
Non, il n'y a pas que des Franciliens propriétaires de résidences secondaires en Bretagne. Au moment où la crise du logement s'intensifie, portée par l'emballement des prix immobiliers et les restrictions liées aux crédits, une étude réalisée par l'Insee Bretagne publiée le 4 mai dernier reprend le débat de manière argumentée.
Ainsi, la moitié des 234.000 résidences secondaires comptabilisées (76% de maisons, dont 31% de maisons de plus de 100 mètres carrés) sont détenues par des habitants de la région ou des Pays de la Loire. Les Franciliens comptent pour près d'un tiers (30%) et les étrangers, majoritairement Britanniques, pour 7%.
En revanche, la part des résidences secondaires, 12% de l'ensemble des deux millions de logements, est supérieure à la moyenne nationale (9%), en raison de la forte attractivité du littoral. Deux tiers des résidences secondaires, soit 65%, sont situées à moins de 2 kilomètres du rivage. Cette proportion se révèle être la plus élevée des régions littorales.
Les Franciliens sur la côte
« Les 30% de résidents secondaires d'Ile-de-France ont surtout leur résidence principale à Paris (8 %), les Hauts-de-Seine (5 %) ou les Yvelines (5 %). Leurs résidences bretonnes sont en grande partie situées dans les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale, ndlr) d'Auray Quiberon Terre Atlantique, du Golfe du Morbihan - Vannes Agglomération et de la Côte d'Émeraude » observe l'Insee Bretagne, à partir de chiffres datant de 2019. En restreignant le champ d'observation à moins de 500 mètres du rivage, on trouve 40% des résidences secondaires de la région, comparé à 37% dans les Pays de la Loire, 34% en Corse et 30% en Normandie, montre la radioscopie de l'institut statistique.
À l'échelle départementale, le Morbihan abrite 16% de résidences secondaires, contre 14 % dans les Côtes-d'Armor et 11% dans le Finistère. En Ille-et-Vilaine où le nombre de résidences principales est plus élevé au sein de Rennes Métropole, le pourcentage passe à 6%.
« La part de résidences secondaires apparaît ainsi très élevée dans certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) littoraux. Elle atteint 50% dans la communauté de communes de Belle-Île-en-Mer (3.350 résidences secondaires sur 6.750 logements), 35% dans celle de la Côte d'Émeraude et 31% pour celle d'Auray Quiberon Terre Atlantique », établit l'Insee Bretagne.
Les Britanniques sont pour leur part plus bucoliques. Les résidences secondaires de nos voisins d'outre-Manche sont plus surtout concentrées dans les terres et les zones non-littorales, le long d'un axe Landivisiau-Redon, dans la frange sud de l'Ille-et-Vilaine et la partie nord, entre Dinan et Fougères.
Les prix du logement en forte hausse
Sur le critère du poids des résidences secondaires, dans l'ensemble du parc de logements, la Bretagne se place donc au quatrième rang des régions de France métropolitaine derrière la Corse, Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Occitanie. La surreprésentation de logements secondaires, détenus par des habitants plus aisés et âgés, n'est pas sans lien avec les tensions observées dans certaines zones comme celles de Vannes ou Saint-Malo. Les étudiants, les jeunes actifs et les foyers modestes y déplorent de ne plus pouvoir se loger. Dans ces villes côtières, les entreprises ont aussi plus de mal à recruter.
Les prix de l'immobilier sont devenus particulièrement dissuasifs. En cinq ans, ils ont augmenté de 29%, comme l'atteste un rapport de la députée LREM du Finistère, Annaïg Le Meur. L'attrait pour la location saisonnière, sur des plateformes comme Airbnb ou Gens de confiance, tend également à limiter l'offre locative.
« En mairie, un rendez-vous sur deux est aujourd'hui lié aux demandes de logement » rappelait récemment à Ouest-France, Yves Bleunven, président de l'association des maires du Morbihan. Dans ce département, le prix de vente d'un appartement neuf s'établissait à 4.240 euros du mètre carré en septembre 2022, soit une hausse de 4,8% sur un an et à 5.550 euros à Quiberon.
La Bretagne, bientôt une zone tendue ?
Dénonçant une « frilosité de l'État » à agir, certains élus réclament notamment la publication du décret d'application de la loi votée en octobre. Celle-ci permettrait en effet d'étendre le dispositif de zones tendues à des communes bretonnes de moins de 50.000 habitants. Objectif, réglementer les locations saisonnières. Des villes comme Saint-Malo ont pris les devants.
En 2021, la cité corsaire, où les locations sur Airbnb représentaient les deux tiers des locations de courte durée, a mis en place des quotas stricts par quartier, afin d'enrailler l'explosion du nombre de locations saisonnières et de limiter le nombre de logements convertis en Airbnb à un seul par propriétaire. Limité à 1.696 logements, le plafond est atteint depuis l'été 2022.
Ces quotas, qui concernent également les résidences secondaires louées pour des vacances, ont porté un coup d'arrêt au développement débridé de la location de courte durée. De facto, cette décision a entraîné la mise en vente d'un certain nombre de petites surfaces. En revanche, ils n'ont « pas favorisé les locations longue durée et à l'année. On n'arrive pas à loger les gens », analysent plusieurs agents immobiliers. Au-delà de Saint-Malo, les réglementations se généralisent à Dinard, ainsi qu'à Cancale.
En juin, Annaïg Le Meur, notamment, devait déposer un projet de loi transpartisan visant à étendre l'obligation de diagnostic énergétique (DPE) aux locations meublées de tourisme et à s'attaquer à leurs avantages fiscaux, dont les abattements de 50 à 71%. Son examen a été reporté. En France, 28 agglomérations françaises font partie de ces zones tendues. Aucune commune bretonne n'y figure. La bataille du logement ne fait que commencer.
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