Refuser de construire, c’est renoncer à loger

LETTRE OUVERTE. A la veille des conclusions de la concertation « Habiter la France de demain », le président de Procivis (promoteur immobilier, constructeur de maisons individuelles et administrateur de biens), vice-président de l'Union sociale pour l'habitat (USH) et maire de Saint-Berthevin (Mayenne), Yannick Borde(*), invite la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, à résoudre l'équation « besoins en logements croissants, utilisation du foncier décroissante ».
Yannick Borde est président de Procivis depuis 2012.
Yannick Borde est président de Procivis depuis 2012. (Crédits : DR)

 Madame la Ministre, chère Emmanuelle Wargon,

Alors que vous vous apprêtez à conclure ce 14 octobre la concertation « Habiter la France de demain », je voulais vous faire part d'une conviction : refuser de construire, c'est renoncer à loger. Habiter la France de demain implique avant tout de résoudre l'équation : « besoins en logements croissants, utilisation du foncier décroissante ».

Des besoins croissants pour répondre à l'inflation des prix, au mal-logement, à la démographie dynamique, à l'accueil de nouvelles populations, aux recompositions familiales, à la décohabitation des jeunes étudiants, au développement économique des territoires, etc. Notre pays connaît une crise de l'offre de logements dont les conséquences humaines seront dramatiques. Les prix vont continuer à monter fortement, amputant le pouvoir d'achat des populations modestes et des classes moyennes, les reléguant vers des logements dégradés et bloquant l'ascension sociale par l'accession à la propriété.

Parallèlement il nous faut désormais intégrer la contrainte écologique et diminuer notre utilisation du foncier pour préserver les sols. Le rapport du GIEC publié au cœur de l'été a légitimement ému tout citoyen conscient. La finitude des ressources naturelles s'impose à tous comme un nouveau cadre d'action. Le secteur du logement doit être à la hauteur de sa responsabilité environnementale.

Cette équation est d'autant plus complexe à résoudre qu'elle est posée dans un contexte de pénurie de matériaux, de matériel, et de main d'œuvre. Comment réussir ?

En mobilisant l'expérience. Dans les années 1960, les lois Debré ont permis de construire rapidement les logements nécessaires à faire disparaître les bidonvilles aux portes des grandes agglomérations. Plus récemment, le Parlement a adopté une loi relative aux conditions exceptionnelles de réalisation des infrastructures pour les Jeux olympiques et paralympiques. L'urgence sociale que constitue aujourd'hui le logement des Français ne justifie-t-elle pas de telles mesures d'exception ?

En s'appuyant sur les élus. Encourager les maires bâtisseurs est une bonne chose. Mais allons plus loin en décentralisant la politique du logement et en supprimant les zonages qui génèrent de nombreux effets pervers. Faites confiance aux Maires, en lien avec les services déconcentrés de l'État notamment à travers les Programmes locaux de l'Habitat, pour savoir où et comment construire, nul ne connaît mieux le territoire. Abandonnons les notions de zone tendue et détendue qui n'ont plus de sens : partout nous avons besoin de logements.

En misant sur l'intelligence des Français. Trois quarts de nos concitoyens aspirent à vivre en maison individuelle. Mais ces mêmes personnes se soucient de plus en plus de l'état de la planète. Mettons-leur le marché en main, et proposons une offre spécifique : les maisons individuelles dites « groupées ». Stoppons toute construction neuve en secteur diffus et soutenons de nouvelles formes urbaines qui concilient le sentiment d'intimité de la maison individuelle et la lutte contre l'étalement urbain.

En comptant sur le professionnalisme des acteurs de la promotion immobilière et du logement social. Sanctuarisez le modèle du logement social, comme vous l'avez exprimé au Congrès de Bordeaux, et ne changez pas les règles de contrôle des organismes HLM au moment où vous leur demandez de produire 250.000 logements en 2 ans. Les acteurs du logement social n'ont pas d'autre objectif que de répondre aux demandes toujours plus nombreuses des familles.

Donnez aux professionnels les moyens de construire en augmentant le fond friche et en l'étendant à toutes les situations de bâti vacant, insalubre ou délaissé ; en cédant le foncier de l'État à bas prix à ceux qui s'engageront à y construire du logement social ; en accompagnant la constitution de filières d'approvisionnement, notamment de bois.

Madame la Ministre, ,notre approche est pragmatique et aucunement dictée par la recherche effrénée du profit : nous sommes un réseau coopératif, nullement soumis à une quelconque pression d'actionnaires. Ce que nous voulons, c'est permettre aux Français de se loger décemment, de pouvoir changer de logement au fil des événements de la vie, et de se constituer un patrimoine sécurisant en accédant à la propriété. Bref, faire en sorte qu'habiter la France de demain soit une chance, et non un privilège.

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Commentaires 4
à écrit le 14/10/2021 à 22:01
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Le système en France exploite et écrase les gens qui travaillent à la sueur de leur front. L’épargne des populations sert à faire tourner le moulin collectif . L’état , ces organisations de promoteurs et dHLM profitent de ce système , ils s’en fiche...

à écrit le 13/10/2021 à 9:48
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Tout projet dépend de son futur et de son environnement industriel... s'il n'y a personne a loger (pas de travail) dans un secteur, le construction est inutile!

à écrit le 13/10/2021 à 8:32
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encore un promoteur qui plaide pour sa chapelle. Le probleme majeur c est pas la penurie de logement c est que ceux ci sont trop cher. Pour eviter cela il faut surtout arreter la politique du logement cher (arret du PTZ, arret du Pinel, limitation de...

à écrit le 13/10/2021 à 8:16
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Ce qui est faux, avec toutes les habitations vides de notre pays nous aurions largement de quoi loger tout le monde, refuser de construire pourquoi pas mais sans rénovation massive des habitations et sans politique incitatrice à ne pas avoir de logem...

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