Pour un service public des transports de qualité, la privatisation de la RATP doit être abandonnée

OPINION. Les Députés ont voté une proposition de loi visant à reporter la « mise en concurrence » du réseau de bus RATP dans un contexte de forte dégradation de la qualité de service des transports offerte aux Franciliens
(Crédits : Yves Herman)

En 2009, le législateur français avait prévu de mettre fin - au plus tard le 31 décembre 2024 - à l'exploitation du réseau de bus de Paris et de la proche banlieue par la Régie historique. Elle serait remplacée à cette date par 13 opérateurs privés, possiblement différents et juridiquement distincts, retenus par appels d'offres.

Le report soumis au Parlement, de 24 mois maximum, n'est pas un choix politique volontaire. C'est une nécessité parce que rien n'est prêt et un constat d'échec des partisans de la libéralisation. Bien que la date butoir du basculement de la RATP vers le privé soit connue depuis 2009, rien n'a été entrepris pour éviter un fiasco en cas de retrait de l'entreprise historique.

En effet, Île-de-France Mobilités - l'autorité organisatrice des transports franciliens - et l'État n'ont pas pris les dispositions opérationnelles, sociales et financières indispensables avant ce grand saut vers l'inconnu. Sans anticipation suffisante, le réseau de bus de la première région économique d'Europe fonce droit dans le mur et les premiers soubresauts sont là.

Dégradation inédite de l'offre de transports, démissions par centaines de conductrices et conducteurs de bus chaque trimestre à la RATP, manque de main-d'œuvre pour la conduite et la maintenance, multiplication des incidents sur les matériels... la préparation de l'éclatement de l'entreprise de service public vers 13 entités privées est, d'ores et déjà, douloureuse et coûteuse.

Contrairement à ce qui est annoncé, la RATP ne serait pas mise en concurrence, mais elle disparaîtrait. Elle serait éclatée et ses morceaux privatisés. Une privatisation de l'exploitation qui ne serait plus opérée par une entreprise publique. Une privatisation du salariat qui passerait sous des contrats de droit privé et dont les garanties salariales ne sont pas assurées. Une privatisation des profits qui ne seraient plus reversés à l'État ni réinjectés dans la modernisation du réseau comme actuellement. Rien dans cette grande bascule n'est de nature à améliorer la qualité de service à laquelle les usagers ont droit.

Afin d'éviter un effondrement du réseau durant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le report de la « mise en concurrence » s'est donc imposé, mais il ne règle rien. Comme élus locaux, il est inconcevable pour nous que les habitants de nos communes subissent un tel effondrement avant, pendant ou même après les Jeux. Comme il est inconcevable que les usagers payent plus pour moins de mobilités.

La vente à la découpe de l'opérateur historique n'est pas une nécessité ni une injonction de Bruxelles comme le clament ses partisans. Il est possible, à droit constant, de conserver la RATP pour l'exploitation des transports en Île-de-France. Pour cela, l'État - unique actionnaire de la Régie - doit recentrer la RATP sur l'exploitation des lignes de transports situées en Île-de-France. En cédant ses activités hors Île-de-France, la RATP renouera avec un cas prévu par les directives européennes : celui d'une Régie sur son territoire historique. Dans ces conditions, la RATP pourra conserver le monopole qui lui a permis de devenir, jusqu'à il y a peu encore, l'un des meilleurs opérateurs de transport du monde.

La qualité de service offerte sur le réseau de bus est primordiale pour la vie quotidienne des usagers. Elle pèse également sur la vie économique de l'Île-de-France. Pour renouer avec un service public de qualité de transport, nous appelons le Gouvernement à recentrer la RATP sur son cœur de métier et son périmètre historique. C'est, nous le croyons, le seul chemin viable pour cesser de dégrader le réseau de bus. Par la cession de ses filiales hors Île-de-France, la Régie retrouvera une stabilité indispensable à de nouveaux investissements et au renfort de son attractivité salariale. Elle redeviendra un outil puissant de transformation des mobilités à l'heure du défi climatique. Parce que le point de non-retour vers le fiasco n'est pas encore franchi et que nos habitants exigent le retour d'un service de qualité, il y a urgence à agir.

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(*) cosignataires

  • Anne Hidalgo, Maire de Paris
  • Céline Malaisé, Conseillère régionale d'Île-de-France, Présidente du groupe La Gauche Communiste, Ecologiste et Citoyenne
  • Stéphane Troussel, Président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis
  • Raphaël Adam, Maire de Nanterre
  • Marie-Hélène Amiable, Maire de Bagneux
  • François Asensi, Maire du Tremblay-en-France
  • Nadège Azzaz, Maire de Châtillon
  • Jacqueline Belhomme, Maire de Malakoff
  • Pierre Bell Lloch, Maire de Vitry-sur-Seine
  • Patrice Bessac, Maire de Montreuil
  • Stéphane Blanchet, Maire de Sevran
  • Philippe Bouyssou, Maire d'Ivry-sur-Seine
  • Luc Carvounas, Maire d'Alfortville
  • Laurent Cathala, Maire de Créteil
  • Patrick Chaimovitch, Maire de Colombes
  • Hélène de Comarmond, Maire de Cachan
  • Stéphanie Daumin, Maire de Chevilly-Larue
  • François Dechy, Maire de Romainville
  • Jean-Philippe Gautrais, Maire de Fontenay-sous-Bois
  • Pierre Garzon, Maire de Villejuif
  • Patrick Haddad, Maire de Sarcelles
  • Jean-Luc Laurent, Maire du Kremlin-Bicêtre
  • Patrice Leclerc, Maire de Gennevilliers
  • Christian Métairie, Maire d'Arcueil
  • Denis Öztorun, Maire de Bonneuil-sur-Marne
  • Gilles Poux, Maire de La Courneuve
  • Abdel Sadi, Maire de Bobigny
  • Olivier Sarabeyrouse, Maire de Noisy-le-Sec
  • Azzedine Taïbi, Maire de Stains
  • Maud Tallet, Maire de Champs-sur-Marne
  • Patricia Tordjman, Maire de Gentilly

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Commentaires 9
à écrit le 29/11/2023 à 19:27
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Le maintien du service public de qualité et non à la privatisation

à écrit le 29/11/2023 à 19:20
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Quelle honte ! La meilleur école de conduites au mondes pour un bus et des conducteurs exemplaires ! Vous allez tous perdre et trembler pour les J O ! Une dégradations des conditions de travail plus de barrière repas des horaires non adapter ! ...

à écrit le 28/11/2023 à 19:08
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Une belle tribune signée par des gens qui n'ont rien compris et se prétendent maires. Leur seule crainte est que la modification des réseaux de transport par les vainqueurs leur porte préjudice aux élections, donc ils mentent au peuple. La RATP n'e...

le 29/11/2023 à 14:31
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Oui et non....selon la loi sur la concurrence ce n est pas la RATP EPIC qui peut participer,mais une filliale...donc ne pas s attendre a du service car salaire bas.

à écrit le 28/11/2023 à 19:05
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Un édito complètement biaisé... La RATP, un des meilleurs opérateurs du monde??? La blague!!!! J'invite Mme HIDALGO et ses confrères socialistes, signataires de ce mensonge à se rendre au Japon plutot qu'à Tahiti pour se rendre compte de ce que doit ...

le 29/11/2023 à 14:33
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J y suis allé...plus de bus apres 22h30 sur la quasi totalite des lignes...peu de voies bus (sur ce point on les rattrape).frequence aleatoire.bus gabarit reduit....oui prenons exemple sur eux....

à écrit le 28/11/2023 à 18:24
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Très bel article mais malheureusement qui a peu de chance de faire bouger les choses. Pecresse n'apprécie guère la RATP. Elle désire par dessus tout la faire disparaître. Apres les JO tout va s'accélérer.

à écrit le 28/11/2023 à 15:59
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L'ouverture à la concurrence de la RATP ne pourrait-elle pas se faire sans sa privatisation ni sa disparition ?

à écrit le 28/11/2023 à 8:26
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"dans un contexte de forte dégradation de la qualité de service des transports" C'est fait exprès afin qu'ils puissent revendre ces services publics à leurs copains privés qui en feront des services payants toujours plus chers, toujours moins bons et...

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