Quantitative easing : la BCE a-t-elle besoin d'en rajouter ?

Le quantitative easing (QE) lancé en mars par la BCE est un échec. Un plan B est donc nécessaire, aux allures de QE2. Par Stéphanie Villers, économiste, Humanis

Le premier assouplissement monétaire de la BCE n'a pas obtenu les résultats escomptés. Les prix ne repartent toujours pas à la hausse. Au nom de l'inflation et de son objectif officiel de 2%, Mario Draghi va de nouveau agir. Un QE2 à prévoir pour décembre.
N'en déplaise à la BCE, son premier quantitative easing (QE), lancé en mars, est un échec. Rappelons que cet assouplissement monétaire avait été décidé pour relancer l'inflation. Ce sont 60 milliards d'euros qui sont déversés chaque mois sur les marchés obligataires jusqu'en septembre 2016 afin de stimuler la hausse des prix.

L'échec du QE sur l'inflation

Or, près de 8 mois après le lancement de ces mesures, force est de constater que la variation de l'indice général des prix reste nulle. La chute des cours du pétrole a mécaniquement et invariablement tiré l'indice vers le bas. En quelques mois, le cours de l'or noir a chuté de moitié. Le baril est passé d'un pic à 115 dollars en juin 2014 à 48 dollars à fin octobre 2015. La BCE n'a pas la mainmise sur les variations du prix des matières premières. Elle peut au mieux en limiter les effets. En effet, la dépréciation de l'euro renchérit le prix des matières premières importées et en atténue théoriquement leur effet déflationniste sur l'inflation globale. Pour autant, ni le change, ni la croissance ne figurent dans le mandat de la BCE, contrairement à d'autres banques centrales. C'est donc uniquement au nom de l'inflation qu'elle a pu agir en mars en lançant son QE tout en se fixant un objectif officieux de baisse de l'euro.

Si on regarde l'inflation sur laquelle la BCE peut agir, c'est-à-dire l'inflation sous-jacente (hors prix de l'énergie, produits alimentaires, boissons alcoolisées et tabac), celle-ci ressort à 1% en octobre. Cette faible hausse des prix est le reflet de l'atonie de la demande interne et montre de même que, pour l'instant, le vaste assouplissement monétaire de la BCE n'a pas aidé à relancer la dynamique sur les prix locaux.

Un QE tombé à pic

Néanmoins, cette manne déversée chaque mois par l'institut francfortois sur le marché obligataire n'a pas été totalement inutile. D'une part, elle est arrivée à point nommé pour empêcher de nouvelles turbulences sur les dettes périphériques (dettes publiques espagnoles, portugaises et italiennes) qu'auraient pu déclencher les tensions entre le gouvernement Tsipras en Grèce et Bruxelles à partir de janvier 2015. Ensuite, le crédit bancaire a réussi enfin à sortir la tête de l'eau en zone euro. Enfin, la baisse de l'euro face au dollar a permis aux produits européens de gagner en compétitivité à l'export.

L'économie manque structurellement d'élan

Pour autant, ces mesures dites non conventionnelles n'ont pas réussi à transformer l'essai. La reprise du crédit n'a pas permis de stimuler l'investissement et avec lui la croissance et l'inflation. En France, l'exemple est particulièrement saisissant. La faiblesse de l'euro n'a pas évité l'impact de la déflation des matières premières sur l'indice général des prix et la croissance n'a pas retrouvé ses couleurs d'antan alors que les taux d'intérêt demeurent particulièrement bas. Tout au plus, la hausse du PIB atteindra 1,1% sur 2015.

Alors, bien entendu, la situation économique s'améliore, mais la croissance manque structurellement d'élan et laisse la question de l'efficacité du QE en suspens. Le jeu en valait-il la chandelle ? Des doutes avaient émergés dès son lancement de ce programme. Il suffisait pour s'en inquiéter de regarder les piètres résultats sur les prix réels des QE menées par les autres banques centrales. La question avait d'ailleurs été clairement évoquée lors de la conférence de presse de janvier. Mais, Mario Draghi avait préféré botter en touche en expliquant qu'il n'envisageait aucune autre alternative et de préciser, « ce n'est pas la première fois que l'on pose ce genre question pour savoir si nous avions un plan B. Nous venons de définir un plan A, point à la ligne.»

La croissance,  cible officieuse de la BCE

Mais, au vu des premiers résultats et compte tenu de la très forte probabilité de remontée des taux directeurs aux Etats-Unis, il va falloir que Mario Draghi revienne sur ses déclarations en mettant en place un plan B aux allures d'un QE2. Rappelons-nous, qu'aux Etats-Unis, il a fallu que la banque centrale lance trois QE successifs pour obtenir le résultat escompté, la reprise de la croissance. Il risque d'en être de même pour la BCE, qui devra, en outre, contrecarrer les risques de hausse de taux d'intérêt en provenance des Etats-Unis.

En effet, en décembre la Réserve Fédérale va vraisemblablement augmenter ses taux directeurs entraînant par effet ricochet la progression des taux long terme sur l'ensemble des marchés obligataires. Or, la BCE se doit de maintenir les taux d'intérêt le plus bas possible en zone euro pour continuer de relancer le crédit et pouvoir ainsi voir à terme un effet positif sur l'investissement. Car sans reprise de l'investissement, il n'y a pas de rebond à attendre sur l'emploi, ni même sur la croissance et donc rien à attendre du côté de l'inflation.

La mise en place de plan Junker avec 315 milliards d'euros d'investissements supplémentaires arrive à point nommé et devrait soutenir l'objectif officieux de la BCE qui vise une relance par l'offre. Dans ce contexte, l'institut francfortois va petit à petit s'éloigner de son mandat et sa cible unique de maîtrise de l'inflation. Le pragmatisme de la BCE va dans le bon sens. Reste à savoir quelles vont être les nouvelles mesures annoncées lors de la prochaine réunion début décembre. Certains envisagent un prolongement du premier QE au-delà de 2017, d'autres une augmentation des rachats mensuels, ou encore une nouvelle baisse du taux de dépôts. Quelle que soit la décision, Mario Draghi maintiendra sa communication offensive du « whatever it takes » pour préserver la zone euro avec en filigrane, cette fois-ci, la relance de la croissance.

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Commentaires 4
à écrit le 23/10/2016 à 18:40
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FAUT-IL A PRESENT UN QUANTITATIVE EASING POUR DEUSTCH BANK? Tout le monde le sait; Deustch Bank va précipiter l'effondrement de l'Allemagne, de l'U.E et d'une importante portion de la finance mondiale si rien n'est fait. Justement que faire donc? ...

à écrit le 23/07/2016 à 15:01
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PLAINTE NEOLIBERALE AU SUJET DU QUANTITATIVE EASING (QE). Voilà qu'à présent des gémissements et plaintes se font entendre du côté de New-York. "Nous n'avons droit qu'à 6% des dividendes de la FED" gémissent les comploteurs des ténèbres. Juste...

à écrit le 19/07/2016 à 17:50
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MAIS OU EST DONC PASSE LE RENDEMENT DU QUANTITATIVE EASING (QE) ? Tous les citoyens du monde le savent. Quand vous achetez des titres (actions ou obligations) vous vous attendez naturellement à recevoir un revenu généré par ces titres. Les actions p...

à écrit le 18/11/2015 à 13:34
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Rêvons un peu. La BCE ne déverse que 20 milliards d'euros pour financer un emploi pour 20 millions de chômeurs européens ...

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