein régime l'envolée des prix des logements. Là aussi, la France souffre d'une fiscalité inadaptée qui incite à la rétention plutôt qu'à la mobilisation de cette ressource limitée. Au-delà d'une limite non spoliatrice à fixer collectivement, les propriétaires doivent entendre qu'il n'y aura plus un euro de plus-value supplémentaire à percevoir. Une régulation « à la source » en quelque sorte.

« Multi-résidences et multi-investissements ad nauseam pour les uns. Crise du logement pour les autres. »

Après avoir mobilisé les fonciers, la question de savoir pourquoi et pour qui des logements neufs doivent être construits, se pose

Crise du logement il y a. Mais les nouveaux logements tomberont-ils entre les mains de ceux qui en ont besoin pour vivre ? Rien n'est moins sûr. Considéré comme un produit financier, il faudra toujours en construire plus.

Tant que la production de logements neufs ne sera pas spécifiquement ciblée à l'attention de ceux qui en ont besoin pour vivre, plutôt que ceux qui en ont besoin pour payer moins d'impôts, le problème ne se réglera pas. Multi-résidences et multi-investissements ad nauseam pour les uns. Crise du logement pour les autres.

L'INSEE a récemment levé le voile sur ce qui devrait être considéré comme un scandale : en France, 3,5 % des ménages détiennent à eux seuls 50% du patrimoine locatif privé du pays. La moitié ! Et l'étude précise d'ailleurs que ces logements sont la plupart du temps placés dans les zones les plus attractives des métropoles. Là où les gens veulent vivre.

Une concentration des richesses entre les mains de quelques-uns qui se fait mécaniquement au détriment de ceux qui cherchent simplement à devenir propriétaires pour se loger. Le logement neuf comme objet de convoitise, dans un monde où la sobriété va devoir être de mise, ne doit-il pas être en priorité réservé aux primo-accédants au détriment de ceux qui en ont déjà 5 ou 10 ?

Des prises de conscience s'expriment déjà, souvent localement, pour appeler à plus de régulation du marché: (très) lourde taxation des résidences secondaires, limitation de Airbnb, permis de résident (afin de conditionner l'achat d'un logement au fait d'habiter le territoire)...

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Commentaires 2
à écrit le 11/07/2022 à 12:49
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les prix des logements explosent notamment a cause de toutes ces normes inutiles; et comme plus personne ne peut payer, y a obligation de construire des logements sociaux, qui seront finances par les idiots qui payent leur logement au lieu de se le f...

à écrit le 11/07/2022 à 12:18
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Il n'y a aucune crise du logement, il faut que les gens se mettent une fois pour toute dans la tête, qu'avoir un logement est un combat dans la vie

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