Dans l’atelier tourangeau de nos intérieurs

La Touraine compte l’une des seules manufactures de papier peint à la planche en Europe. Le savoir-faire d’Offard s’exporte désormais jusqu’en Russie et aux États-Unis. Visite guidée.
Atelier d’Offard, à Tours.
Atelier d’Offard, à Tours. (Crédits : © JULIE LIMONT)

François-Xavier Richard, barbe rousse et pantalon de peintre taché, est très affairé en ce lundi 22 janvier. Le patron de l'Atelier d'Offard doit faire partir un lot de rouleaux de papier peint gaufré couleur chocolat, destiné au musée théâtral Bakhrouchine à Moscou. « Avec les mesures restrictives prises par l'Union européenne contre la Russie depuis le conflit contre l'Ukraine, le passage de la frontière devient un exercice très compliqué, même pour la bonne cause, souffle le quinquagénaire. À l'aller, on a travaillé sur de simples échantillons sur photos. Au retour, il va falloir faire appel à des intermédiaires. »

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La géopolitique s'immisce partout, même au sein de l'une des dernières manufactures de papier peint réalisé à la main en Europe. Installée dans une arrière-cour discrète dans le quartier nord de Tours, elle est plus habituée à appliquer de grandes planches gravées sur des lés de papier qu'à manier les subtilités de la logistique en temps de guerre. La dizaine d'artisans de l'Atelier d'Offard est en ce moment également à pied d'œuvre sur un chantier moins lointain et incertain. Il s'agit de la maison de Tante Léonie à Illiers-Combray, fermée depuis 2020 et dont la réouverture est prévue en mai prochain. En cours de rénovation par le département d'Eure-et-Loir, qui va en faire un musée permanent, les pièces de cette bâtisse datant de 1850 seront bientôt retapissées avec des papiers peints reproduits à l'identique. « On a cherché les décors d'origine dans les moindres recoins, sous le plâtre, derrière les miroirs ou les anciennes barrettes électriques, assure le chef d'entreprise. L'objectif est de se rapprocher au maximum des décors d'époque, pour que la plongée dans le passé soit complète. » Il est comme ça, François-Xavier Richard : sous ses airs débonnaires, l'artiste cache un caractère exigeant à l'extrême vis-à-vis de la qualité des papiers qui sortent de son atelier.

Édition d'objets en carton-pierre

C'est en 1999 que ce professeur d'arts plastiques, diplômé des Beaux-arts d'Angers, décide de lancer sa propre manufacture de papier peint à la planche. Il la baptise d'Offard, du nom de l'île située sur la Loire, en face de Saumur. L'atelier, qui déménagera cinq ans plus tard en amont du fleuve royal, en Touraine, jouit déjà d'une certaine réputation. Tours, à une heure de TGV de la capitale, lui apporte rapidement une notoriété nationale et internationale. François-Xavier Richard a retrouvé des techniques de travail et d'impression disparues, la tontisse, le gaufrage, la patine sur papier ou le polissage au galet, pour reconstituer les copies de motifs anciens ou réaliser ses propres créations.

La peinture, touche finale du travail, est fabriquée sur place à partir d'un savant mélange de pigments. Outre les musées (Dobrée à Nantes, Wilanow à Varsovie, etc.) et châteaux (Biltmore en Caroline du Nord, Ferrassou dans le Lot-et-Garonne, etc.), l'Atelier d'Offard s'est aussi fait un nom chez les décorateurs et architectes d'intérieur de renom comme Jacques Garcia et Alberto Pinto. La maison Maxime d'Angeac lui a également commandé le papier peint du wagon-restaurant de l'Orient-Express redécoré par le groupe Accor à l'occasion des JO Paris 2024.

Dans cette quête permanente du travail bien fait, l'Atelier d'Offard emprunte parfois des chemins de traverse. En atteste la grande fresque en carton-pierre, aux motifs inspirés des foulards de la maison Hermès, qui sera installée en mars à l'hôtel Bristol à Paris. En 2011, François-Xavier a remis au goût du jour ce matériau qui servait à construire les décors de spectacles avant le stuc. « Produit à partir de chutes de papier, de blanc de Meudon et de colle naturelle, le carton-pierre constitue un prolongement naturel de notre activité historique, explique le quinquagénaire. Il représente désormais une part non négligeable du chiffre d'affaires de l'atelier. »

Outre l'hôtellerie haut de gamme, les grandes marques du luxe telles qu'Hermès, Guerlain, Chaumet, Boucheron, Chanel ou Sisley adhèrent au concept. Elles subliment ainsi l'intérieur de leurs boutiques de Paris à New York en passant par Tokyo. Moët Hennessy a poussé le bouchon encore plus loin en commandant des seaux à champagne fabriqués en carton-pierre pour un événement VIP en novembre 2023. Car l'Atelier d'Offard a lancé en 2021 sa propre maison d'édition d'objets issus de ce matériau naturel, que dirigent Louis et Éloïse. Tous les deux designers, les enfants de François-Xavier Richard reprendront, le moment venu, la manufacture fondée par leur père. Bon sang ne saurait mentir.

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