Crédit immobilier : innover pour sauver les projets des ménages

OPINION. Alors que l’accès au crédit immobilier s’est considérablement restreint ces derniers mois (hausse des taux d’intérêt, contraintes du HCSF et taux d’usure), bloquant les projets immobiliers de nombreux ménages, le Président de la FNAIM propose de mettre en œuvre la transférabilité et la portabilité des prêts, afin de débloquer et fluidifier le marché immobilier. Par Loïc Cantin, Président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM)
(Crédits : Fnaim)

Fin 1973 c'est déjà un conflit, celui opposant Israël à ses voisins arabes lors de la guerre du Kippour qui a été à l'origine du premier choc énergétique. Paradoxalement, cette période qui a sonné le glas des Trente Glorieuses a été faste pour l'immobilier. Non seulement il a gagné ses galons de « valeur refuge », mais les Français - majoritairement locataires à l'époque - ont pu continuer d'accéder à la propriété. Les salaires suivaient la même progression que l'inflation. Et les taux réels des crédits immobiliers augmentaient, quant à eux, moins que celle-ci : la période était donc particulièrement propice pour emprunter.

Aujourd'hui, les mêmes causes ne produisent plus les mêmes effets. Face à l'envolée des taux et de l'inflation consécutive au conflit russo-ukrainien, la situation est sensiblement moins favorable aux emprunteurs. D'où la nécessité de mieux les accompagner dans leur parcours immobilier.

Changement d'ère pour l'immobilier

Les Français vivent un changement d'ère dans leur accès au crédit immobilier. Alors que depuis quinze ans, les conditions d'endettement étaient très favorables, tout a changé en peu de temps. Trois sujets sont devenus problématiques : les critères prudentiels de délivrance d'un prêt édictés par le Haut conseil de stabilité financière, la hausse des taux d'intérêt et, dans une moindre mesure, le niveau de l'usure, qui bénéficie depuis début février d'un nouveau mode de calcul plus favorable aux ménages, mais, malheureusement, temporaire.

Cette nouvelle donne du crédit immobilier est explosive : environ 30 % des dossiers d'emprunt ne passent pas. Pour le dire autrement, près d'un tiers des projets des Français souhaitant devenir propriétaires sont compromis, parmi eux la moitié de ceux qui veulent l'être pour la première fois : l'exclusion de ces derniers n'est pas acceptable. Sans même évoquer un « chiffre noir », sans doute conséquent ; celui de tous ceux qui s'auto censurent et abandonnent leur projet.

Cette situation n'est plus soutenable. L'accès à la propriété est un droit fondamental pour tous, notamment pour les primo-accédants, et ne peut pas être restreint ou confisqué. De graves tensions sociales pourraient naitre de cette situation.

Seule l'ingénierie financière peut apporter une solution structurelle. Il faut que les prêts immobiliers s'adaptent, en devenant portables et transférables.

Portabilité des crédits

Transférable pour qu'un propriétaire accédant, ayant un prêt en cours aux conditions nécessairement favorables de la période antérieure, puisse en faire bénéficier l'acquéreur de son bien. Le transfert ne dispense pas, bien sûr, de l'examen de la situation du nouvel emprunteur, mais il a deux vertus : il permet au marché immobilier de continuer de fonctionner pour les « ménages entrants » et il préserve l'encours des banques.

Cette évolution nécessite une mutation juridique et idéologique. En France, les prêts personnels sont accordés à des personnes pour des achats de biens. Or, il sera nécessaire que les crédits soient à l'avenir liés aux biens eux-mêmes. L'enjeu le mérite. Le droit doit s'ajuster à la réalité économique et sociale.

L'autre solution consiste à permettre la portabilité du crédit, c'est-à-dire autoriser un emprunteur qui s'est endetté pour acheter un bien immobilier, à le conserver pour l'acquisition d'un autre bien après la cession du premier, sans modification des conditions. Il économise ainsi les frais attachés au solde par anticipation du crédit et à la souscription du nouveau prêt, selon des hypothèses de taux à 3, 4 ou 5 %, probables d'ici quelques mois et encore pour les deux années qui viennent.

Il appartient au ministre de l'Économie de réunir les banques pour ouvrir sans délai le débat sur les voies qui peuvent rendre plus accessible la propriété immobilière. Au demeurant, les prêteurs savent techniquement manier ces concepts. Les clauses de transférabilité et de portabilité ont figuré dans les contrats de prêt il y a moins d'un demi-siècle attestant de la faisabilité de ces formules. En revanche, le temps presse, et la dégradation du marché use le moral de la nation : un pays dont les familles doivent renoncer à bien vivre leur logement n'est pas en paix avec lui-même.

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