Dossier Scribeo

« Définir ce que serait devenu l’enfant s’il n’avait pas subi le traumatisme est la difficulté centrale à laquelle sont confrontés les régleurs »

Maître Viviane SCHMITZBERGER-HOFFER et Maître Franck COLETTE, du cabinet d’avocats spécialisés en Droit du dommage corporel SCHMITZBERGER-HOFFER & COLETTE, sont tous deux titulaires du diplôme interuniversitaire de traumatisme crânien enfant et adolescent, syndrome du bébé secoué. Ils sont également membres de l’ANADAVI et sont entourés de professionnels spécialisés. Ils s’expriment sur l’indemnisation de l’enfant victime de dommages corporels.
Maître Viviane SCHMITZBERGER-HOFFER & Maître Franck COLETTE
Maître Viviane SCHMITZBERGER-HOFFER & Maître Franck COLETTE (Crédits : SCP)

Quelles sont les spécificités du droit du dommage corporel lorsqu'il s'applique aux enfants ?

L'enfant n'est pas un adulte en miniature, mais un être en devenir.

C'est pour cette raison qu'il faut envisager de manière spécifique l'indemnisation du dommage subi par un enfant et plus particulièrement un très jeune enfant victime d'un traumatisme crânien.

Définir ce que serait devenu l'enfant s'il n'avait pas subi le traumatisme est la difficulté centrale à laquelle sont confrontés les régleurs.

Cette préoccupation est essentielle puisqu'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, il convient d'indemniser la victime de manière à la replacer dans la situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si l'accident ne s'était pas produit.

Enfant blessé, médullaire, traumatisé crânien, ses champs des possibles sont subitement et drastiquement réduits, voire anéantis :

  • Quid des expériences qu'aurait pu vivre l'enfant ?
  • Comment l'enfant aurait il perçu le monde ?
  • Quels choix aurait-il pu faire ?

La bobine du film de sa vie s'est brisée dès les premières images.

Or, le destin d'un individu est bien la vie qu'il aurait dû avoir et c'est cette vie-là que l'enfant doit avoir les moyens de réaliser.

C'est ainsi qu'il faut envisager la spécificité du dommage corporel lorsqu'il s'applique aux enfants.

Il faut particulièrement s'appliquer à l'appréciation du besoin de l'enfant en aide humaine, étant souligné qu'il ne faut pas confondre le besoin d'aide d'un enfant sans handicap avec celui d'un enfant handicapé.

Ainsi, il ne faut pas déduire du besoin d'aide d'un enfant handicapé le besoin d'aide habituel selon l'âge de l'enfant.

Le besoin d'aide d'un enfant blessé, médullaire ou traumatisé crânien est spécifique.

La question de la consolidation est complexe chez l'enfant qui, par définition, n'a pas fini sa croissance. Quelles en sont les incidences sur l'indemnisation ?

Tant pour le médecin que pour le juriste, la fixation de la date de consolidation (la stabilisation des blessures) est essentielle.

C'est une véritable ligne de partage entre les postes de préjudice à caractères temporaires et ceux à caractères définitifs.

Cette date constitue également le point de départ des délais de prescription et des délais d'offre d'indemnisations pour l'assureur (cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la date de la consolidation).

Il faut en principe attendre l'âge de la majorité pour prononcer la consolidation de l'état séquellaire.

Pour un enfant traumatisé crânien, c'est au fur et à mesure que le cerveau va se développer (jusqu'à environ 25 ans...), que les carences et les séquelles vont apparaître dans toutes leurs dimensions.

Il faut en tout cas veiller à ce que la consolidation n'intervienne ni trop tôt, ni trop tard. Si l'enfant est consolidé trop tôt, les acteurs de l'indemnisation peuvent omettre d'analyser dans toutes leurs composantes, certains postes de préjudices comme la tierce personne définitive, le préjudice professionnel, l'aménagement du logement, du véhicule...

Si l'enfant est consolidé trop tard, l'attention de régleurs va se focaliser sur le préjudice professionnel en omettant la longue période de préjudice scolaire, l'importance des souffrances endurées, le préjudice juvénile lié à la privation des joies propres de l'enfance...

Il convient en tout état de cause de veiller, jusqu'au jour de la consolidation, à obtenir des provisions afin de favoriser une démarche de réadaptation, d'acquérir des matériels performants pour améliorer le confort et le développement de l'enfant, d'aménager le logement, de couvrir les frais de consommables non remboursés...

Pour ce faire, il faut procéder à des expertises d'étapes aux âges clefs de l'évolution de l'enfant.

En cas d'accident à l'école, qui est responsable ?

Les hypothèses de responsabilité sont multiples et dépendent des circonstances de l'accident :

  • Accident provoqué par un autre enfant : responsabilité des parents de l'auteur (article 1242 du code civil) ; présomption de responsabilité sans faute ;
  • Accident sans tiers impliqué : il est possible d'engager la responsabilité de l'État venant se substituer aux membres de l'enseignement.

Dans ce cas, il faut démontrer un défaut de surveillance à l'origine du dommage. Il est recommandé de souscrire une assurance (garantie des accidents de la vie, GAV) qui couvrira (sous les réserves et limites du contrat) les conséquences dommageables de tout accident.

Quels sont les droits de l'enfant s'il est la victime indirecte d'un accident ou en cas de perte d'un parent à la suite d'un accident corporel ?

La victime indirecte, qu'elle soit enfant ou adulte, n'a pas plus de droits que la victime directe.

Ainsi :

  • Si le parent décédé des suites d'un accident est seul fautif, l'enfant n'aura droit à aucune indemnité que ce soit au titre de préjudice économique ou au préjudice d'affection.
  • Si le parent décédé n'est pas fautif, l'enfant sera indemnisé intégralement.

Il existe des règles spécifiques d'indemnisation du préjudice économique de l'enfant, victime indirecte, selon des critères d'âge, de revenus, de situation familiale...

La consultation du présent article est notamment soumise aux CGU de Scribeo

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