Pour une Europe souveraine sur les marchés numériques

Laetitia Avia, Fabien Gouttefarde et Guillaume Rouger appellent à une mobilisation politique, économique et citoyenne en faveur de deux textes d'importance capitale pour l'avenir de l'Europe : le Digital Services Act et le Digital Market Act. Deux projets défendus par le commissaire en charge du marché intérieur, Thierry Breton. Cette prise de position commune vise à soutenir ces projets actuellement en préparation au niveau européen, à quelques semaines de la présidence française de l’UE. Par Laetitia Avia, députée de Paris, Fabien Gouttefarde, député de l’Eure, et Guillaume Rouger, ingénieur et commissaire aux comptes.
La régulation de ce secteur n'est pas une contrainte, elle est un atout pour nos entreprises et pour les citoyens : accélérons et gardons ce temps d'avance (Laetitia Avia, Fabien Gouttefarde et Guillaume Rouger)
"La régulation de ce secteur n'est pas une contrainte, elle est un atout pour nos entreprises et pour les citoyens : accélérons et gardons ce temps d'avance" (Laetitia Avia, Fabien Gouttefarde et Guillaume Rouger) (Crédits : Gerd Altmann via Pixabay)

A quelques semaines de la présidence française de l'Union Européenne et à l'heure où la France annonce des investissements massifs en soutien au secteur du cloud, l'enjeu de la régulation des acteurs du numérique apparaît comme l'un des dossiers majeurs et prioritaires de l'agenda européen. Le commissaire en charge du marché intérieur, Thierry Breton, est en première ligne sur les deux projets de Digital Services Act et de Digital Market Act.

Le temps est compté

Et, comme il l'a récemment rappelé à l'ensemble des États membres et des parlementaires, « le temps est compté » : le temps de la négociation européenne, bien entendu, qui doit permettre la définition d'un encadrement pertinent, efficace et ambitieux des activités numériques ; mais également le temps perçu par l'ensemble des entreprises et des citoyens européens, qui doivent pouvoir s'appuyer sur des règles claires et pérennes, protectrices de leurs droits fondamentaux et permettant le développement de nos champions européens.

Comme députée et avocate engagée contre le cyberharcèlement et la haine en ligne, comme député spécialiste des questions de défense, comme commissaire aux comptes acteur de la régulation internationale des marchés et des secteurs stratégiques, nous appelons à une mobilisation politique, économique et citoyenne en faveur de ces deux textes d'importance capitale pour notre avenir.

"Il ne s'agit pas de combattre, il s'agit de réguler"

La première brique de cette régulation européenne en construction, est celle de la défense des citoyens européens et des consommateurs, et de l'affirmation de nos valeurs au sein du marché numérique mondial. Le temps politique doit désormais s'accélérer pour rattraper le temps des plateformes digitales mondiales, qui ont investi l'ensemble de l'espace numérique en quelques années et imposé, de fait, des standards internationaux souvent utiles et favorisant le développement de nouveaux services et produits essentiels, mais parfois questionnables, voire dangereux pour nos démocraties.

Il ne s'agit pas de combattre, il s'agit de réguler. Il ne s'agit pas de casser la dynamique d'innovation et de freiner le développement des écosystèmes vertueux, il s'agit de se doter d'un ensemble de règles communes à l'échelle du continent en soutien au renforcement des droits individuels et de la confiance. La lutte contre le cyberharcèlement et la haine en ligne, le combat que nous devons mener sans répit face à la diffusion de fausses informations et la déstabilisation des mécanismes démocratiques au sein des États membres de l'Union, la protection des données personnelles de l'ensemble des citoyens et notre capacité d'intervention sur le champ technologique, des algorithmes et de l'intelligence artificielle sont au cœur de cette évolution législative et réglementaire.

L'Europe doit investir dans des dispositifs de contrôle

Le deuxième étage de cet édifice réglementaire européen en devenir, concerne notre souveraineté européenne sur ce secteur stratégique. Le ministre français de l'Économie, des Finance et de la Relance, Bruno Le Maire, et le secrétaire d'État au questions numériques, Cédric O, portent avec détermination cette ambition une Europe numérique plus forte, en cohérence avec les perspectives tracées par le président de la République. L'Union Européenne doit renforcer sa capacité d'intervention dans ce domaine, au travers d'un effort de normalisation et d'investissements massifs dans nos dispositifs de contrôle.

Elle doit, au travers de la nouvelle architecture juridique, qui sera mise en œuvre, renforcer la sécurité des marchés européens et fédérer acteurs publics et privés autour de cette affirmation de la primauté du droit européen sur notre territoire. A l'heure d'une relance du projet de défense européenne, comment pourrions-nous laisser l'espace numérique à la merci des attaques plus ou moins frontales de nos compétiteurs stratégiques ? Ce serait un renoncement coupable, dont les générations futures auraient à pâtir et qui pourrait mettre à mal des décennies d'efforts de construction d'une Union Européenne en capacité de défendre ses intérêts dans le monde.

Contre un Far West dévastateur

Enfin, il nous faut travailler à la définition d'un cadre qui soit vecteur d'opportunités pour nos entreprises françaises et européennes. Les Etats-Unis ont compris depuis de longues années que les normes et régulations pouvaient favoriser leurs champions nationaux dans le jeu mondial, en leur procurant des avantages compétitifs déterminants, en les soutenant dans leur développement. Le Digital Services Act et le Digital Market Act apparaissent dès lors comme un réveil interventionniste de l'Union Européenne sur le front de la régulation, réelle arme stratégique pour notre marché intérieur et pour nos entreprises numériques, de services et industrielles.

Car la révolution numérique n'est pas l'apanage des GAFAM, elle emporte des conséquences et des évolutions majeures sur l'ensemble du champ technologique et économique : des systèmes embarqués aux algorithmes d'optimisation industriels, de l'aide à la décision au ciblage publicitaire, du développement des capacités robotiques à l'utilisation massive des technologies d'intelligence artificielle dans l'ensemble des sphères publiques et privées.

Sur l'ensemble de ces quelques thématiques, chacun peut aisément comprendre quels pourraient être les effets dévastateurs d'un Far West numérique sans supervision ni contrôle. En agissant vite et de manière coordonnée sur l'ensemble de son territoire, l'Union Européenne affirmera son leadership et favorisera un développement plus solide de ses propres géants du numériques. La régulation de ce secteur n'est pas une contrainte, elle est un atout pour nos entreprises et pour les citoyens : accélérons et gardons ce temps d'avance.

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Commentaire 1
à écrit le 01/12/2021 à 17:57
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L'Europe, comme vous dites, peut être aussi souveraine si elle minimise l'utilisation du numérique! Il ne faut pas voir l'avenir comme un dogme a suivre, mais une constante adaptation!

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