Peut-on licencier pour faute grave pour des propos tenus sur les réseaux sociaux ?

LE TRAVAIL DANS TOUS SES ÉTATS. Le cas d'un employé d'Amazon licencié en fin d'année 2018 pour avoir exprimé son soutien au mouvement des «Gilets jaunes », dans le cadre d'une publication postée sur Facebook, pose la question des limites de la liberté d'expression sur ce type de plateforme dans le cadre du travail salarié. Par Myriam Delawari-de Gaudusson, associée au cabinet d'avocats De Gaulle Fleurance & Associés.
Le licenciement d'un employé pour un avis publié sur les réseaux sociaux peut-être justifié selon si l'expression est publique ou privée.
Le licenciement d'un employé pour un avis publié sur les réseaux sociaux peut-être justifié selon si l'expression est publique ou privée. (Crédits : Dado Ruvic)

Afficher ses idées ou orientations politiques sur les réseaux sociaux autorise-t-il l'employeur, ne les partageant pas, à procéder au licenciement de celui qui les a publiées ? C'estGun site basé dans la Drôme qui a mis a le feu aux poudres. Ces derniers étant également membres du mouvement des « gilets jaunes ». Le motif de faute grave a été invoqué en raison de posts de soutien et d'encouragement à ce mouvement qu'ils avaient publiés sur Facebook. Et qui visaient, notamment, à bloquer l'accès aux entrepôts du géant de l'e-commerce. Un des posts litigieux indiquait : « Bravo à tous pour le blocage d'Amazon. Qu'est-ce que j'étais content d'être bloqué en sortant du boulot. Vendredi ça va être Black Out Friday. Je me joins à vous quand je ne travaille pas. Bloquez tout. »

Amazon considère que ce « comportement est en opposition totale aux valeurs de l'entreprise » et que les propos tenus « constituent un manquement grave à l'obligation de loyauté ». Le salarié en question indique qu'il souhaitait simplement « remercier le mouvement des "gilets jaunes" » sans demander explicitement le blocage des entrepôts, et que ses propos sur le « Black Out Friday » ne visaient pas spécifiquement Amazon mais « toutes les entreprises de Montélimar ». À l'ère d'Internet, comment concilier liberté d'expression et obligation de loyauté des salariés ?

Communication privée et publique

À y regarder de près, la position d'Amazon se justifie sur le plan juridique compte tenu des circonstances spécifiques et de l'essor de la liberté d'expression sur les réseaux sociaux. Tant bien que mal, la jurisprudence évolue. Le fondement est l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 qui prévoit que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ». Le Conseil constitutionnel a adapté ce principe le 10 juin 2009 en posant que « la liberté d'expression et de communication par Internet est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie, et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ».

Un salarié ne peut donc être sanctionné ou licencié pour ses opinions ou appartenances politiques qui, en qualité de citoyen, relèvent de sa sphère privée. Le soutien aux « gilets jaunes » sur le lieu de travail ou même sur les réseaux sociaux n'est pas interdit en tant que tel. Idem pour le message posté sur un réseau social lorsqu'il est dénigrant à l'égard de l'employeur au sein d'une conversation fermée sur Facebook regroupant un nombre limité de personnes. Protégé par le secret des correspondances, ce message ne peut être exploité par l'employeur pour sanctionner le salarié.

Mais si le message est accessible à tous, l'employeur aura la possibilité de sanctionner pour peu que son contenu porte atteinte à son image ou perturbe son fonctionnement pour violation à l'obligation de loyauté du salarié (article L. 1222-1 du Code du travail). Sauf abus. Or c'est justement l'abus qu'invoque Amazon. Le géant du e-commerce tente de démontrer la violation de l'obligation de loyauté lorsqu'il invoque qu'il « ne faut pas que l'expression de cette opinion et les actions qui en découlent entravent votre travail ou celui des autres, et plus largement, désorganisent l'entreprise ».

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Commentaires 3
à écrit le 02/04/2019 à 9:34
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Malheureusement, la bêtise n'ayant plus de limites il est grand temps de sévir.

à écrit le 02/04/2019 à 9:09
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L'économie financiarisée a totalement dévalué la valeur travail, plus on a d'argent et plus on gagne d'argent sur le véritable travail des autres, plus on travail et moins on est payé et plus on doit travailler dans de mauvaises conditions, on ne tr...

à écrit le 02/04/2019 à 8:15
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y a deja une jurisprudence sur les gens qui nuisent a leur entreprise et sur leur liccenciement, de memoire

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