"Pour un droit à l'expérimentation réglementaire et fiscale en Alsace" Jean-Luc Heimburger

Jean-Luc Heimburger coordonne le pôle Economie de la Région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur, une instance de collaboration économique et politique entre l'Alsace, le Palatinat, le Pays de Bade et le Nord-Est de la Suisse. Il propose des pistes d'expérimentation pour faciliter les échanges avec les pays voisins.
Jean-Luc Heimburger, président de la CCI d'Alsace-Eurométropole.

LA TRIBUNE - L'Alsace est la première région exportatrice française par habitant. Qu'est-ce qui peut entraver cette bonne performance ?

JEAN-LUC HEIMBURGER - L'Europe ne marche pas car elle n'est pas assez concrète. L'Alsace veut donner une réalité plus concrète aux relations transfrontalières dans la Région métropolitaine trinationale du Rhin Supérieur. Ce territoire à cheval sur la Suisse, l'Allemagne et la France représente 250 milliards d'euros de PIB, soit 100 milliards d'euros de plus que le Grand-Est auquel nous sommes attachés administrativement, pour une population comparable de 6 millions d'habitants. Nous avons un territoire transfrontalier dans laquelle les acteurs économiques se connaissent de mieux en mieux.

Quelles sont les instances qui vous permettent de collaborer avec vos voisins ?

La Région métropolitaine trinationale est reconnue par les gouvernements depuis 2010. Il ne s'agit pas d'une nouvelle structure administrative, mais d'une plateforme de coordination dotée d'un mode de gouvernance original. Elle formalisé des relations transfrontalières de manière très concrète en se concentrant sur quatre piliers d'action : l'économie, la collaboration politique, un pilier scientifique et la société civile.

Que demandez-vous ?

L'Alsace et ses régions voisines occupent une place privilégiée en Europe. Le Rhin n'est plus une frontière, mais il est un fleuve qui traverse. Nous avons besoin de davantage de fluidité dans le transport, les infrastructures, et d'une intégration renforcée des trois territoires qui composent le Rhin Supérieur. Depuis Paris, on ne voit pas les choses de la même manière. Nos gouvernants doivent assumer leurs responsabilités dans le différend social et fiscal qui nous a opposés autour des entreprises suisses implantées en territoire français à l'aéroport de Bâle-Mulhouse. Nous revendiquons un droit à l'expérimentation fiscale et réglementaire avec les pays voisins.

Quels sont les freins à la collaboration dans vos échanges quotidiens ?

Il y a des dissymétries qui nous gênent au quotidien. Quand un camion doit transporter du bois depuis le massif vosgien vers l'Allemagne, il se heurte à des normes réglementaires différentes entre les deux pays. En France, le poids autorisé s'établit à 57 tonnes. En Allemagne, il est à 40 tonnes. Ils faut donc décharger une partie de la cargaison avant la frontière, et effectuer un autre voyage pour reprendre ce qu'on a laissé en France. Nous nous sommes organisés avec les entreprises pour faire remonter tous les jours de telles non-conformités vers les services de l'Etat. Nous menons une action transfrontalière offensive !

Avez-vous obtenu des résultats ?

Parfois, les résultats sont encourageants. Dans le projet d'extension du tramway de Strasbourg vers Kehl, il a été décidé que les règles du pays initiateur s'appliqueraient dans le pays voisin. Nous nous battons pour aboutir à une harmonisation des règles au cas par cas. Ce que nous obtenons ici pourra s'appliquer dans les autres régions transfrontalières, telles que la zone entre les Ardennes et la Belgique ou le Pays Basque.

Quel est l'outil juridique idéal pour renforcer les coopérations institutionnelles ?

Le campus universitaire transfrontalier Eucor est porté par les universités de Bâle, Fribourg-en-Brisgau, Haute-Alsace, Strasbourg et le Karlsruher Institut für Technologie. Il a adopté le statut de Groupement européen de coopération territoriale (GECT). C'est un support juridique bien adapté, qui a permis par exemple d'embaucher des professeurs américains. Isolée, une université française ne serait pas parvenue à leur proposer un contrat de travail adéquat. Les expérimentations sont toujours possibles, du point de vue juridique. Notre but ultime est que l'ensemble du territoire du Rhin supérieur devienne un GECT.

Quel serait l'intérêt de vos expérimentations sur la question l'emploi ?

Il faut déjà connaître son voisin. Pour aider aux jeunes à découvrir les entreprises dans le pays voisin, nous avons déjà mis en place 21 conventions transfrontalières entre des sociétés allemandes et des établissements d'éducation alsaciens. On a jusqu'à 25 % de chômage chez les jeunes en Alsace, contre 4 % en moyenne chez nos voisins allemands où l'apprentissage et l'alternance sont monnaies courantes. Il faut expliquer aux parents qu'il est plus facile de travailler à 20 kilomètres de chez soi, le long de la bande frontalière en Allemagne, qu'à 100 kilomètres vers le Nord ou vers le Sud si on doit se déplacer entre Mulhouse et Strasbourg !

La Région métropolitaine trinationale reste une inconnue. Comment entendez-vous remédier à ce défaut de notoriété ?

Cette région a besoin d'une identité de marketing territorial. A l'instar de la Silicon Valley, nous aimerions travailler sur le concept de la Life Valley, qui se justifie du point de vue de notre environnement et de nos activités scientifiques. La décision sera prise avec nos voisins à la fin de cette année.

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Propos recueillis par Olivier Mirguet,
correspondant Grand Est pour La Tribune

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Commentaire 1
à écrit le 28/07/2017 à 13:11
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Bonjour les commentateurs, il faudrait expliquer à ce monsieur que la région Alsace a été supprimmée par les socialiste en 2014 et s´appelle maintenant Grand Est dont le baron est l´ancien défenseur de l´Alsace. Bref, son initiative est décalé, il d...

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