Silicon Valley Bank : des facteurs macroéconomiques à contre-courant et des défaillances ont mené à la faillite

OPINION. Les causes qui ont conduit à la chute de la « banque de la tech US » permettent de tirer quelques enseignements sur la conjoncture actuelle. Par Charaf Louhmadi, consultant et chroniqueur, et Mariem Brahim, enseignante-chercheuse à Brest Business School.
(Crédits : Reuters)

La Silicon Valley Bank (SVB), 16e institution bancaire américaine en termes d'actifs gérés et dont le siège est à Santa Clara en Californie, a fait défaut le vendredi 10 mars 2023. Il s'agit de la plus grande faillite bancaire outre-Atlantique depuis celle de Lehman Brothers en 2008.

La SVB surnommée « banque de la tech US » a subi l'année dernière deux facteurs qui l'ont fragilisé. Le premier est la crise de la tech, 2022 étant une « annus horibilis » pour ce secteur avec un nombre record de licenciements. Cela impacte la banque dont la plupart des dépôts (plus de 80% à fin 2022) proviennent de startups technologiques régionales. L'année 2022 vient casser la tendance haussière de 2021 de l'activité des startups de la tech avec un record de levées de fonds, ces dernières ont su tirer profit de l'accélération de la digitalisation durant la pandémie. Au cours de cette année, les dépôts de la SVB ont bondi de 85% et sont passés de 102 à 189 milliards de dollars.

Le deuxième facteur qui a précipité la chute de la banque régionale est la hausse accélérée des taux d'intérêt .En effet, les taux directeurs de la réserve fédérale sont passés de 0,25% à 4,375% courant 2022. Ces remontées durcissent les conditions de financement, en particulier pour les startups qui sont contraintes de puiser dans leurs dépôts, ce qui contraint la banque à « shorter » son portefeuille obligataire, qui naturellement s'est dévalorisé à cause de la hausse des taux. Rappelons que le prix d'une obligation est décroissant en fonction des taux d'intérêt dont une des composantes structurelles est le taux directeur.

Un bilan présentant des failles

Les emplois et les ressources de la SVB présentaient des anomalies ; d'une part, une forte densité des dépôts des banques de la Silicon Valley et, par conséquent, une absence de diversification au passif. D'autre part, en ce qui concerne les actifs, à fin 2022 la valorisation de plus de 70% de titres obligataires a lourdement chuté avec la hausse des taux.

L'absence de couverture relative à la hausse des taux en 2022 a engendré une perte de 1,8 milliard de dollars, faisant suite à la liquidation du portefeuille obligataire, en vue de financer les retraits massifs des startups.

Par conséquent, l'absence à la fois de diversification au niveau des emplois et des ressources, et d'une couverture du risque de taux de la SVB, a été critique pour la jeune banque américaine, fondée en 1983, qui aura donc vécu 40 ans.

 Défaut de régulation

La réglementation américaine a été assouplie en 2019, sous l'ère Trump. Sur le volet risque de liquidité, une gestion adaptée est mise en place, en fonction d'abord du montant global des actifs ; les banques dites « non systémiques », et dont les actifs n'excèdent pas 250 milliards de dollars, ne sont plus obligées de publier deux indicateurs fondamentaux en risques de liquidité (« Leverage coverage ratio » et « Net Stable Funding Ratio ») si leur niveau de refinancement de marché moyens au cours des 4 derniers trimestres est en deçà de 50 milliards de dollars.

La SVB est passée entre les mailles du filet et n'est pas assujettie au « LCR » car, à fin 2022, ses actifs sont valorisés à 211 milliards de dollars et son niveau de refinancement de marché moyen à court terme vaut 13,5 milliards de dollars.

On rappelle que le « LCR », issu de la réglementation bâloise (Bâle III) est le rapport des actifs liquides (dénommés HQLA) aux sorties nettes de trésorerie à horizon 1 mois. Initiée en 2013, l'exigence minimale pour cet indicateur est de 100% à compter du 1er janvier 2019. Le LCR moyen des banques françaises à fin 2022 dépasse largement (précisément de 64%) l'exigence minimale requise.

Le NSFR est un ratio dont l'horizon temporel est un peu plus large, s'étalant sur une durée d'une année.

En résumé, on peut donc affirmer que la faillite de la 16e banque américaine provient d'un contexte macroéconomique relativement défavorable, d'un bilan présentant des failles aux emplois et aux ressources, et d'une négligence de la gestion du risque de taux et de liquidité, ce dernier assoupli par le régulateur national.

Pourquoi l'effet contagion n'a pas eu lieu

L'effet contagion n'a pas eu lieu, car d'une part la SVB a un bilan très concentré, et d'autre part le régulateur européen reste conforme aux exigences bâloises, il n'y a pas eu d'assouplissements réglementaires locaux relatifs à la gestion du risque de liquidité, un risque auquel les banques européennes semblent être résilientes.

La SVB n'est pas une banque systémique, ce qui était le cas de Lehman Brothers au moment de son défaut au quatrième 2008.

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